Quand les neurosciences guident la refondation de l’école

Je partage aujourd’hui avec vous une vidéo à propos de la refondation de l’école. Elle a été beaucoup reprise et commentée sur Internet mais je tenais à la publier car elle a le mérite de s’appuyer à la fois sur des chiffres issues du Ministère de l’Education Nationale et sur les avancées des neurosciences.

Céline Alvarez, linguiste et professeur des écoles, a mené une expérimentation pendant 3 ans dans une classe maternelle de Gennevilliers classée en zone d’éducation prioritaire.

Les chiffres de l’échec scolaire en faveur d’une refondation de l’école

Céline Alvarez commence son intervention en citant des chiffres :

  • 25% des enfants qui sortent du CM2 ont des acquis insuffisants en lecture, mathématiques et écriture.

  • 15% des enfants qui sortent du CM2 n’ont pas les acquis de base dans ces mêmes domaines.

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L’apport des sciences cognitives dans les mécanismes d’apprentissage

Pourtant, les sciences cognitives (ou neurosciences) donnent des réponses pour comprendre comment les humains apprennent. Pour apprendre, il faut :

  • être attentif

L’ “effet maître” consiste à bien orienter l’attention des apprenants et donc à bien définir la tâche en question. En effet, nous apprenons et mémorisons en fonction d’un projet de mémorisation et tous les stimulis non pertinents dans le cadre de ce projet sont évacués par le cerveau. La vidéo du “gorille invisible” illustre parfaitement ce mécanisme : 

 

  • être engagé activement

L’enfant doit avoir envie de faire l’action parce qu’elle lui plaît, parce qu’elle importe pour lui, parce qu’il y voit un intérêt personnel… et non pas parce qu’il y est contraint par un intervenant extérieur. J’avais écrit un article en ce sens sur les mécanismes de la motivation intrinsèque dans les apprentissages.

 

  • recevoir un retour d’information immédiat sur l’action en cours

Comme le soulignent Audrey Akoun et Isabelle Pailleau, “Il n’y a pas d’erreurs bêtes, il n’y a que des erreurs intelligentes”.

 

il n'y a pas d'erreurs bêtes il n'y a que des erreurs intelligentes

Cela signifie que les erreurs sont positives et sources d’apprentissage. Elles sont normales dans le processus d’apprentissage car elles expriment à la fois la représentation mentale que l’élève se fait d’une notion ou d’une action et un obstacle à repérer avant de le dépasser.

Gaston Bachelard (philosophe des sciences) disait :

“On connaît contre une connaissance antérieure, en détruisant les connaissances mal faites, en surmontant ce qui ,dans l’esprit même, fait obstacle”.

 

  • consolider par la répétition

Il est essentiel de répéter une connaissance nouvellement acquise :

    • pour mémoriser une information, notre cerveau a besoin de trois passages au minimum,
    • pour intégrer une nouvelle habitude, il a besoin de 21 jours.

Je cite dans le paragraphe suivant l’excellent article Les quatre piliers de l’apprentissage, ou ce que nous disent les neurosciences.

Lors d’un nouvel apprentissage, notre cerveau a recours à un “traitement explicite, c’est-à-dire une situation, ou plutôt un stade où le cortex préfrontal est fortement mobilisé par l’attention exécutive”. Pour en savoir plus sur le cortex préfrontal et le fonctionnement du cerveau, je vous invite à lire mon article La modélisation du cerveau dans la main).

Le point culminant d’un apprentissage est le” transfert de l’explicite vers l’implicite”, vers l’inconscient : c’est l’automatisation des connaissances et procédures. Cette automatisation passe par la répétition et l’entrainement. Elle permet de libérer de l’espace dans le cortex préfrontal afin d’absorber de nouveaux apprentissages.

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Par ailleurs, les inégalités se créent avant 6 ans. Céline Alvarez souligne donc l’importance de l’école maternelle dans la prévention de l’échec scolaire. Pourtant, l’enseignement en maternelle sollicite peu les quatre principes d’apprentissage mentionnés ci-dessus.

Une refondation de l’école guidée par les enfants

Céline Alvarez a alors réorganisé sa classe en fonction de grands principes :

  • autonomie

Les enfants choisissent librement leur travail. Les activités ne sont pas imposées par l’institutrice afin de faire appel à la motivation intrinsèque de chaque enfant.

  • matériel

    • est attrayant (coloré, vif),
    • est passionnant car manipulable et cohérent avec les intérêts des enfants de maternelle (ex : boutonner des boutons, remonter une fermeture éclair…),
    • permet un retour d’information immédiat (Céline Alvarez parle de matériel qui “dénonce l’erreur”),
    • pousse l’enfant à recommencer pour s’améliorer (et participe par là à l’automatisation),
    • est sensoriel : on ne peut pas apprendre des choses que nous n’avons pas touchées, pas intégrées sensoriellement (ex : les lettres rugueuses reprises de la pédagogie Montessori)
  • interaction sociale

Les 3 niveaux (petits, moyens et grands) sont mélangés dans une même classe pour stimuler

  • l’apprentissage horizontal par les pairs (mais pas seulement des grands vers les petits, aussi des moyens vers les grands ou des petits vers les moyens),
  • l’émulation et la coopération plutôt que la comparaison et la compétition,
  • la bienveillance entre élèves.

pour une refondation de l'école guidée par les enfants

 

Céline Alvarez conclut en proposant de centrer le débat de la refondation de l’école sur un environnement favorable à l’épanouissement de l’enfant : une école basée sur les lois du développement humain, sur l’enthousiasme et sur la joie (en ce point, elle rejoint Antonella Verdiani – Et si on enseignait la joie ?).

Et Céline sait de quoi elle parle : 100% des élèves de grande section de sa classe sont entré dans la lecture avec joie, facilité et surtout avec le sourire !

éducation à la joie : la joie d'apprendre