6 réactions bienveillantes face aux mensonges des enfants

mensonges des enfants


Dans son livre Entre parent et enfant, le Dr Haim Ginott consacre plusieurs pages aux mensonges des enfants et propose des stratégies bienveillantes pour y faire face.

Notre stratégie à propos du mensonge est très claire : d’une part, on ne doit pas jouer au procureur et exiger un aveu, ni transformer un incident en affaire d’état. – Dr Haim Ginott 

1. Eviter les interrogatoires qui provoquent des mensonges défensifs

Les questions dont on connaît les réponses

Ginott écrit que les enfants détestent les questions piège qui les forcent à choisir entre un mensonge maladroit et une confession embarrassante. Les enfants sentent quand les parents les soumettent à un interrogatoire dont ils connaissent pourtant déjà les réponses. Les enfants sont alors tentés de répondre par un mensonge défensif. Ginott conseille donc d’éviter de poser une question dont on connaît déjà la réponse.

Une attitude plus constructive et éducative serait alors de décrire les choses au lieu de jouer au détective et au procureur. Par exemple, un parent qui tombe sur les morceaux d’un jouet cassé que l’enfant a voulu cacher pourra lui dire :

J’ai vu que ton nouveau camion est cassé. Il n’a pas fait long feu. C’est dommage car tu aimais bien jouer avec.

Les “Pourquoi ?”

Le « pourquoi » a tendance à être perçu comme intrusif et culpabilisant. Pour les enfants, “pourquoi” correspond à la désapprobation, à la déception et au mécontentement des parents. Les questions qui commencent par “pourquoi” sont souvent accompagnées de reproches et de sous entendus. De nombreuses fois, “pourquoi as-tu fait cela ?” signifie en fait “comment as-tu pu faire quelque chose d’aussi bête ?”.

Faber et Mazlish écrivent :

« la question Pourquoi ? ne fait que s’ajouter à leurs problèmes. En plus de leur détresse initiale, ils doivent maintenant en analyser la cause et fournir une explication raisonnable. Très souvent, les enfants ne savent pas pourquoi ils se sentent de telle ou telle façon. A d’autres moments, ils sont réticents à en parler parce qu’ils craignent que leur raison ne soit pas assez bonne aux yeux des adultes : Tu pleures pour ça ?« . Par ailleurs, l’enfant n’a peut-être pas envie que l’adulte règle son problème et ne veut donc pas lui communiquer ses raisons. »

L’enfant sera plus à même de parler à un adulte qui accueille et accepte ce qu’il ressent qu’à un autre qui l’interroge pour obtenir des explications ou des justifications. Presser l’enfant de “pourquoi” aura plutôt tendance à le conduire à dire de nouveaux mensonges.

 

2. Nier les sentiments et émotions des petits, c’est déjà leur apprendre à mentir

Quand un enfant déclare détester sa mère ou son frère, il y a une explication cachée à trouver. Inutile de répondre à l’enfant que ce n’est pas vrai, qu’il aime en fait sa mère ou son frère et de la culpabiliser en lui reprochant de dire des choses pareilles.

Le problème de nier les sentiments et émotions d’un enfant est que celui-ci apprend alors qu’il peut être dangereux de dire la vérité, de faire part de ses sentiments véritables. Quand il dit la vérité, il prend le risque d’être nié voire puni. L’enfant peut alors avoir l’impression qu’il vaut mieux mentir et que les parents ne veulent entendre que les vérités plaisantes. L’enfant risque alors de ne plus dire comment il se sent vraiment mais de dire seulement ce que les parents veulent entendre.

Une manière de réagir à un enfant qui se plaint de détester une personne proche peut être de reconnaître sa contrariété : “Donc tu ne l’aime plus. Veux-tu me dire ce que X a fait pour te mettre en colère ?”

Si l’on veut enseigner l’honnêteté, on doit être prêt à écouter les vérités amères tout autant que les vérités plaisantes.

Si l’on veut que les enfants deviennent honnêtes, on ne doit pas les encourager à mentir sur leurs émotions, qu’elles soient positives, négatives ou ambivalentes.

C’est à partir de nos réactions aux émotions qu’ils expriment que les enfants apprennent si oui ou non l’honnêteté est la meilleure option. – Dr Haim Ginott  

 

3. Mensonges des enfants et imagination : en comprendre la signification réelle

Isabelle Filliozat, psychothérapeute, explique les enfants ne font pas la différence entre réel et imaginaire comme les adultes jusqu’à  7/8 ans. Il donne le même niveau de réalité à leurs histoires inventées qu’aux faits réels. Tout ce qui n’est pas vrai aux yeux des parents n’est pas forcément un mensonge de la part de l’enfant.

