Pourquoi les enfants adoptent-ils des comportements que nous estimons inappropriés ?

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Dans son livre Porter un regard bien-traitant sur l’enfant et sur soi, Arnaud Deroo écrit que les enfants ne se comportent pas mal, mais qu’ils se comportent d’une telle manière qui peut être dérangeante pour vous.

La société impose aux parents de faire en sorte que les enfants soient sages et obéissants le plus vite possible, sans prise en compte de facteurs comme la maturité neurologique du cerveau des enfants ou encore la nature des besoins des enfants.

Voici 5 raisons qui pourraient expliquer pourquoi les enfants adoptent des comportements que nous estimons inappropriés pour la vie en collectivité.

1. L’immaturité neurologique

Durant les premières années de la vie, le néocortex est en formation. Le néocortex est aussi appelé cerveau supérieur. Il sert entre autre à réfléchir, faire preuve de logique et de raisonnement, à faire preuve d’empathie, à se mouvoir de manière volontaire et consciente, à imaginer et créer, et à planifier et résoudre des problèmes.

Chez les jeunes enfants, le cerveau supérieur ne peut pas exercer de contrôle complet sur le cerveau qu’on pourrait qualifier d’émotionnel. Les émotions non régulées par la raison dominent le cerveau de l’enfant. Bien qu’une grande partie du cerveau se forme au cours des cinq premières années de la vie, sa maturation se prolonge jusqu’à l’âge adulte.

Tant que le cerveau n’a pas atteint sa pleine maturité, les processus de gestion des émotions, des affects ne sont pas totalement fonctionnels. Cela explique les difficultés que l’enfant peut avoir pour contrôler, maîtriser ses réactions émotionnelles ou affectives. Catherine Gueguen

Connaître l’évolution du cerveau de l’enfant aide à comprendre pourquoi un enfant réagit spontanément, sans avoir la moindre capacité à prendre du recul ou comprendre ce qui lui arrive. Il ne PEUT pas contrôler ses émotions. Cela explique que le jeune enfant soit submergé par ses émotions et ses instincts primitifs d’où ses brusques colères, ses larmes ou son agitation

 

2. Le stress quotidien

Arnaud Deroo définit le stress comme “une dépense d’énergie physique et psychique liée à un effort d’adaptation. Si cet effort est trop compliqué par rapport à nos capacités, nous vivons une situation perturbante et cela risque d’entraîner encore plus de tension, de réactions disproportionnée, inappropriées.”

Or, les enfants accumulent très tôt du stress : se dépêcher pour aller à la crèche ou à l’école, être comparés par rapport aux camarades, être sous pression des résultats scolaires, être séparés des parents pour toute une journée…

Par conséquent, les enfants ont besoin d’évacuer le trop plein de stress et de trouver sécurité auprès des parents. Souvent, cela passe par le fait de retrouver les bras de la mère ou du père en fin de journée et de pleurer. Les pleurs ont alors une signification particulière : “Tu m’as manqué, je suis content(e) de te retrouver, merci d’être là.” Il serait alors nocif de chercher à faire cesser les larmes.

Pour aller plus loin : Les crises à la sortie de l’école  + Les enfants ont besoin d’un temps de reconnexion avec leurs parents après une journée d’école.

 

3. La non satisfaction des besoins 

Tous les comportements des enfants nous disent quelque chose en termes de besoins. Selon Jane Nelsen, créatrice de la discipline positive, les 2 principaux besoins de l’enfant sont le besoin d’appartenir (trouver sa place dans la famille, à l’école et dans la société) et le besoin de se sentir utile (sentir que son action personnelle compte, a une incidence; que l’aide de l’enfant est désirée et utile).

Jacques Salomé va plus loin et parle de 8 besoins fondamentaux de l’enfant :

1. Besoin de survie (les besoins de survie à la base de la pyramide sont des besoins vitaux primaires : manger, boire, dormir, éliminer les besoins naturels, respirer)

2. Besoin de sécurité (le besoin de sécurité est comblé quand l’enfant est protégé, aimé, quand il est entendu et consulté, quand il peut se dire et être reçu.)

3. Besoin de socialisation (le besoin d’appartenance revêt une importance capitale pour le bon développement des enfants, que ce soit appartenir à une famille, un milieu, une ethnie, un ensemble de croyances.)

4. Besoin de reconnaissance (l’enfant a besoin de participer à la vie de la famille, de se sentir utile au bon fonctionnement de la classe, de prendre part à la vie sociale. Il a besoin de faire avec mais aussi de faire seul.)

5. Besoin de différenciation (« Je suis unique et ce que j’éprouve m’appartient. » L’enfant a besoin que soit reconnus ses propres pensées, ses propres émotions, ses propres goûts, même s’ils sont différents de ceux de ses parents.)

6. Besoin d’évolution (l’enfant a besoin qu’on reconnaisse que ce qui est bon pour lui à un moment donné peut ne plus suffire par la suite. L’enfant puis l’adolescent évolue, se développe, ses besoins suivent chaque étape de ce développement.)

7. Besoin d’individuation (les enfants ont besoin de relations dans le moment présent et personnalisées. Ils n’ont pas besoin de réponses valables pour tous, générales, les enfermant dans un moule.)

