Dans son livre sur les apprentissages autonomes, John Holt explique que systématiquement corriger toutes les fautes de langage des enfants qui apprennent à parler ne les aidera pas forcément.  Selon l’auteur, apporter une aide non souhaitée est une mauvaise chose pour le développement des enfants.

7 raisons de ne pas corriger les erreurs de langage des tout-petits

1. L’ impolitesse

John Holt écrit :

“si une personne distinguée d’un pays étranger vous rendait visite, vous ne corrigeriez pas toutes les erreurs qu’il ferait en français, quand bien même il souhaiterait apprendre la langue, car ce serait impoli.”

2. Le découragement

John Holt compare les enfants apprenant leur langue maternelle et des adultes s’initiant à une langue étrangère. Il explique que nous finirions par être inhibés si les natifs du pays corrigeaient chacune de nos erreurs lors de nos tentatives de prise de parole dans leur langue. Nous aurions tellement peur de faire des erreurs que nous ne dirions plus grand chose.

Il est préférable d’accueillir et de reconnaître la tentative de l’enfant comme un effort intellectuel. C’est à force d’entendre les personnes autour de lui nommer les moutons qu’il finira par se rendre compte par lui-même que ces animaux s’appellent des moutons et non pas des vaches comme il le croyait auparavant.

3. L’inutilité

” Nous donnons à l’enfant toute l’aide dont il a besoin simplement en utilisant le langage nous-mêmes.”

L’enfant apprendra par imitation sans avoir besoin d’être corrigé. Interférer dans les apprentissages (et les jeux) des enfants y met souvent fin.

4. La compréhension des choses par l’enfant lui-même

Un enfant préférera presque toujours comprendre les choses par lui-même. Cette compréhension des choses par l’enfant lui-même a deux avantages :

  • Il se souviendra mieux de ce qu’il arrive à comprendre tout seul.
  • Il prendra confiance dans sa capacité à comprendre les choses tout seul.

5. Les reproches

L’enfant aura tendance à prendre les corrections comme des reproches, voire une insulte à son intelligence. Même quand les corrections sont formulées gentiment, l’enfant les prendra comme des marques de manque de confiance et de mépris :

  • Tu n’es pas assez intelligent(e) pour comprendre par toi-même.
  • Si je ne te corrige pas, tu ne seras pas capable d’apprendre tout seul.

John Holt considère que ce double message de manque de confiance et de mépris est compris par les enfants car ces derniers sont ultra sensibles aux messages émotionnels et ont un égo fragile.

6. L’extinction de la volonté naturelle d’apprendre

Les enfants veulent apprendre de la même manière qu’ils respirent, c’est-à-dire qu’ils ne réfléchissent pas plus à leurs apprentissages qu’à leurs mouvements respiratoires. Les jeunes enfants n’ont jamais appris à marcher pour faire plaisir aux adultes mais bien parce que c’est leur instinct, c’est l’état naturel qui veut que les enfants découvrent le monde.

John Holt écrit :

“Ce sont les inquiétudes au sujet des apprentissages qui éteignent les apprentissages des enfants. Quand ils commencent à voir le monde comme un lieu plein de dangers dont ils doivent se protéger, quand ils commencent à vivre moins librement et pleinement, c’est à ce moment-là que se flétrissent leurs capacités d’apprentissage.”

7. La colère

Un enfant qui reçoit une explication ou une correction qu’il n’a pas sollicitée alors qu’il est en train de faire un effort pour comprendre ressentira une grande frustration, source de colère.

“Lorsqu’on souffle une solution à celui qui cherche, ça le met en rage !”

les enfants agissent comme des scientifiques John Holt

Toute suggestion est alors inutile ?

Il s’agit de trouver le bon équilibre entre une discussion “normale” et une discussion qui s’apparente à une relation maître/ élève. John Holt propose de se laisser guider par les enfants et de faire confiance à leur intelligence :

  • si l’enfant refuse une suggestion, alors les parents respecteront son non.

Ce “non” signifie que l’enfant préfère comprendre par lui-même, que le sujet ne l’intéresse pas (encore), ou peut-être qu’il préfère trouver une solution en dehors de papa/ maman…L’enfant y reviendra peut-être plus tard au cours d’un jeu ou d’une conversation : “Papa/ maman, tu te rappelles ce truc que tu m’as montré/ que tu m’as dit ?”.

  • les parents ne se sentiront pas vexés quand l’enfant accueille les propositions sans enthousiasme.

Ils ne tenteront pas de provoquer de la culpabilité, d’amadouer l’enfant avec des cajoleries ou de le forcer. Un simple “d’accord” tout en retournant aux activités d’adultes suffira de la part des parents.

  • les enfants seront libres de quitter l’activité, la pièce à tout moment.

  • on laissera du temps aux enfants pour avoir des idées par eux-mêmes.

Un enfant qui suit systématiquement les suggestions des adultes risque de penser que les bonnes idées ne viennent que des adultes. Ses capacités à prendre des initiatives, à faire preuve d’esprit critique, à être autonome passent pourtant par l’élaboration par les enfants de leurs propres idées.

Quoiqu’il en soit, les enfants sauront trouver un moyen de nous faire savoir si l’aide qu’on leur apporte n’est pas souhaitée :-). Mine de rien, ils sont très forts en communication, qu’elle soit verbale ou non verbale !

  • les parents seront plus aidants s’ils reformulent les propos de l’enfant (en lui posant des questions, en rebondissant sur ses propos…) plutôt qu’en lui coupant la parole ou le reprenant avec insistance sur sa faute

– “Maman, tu as vu les chevals ?”

– “Ah oui, je les vois. Il y a 3 chevaux”

Source : Les apprentissages autonomes – John Holt

Chaque page de ce livre témoigne de la conviction profonde de John Holt : sa confiance dans l’élan irrépressible des enfants pour apprendre chaque jour. S’appuyant sur des réflexions et des anecdotes de toute une vie, il fait l’éloge de la qualité d’accompagnement des parents et démontre l’efficacité des apprentissages lorsqu’ils font sens. Ses propos encouragent les parents à respecter ce moteur, en montrant comment les enfants sont des chercheurs scientifiques par nature et en détaillant les façons de les accompagner dans leurs découvertes, notamment en matière musicale, en mathématiques et pour l’apprentissage de la lecture.

les apprentissages autonomes