Haim Ginott ajoute que les enfants mentent aussi pour se procurer par l’imagination ce qu’il leur manque dans la réalité. Les mensonges sont des vérités sur les peurs et les espérances des enfants. Si le parent envisage le mensonge de cette manière, il pourra comprendre ce que l’enfant aimerait faire/être/avoir.

Dans Entre parent et enfant, plusieurs situations sont citées en exemple par Haïm Ginott :

  • un enfant déclare avoir reçu un éléphant vivant comme cadeau de Noël.

Il est possible dans ce cas de comprendre la signification réelle de l’information fournie par cette fabulation. “Ça t’aurait fait plaisir de recevoir un éléphant vivant ! Tu aimerais avoir un zoo et une jungle pleins d’animaux chez toi !” Il est même possible d’abonder dans le sens de l’enfant pour réaliser son rêve en imagination : “Qu’est-ce que tu mettrais d’autre dans ton zoo ?/ Moi, si j’avais une jungle chez moi, je voudrais un bébé tigre/ Tu crois qu’on pourrait faire venir Tarzan ?…”

  • un enfant annonce avoir vu un home aussi grand que la Tour Eiffel

Pourquoi ne pas saisir l’occasion pour enseigner à l’enfant quelques mots de vocabulaire qui reconnaissent la perception de l’enfant plutôt que la nier : “Tu as vu un homme très grand, gigantesque, énorme, colossal !”.

  • un enfant se plaint que sa construction a été détruite par une tempête

Le parent peut reconnaître la situation (la construction faite avec entrain démolie) et entrer dans le monde imaginaire de l’enfant :”Une tempête a dévasté la construction que tu as mis tant d’efforts à construire ! S’il vous plaît là-haut, arrêtez d’envoyer des tempêtes. Vous détruisez les routes que construit mon fils !”

 

4. Ne pas mentir soi-même pour donner le bon exemple

Image extraite de "Il me cherche" par Isabelle Filliozat

Image extraite de “Il me cherche” par Isabelle Filliozat (édition Poche Marabout)

 

5. Déclarations compatissantes plutôt que questions de détectives

Évoquer et décrire le problème sans blâmer

Il est plus utile de décrire ce que l’on voit ou sait que de presser l’enfant de questions ou de le traiter de menteur. On peut simplement déclarer sans ton accusateur , simplement pour évoquer le sujet :

“Je vois que tu n’a pas rapporté ton livre.”

“La prof de maths nous a dit que tu t’étais bagarré”.

“Tu as pris un euro dans mon porte monnaie.”

Partager ses propres sentiments

On peut ensuite évoquer nos sentiments :

“Cela me préoccupe.”

“J’aurais aimé que tu viennes m’en parler”.

“Je suis inquiet(e) quand tu …”

Expliciter les attentes

Il est également utile de souligner ce qu’on attend :

“Je suis déçu(e) que tu ne m’aies pas dit que tu avais besoin d’un euro. Si tu as besoin d’argent, viens m’en parler. On trouvera un arrangement.”

“Je m’attends à ce que tu rendes ce que tu as pris.”

“J’aimerais savoir comment t’aider.”

Guider avec respect

Guider un enfant avec respect en lui donnant des informations sans leçon de morale lui permet de garder sa dignité :

“Le jouet ne t’appartient pas. Tu dois le rapporter.”

“Je sais que tu aimerais garder le jouet. Le problème, c’est que ton copain/ta sœur veut le récupérer.”

“Tu aimerais garder le bonbon que tu as mis dans ta poche mais il faut le remettre sur l’étagère. Le garder s’appelle du vol.”

“Ça appartient au magasin. Ça doit rester ici.”

6. Proposer de réparer

Lui demander de réparer, c’est aussi lui dire qu’on croit en lui, et le reconnaître capable d’apporter à la collectivité quelque chose de positif.  – Elisabeth Maheu ( Sanctionner sans punir)

Ginott cite dans son livre l’exemple d’un enfant qui a volé de l’argent dans le porte feuille de ses parents. Les réparations peuvent prendre plusieurs formes :

  • s’excuser et rendre l’argent,
  • si l’argent a déjà été dépensé, la discussion portera sur les manières de rembourser par une réparation compensatrice : effectuer des tâches rémunérées ? réduire l’argent de poche de la somme manquante ? …

En complément, je vous invite à lire l’article : Quand les réparations remplacent les punitions dans l’éducation

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Mes recommandations de livres pour approfondir le sujet :

Entre parent et enfant de Haim Ginott (éditions L’Atelier des Parents)

Il me cherche de Isabelle Filliozat (éditions Poche Marabout)