8. Besoin de réunification (l’enfant a besoin de sentir qu’il est un tout indivisible malgré ses apparentes contradictions ou oppositions. Il a besoin que ses parents lui disent qu’il est normal d’éprouver des sentiments conflictuels (par exemple, besoin d’autonomie en même temps que besoin de soins au moment de l’adolescence).)

citation éducation

L’essentiel est alors de passer en mode écoute active (“je vois que tu es…”/”tu as l’air…”/ “on dirait que ça te rend…”) ou de poser des questions de curiosité (que s’est-il passé ? qu’est-ce que tu essayais de faire ? de quoi as-tu besoin ?) pour découvrir le besoin caché derrière le comportement inapproprié, tout en signifiant la non adéquation dudit comportement.

Par exemple, avec un enfant qui en a tapé un autre pour lui prendre son jouet : “Ce n’est pas possible de taper, tu peux demander à X qu’il te prête son jouet mais tu t’y prends autrement. Tu demandes avec des mots. Si X ne veut pas, tu es capable de l’entendre et le comprendre.”

Pour répondre au fort besoin d’appartenance et d’utilité des enfants, on peut les impliquer sous forme de partenariat (“que pouvons-nous faire pour que ça se passe bien pour toi et pour moi ?) ou encore poser des questions auxquelles l’enfant a la réponse (“quelles chaussures met-on quand il pleut ?).

4. Le manque d’information et de préparation

Quand une consigne n’est pas donnée, quand une règle n’est pas assez précise, quand une information est mal comprise, l’enfant ne dispose pas des éléments pour se comporter de manière appropriée.

Donner des informations à l’enfant peut se faire sous plusieurs manières :

  • Prévenir et décrire les événements à venir

Quand on annonce à l’enfant de quoi sa journée sera faite, il ne risque pas d’être perturbé par un situation nouvelle, qui peut se révéler inquiétante pour lui.

  • Expliquer en quoi consiste le comportement attendu, pas à pas

Ainsi, “range ta chambre” peut ne pas avoir de sens pour l’enfant car la consigne est trop générale. On pourra alors expliquer à l’enfant en quoi consistent les actions attendues, voire les lui montrer : d’abord, mettre le linge sale dans la panière à la salle de bain; ensuite, mettre les livres dans la bibliothèque; enfin, ranger les petites voitures dans la caisse à jouets.

Arnaud Deroo prend l’exemple d’une enfant qui assiste à un enterrement. Si personne n’explique à l’enfant comment se comporter au cimetière, elle ne comprendra pas pourquoi elle ne peut pas jouer, sauter, danser ou encore chanter. “Au cimetière, les adultes ont besoin de calme et d’être en silence pour penser à la personne disparue, je te demande de les laisser se recueillir en silence.”

  • Donner autant de précisions que possibles

Arnaud Deroo donne l’exemple d’un père dont l’enfant lançait ses petites voitures en l’air : le père précise donc à l’enfant que les voitures sont faites pour rouler et pas pour sauter. Quand le père s’est aperçu que l’enfant avait fait rouler les petites voitures sur des surface fragiles (dont l’écran de la télé…), il s’est bien rendu compte de l’utilité de la précision des consignes : “les voitures sont faites pour rouler par terre”.

  • Demander à l’enfant de reformuler ce qui a été dit par le parent pour en vérifier la compréhension
  • Anticiper les moments qui risquent de provoquer des comportements difficiles

Un long trajet, une longue attente, une visite chez le médecin avec des examens pénibles ou une piqûre… ce type d’événement nécessitent une préparation de l’enfant mais aussi des occupations qui permettront à l’enfant de patienter (des jouets, des livres, des coloriages…) ou de supporter le moment difficile à vivre (un doudou, une poupée…).

5. Une ambiance/ un cadre/ un environnement inadapté

L’ambiance doit réduire les obstacles au minimum. En effet, une grande frustration peut apparaître chez l’enfant quand un obstacle s’oppose à son fonctionnement intérieur (manque de place pour se dépenser physiquement par exemple), à sa volonté de réaliser une action (accrocher seul son manteau au porte manteau par exemple) ou est source de stress (Arnaud Deroo affirme que le temps de cantine pendant lequel les enfants sont poussés à manger vite les met dans un état de stress important).

A la maison, il est important de ne pas contraindre l’enfant à faire face à un environnement composé uniquement par et pour les adultes. Un enfant évoluant dans ce type d’environnement sera constamment soumis à une série d’interdictions (“ne touche pas ça”, “attention, tu vas le casser”) ou à de grandes frustrations (quand l’enfant est trop petit pour attraper une chose).

Pour aller plus loin : Aménager l’intérieur de la maison pour réduire les conflits avec les enfants et nourrir leurs besoins (autonomie, apprentissage…)

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Sources :

Porter un regard bien-traitant sur l’enfant et sur soi de Arnaud Deroo (éditions Chroniques Sociales)

Pour une enfance heureuse : repenser l’éducation à la lumière des dernières découvertes sur le cerveau de Catherine Gueguen (éditions Pocket)