9 mythes qui nous empêchent de changer notre manière d’éduquer

mythes éducation

S’engager dans l’éducation sans récompenses ni punition nécessite de changer notre manière d’envisager l’enfant.

Nous ne pouvons pas faire autrement si nous n’apprenons pas à penser autrement ! – Thomas d’Ansembourg

Selon Thomas Gordon, 9 mythes nous rendent la tâche difficile quand il s’agit de changer l’éducation que nous donnons à nos enfants.

Mythe n°1 : La crainte de gâter les enfants

Ce mythe est l’un des plus répandus en éducation : si l’on comble les besoins d’affection, de toucher ou encore d’attention des enfants, ceux-ci deviendront des êtres égoïstes, incapables de supporter la frustration, exigeants… de vrais tyrans !

besoins de l'enfant

Thomas Gordon estime que, quand son besoin de boire est comblé, l’enfant n’a plus soif et va jouer. La satisfaction des besoins affectifs de l’enfant est une source de satisfaction, de bien-être et de santé.

Mythe n°2 : Les enfants sont des méchants

La vision négative de la nature des enfants est profondément enracinée dans notre histoire. Les enfants auraient besoin d’être brisés, matés, dominés, surveillés, restreints.

Thomas Gordon écrit

Si on punit sévèrement un enfant, il deviendra insupportable, révolté, boudeur. On croira que cela prouve qu’il est foncièrement méchant. Mais cela ne prouve qu’une seule chose : que les punitions l’ont endurci.

Je vous invite à lire cet article pour comprendre les conséquences des punitions : Quels résultats à long terme des punitions ? Les 4 « R » de la punition selon la discipline positive

Mythe n°3 : Les conflits entre adultes et enfants sont insolubles

La plupart des adultes raisonnent de cette manière en cas de conflit : “ou je gagne ou c’est l’enfant qui gagne”. Et comme les adultes ne veulent pas laisser les enfants gagner (voir le mythe n°1 sur les enfants tyrans), ils utilisent alors le rapport de force pour arriver à leurs fins.

La méthode sans perdant permet de trouver des solutions acceptables pour tous les deux. – Thomas Gordon

Mythe n°4 : La discipline punitive s’appuie sur la Bible

Cette phrase de l’Ancien Testament est souvent utilisée comme justificatif des violences éducatives ordinaires : “Qui aime bien châtie bien !”

Pourtant, d’autres passages de la Bible (plus nombreux) auraient dû contrecarrer cette idée et conduire à une éducation non répressive : “Ne faites pas aux autres ce que vous ne voudriez pas qu’on vous fasse”, “Aime ton prochain comme toi-même”.

Une discipline répressive provoque plus souvent la désobéissance qu’elle ne la guérit. Les enfants défient volontairement les adultes qui leur dictent leur conduite, les contraignent ou les briment. – Thomas Gordon

ving siècles de maltraitance>>> Voir à ce sujet le livre d’Olivier Maurel : “Vingt siècles de maltraitance chrétienne des enfants”

Quand les parents ont habitué les enfants à exprimer leurs émotions, à connaître les mots pour les dire, ils sont plus portés à s’exprimer par des mots que par des gestes et des actes violents et les réconciliations sont plus faciles. Et plus tard, les adultes que deviennent ces enfants sont naturellement plus aptes à jouer dans le corps social le rôle que jouent les anticorps du système immunitaire dans l’organisme : ils repèrent rapidement, les injustices, les violences, les formes d’oppression et sont naturellement portés à les corriger sans violence. – Olivier Maurel

 

 

Mythe n°5 : La permissivité est la cause de tous les maux (et permissivité = laxisme = bienveillance)

Le laxisme (et donc la bienveillance) dans l’éducation serait à l’origine de tous les maux de la société actuelle : délinquance, toxicomanie, violence, refus de l’autorité…

Comme de nombreux adultes considèrent que le laxisme (confondu avec la bienveillance) est à la source de tous les problèmes,  la seule “bonne” manière d’éduquer un enfant est de se montrer strict et de restreindre les libertés de l’enfant.

Thomas Gordon écrit

On a dupé la plupart des gens en les persuadant que la permissivité était à l’origine de tous les maux des enfants d’aujourd’hui, et qu’une discipline autoritaire renforcée par les punitions était le seul remède à tous ces maux. Cette croyance est erronée. Nous avons donc besoin d’une manière tout à fait nouvelle de traiter les enfants, qui ne fait des parents ni des dictateurs ni des paillassons.

J’en profite pour noter la différence que Thomas Gordon fait entre laxisme et bienveillance. Trop souvent, l’éducation bienveillante est confondue avec l’éducation laxiste. Or la bienveillance est à considérer comme une troisième voie entre autoritarisme et laxisme/permissivité.

“Que l’on me comprenne bien. Je suis tout autant opposé à la permissivité qu’à la discipline autoritaire. La permissivité avec les enfants ou les élèves est aussi nocive pour les adultes que pour les enfants. Les enfants à qui on n’impose aucune limite finissent par bafouer les besoins de leurs parents et de leurs enseignants. Ils refusent souvent d’assumer leur part des tâches domestiques et scolaires. ; alors ce sont les parents et les enseignants qui sont les vrais perdants. Les enfants de parents et d’adultes permissifs ne s’en tirent pas si bien non plus; souvent, ils ne se sentent pas aimés parce qu’il est difficile d’aimer des enfants égoïstes. En outre, ils ont souvent de la difficulté à se faire des amis parce qu’ils essaient toujours d’avoir le dessus, comme ils le font avec les adultes.” 

 

L’idée repose donc sur la MANIÈRE dont sont obtenus des comportements : on peut apprendre à un enfant à dire bonjour par la menace (fais un bisou à mamie sinon elle reprend son cadeau) ou par la bienveillance (dire bonjour à quelqu’un, c’est le reconnaître en tant que personne qui compte pour nous, tu peux dire bonjour de plusieurs manières : un sourire, un signe de la main, un mot, un dessin, un bisou…).

Mythe n°6 : Une attitude démocratique ne mène nulle part

Nos sociétés modernes occidentales sont basées sur le principe démocratique et les écoles vantent les théories de la démocratie… pourtant, les enfants en font rarement l’expérience à l’école ou à la maison. Pourquoi les adultes ne veulent pas cesser de discipliner les enfants ? Gordon donne quelques pistes et notamment le fait que, les adultes en sachant davantage que les enfants, il est normal qu’ils décident à la place des derniers ou le fait qu’un groupe d’enfants (fratrie ou classe) mettrait les adultes en minorité et donc en danger (parent, enseignant, éducateur…).

Pourtant,  Thomas Gordon écrit que la démocratie essentielle au développement de l’autodiscipline comprend l’égalité, le respect mutuel, les responsabilités partagées et la prise de décision en groupe.

C’est notamment ce que propose le temps d’échange en famille de la discipline positive : ici.

temps d'échange en famille

Mythe n°7 : Être parent ou enseignant ne s’apprend pas dans une formation, il suffit d’aimer nos enfants

Thomas Gordon ne nie pas l’influence de facteurs extérieurs aux parents sur la vie familiale (la télévision, la société de consommation, le divorce…). Mais il estime que rendre des facteurs extérieurs responsables de tous les problèmes qu’ils rencontrent avec leurs enfants empêchent les parents de remettre en question leurs méthodes d’éducation. Ils auront alors tendance à accuser les enfants et à leur poser des étiquettes indécollables : c’est un enfant à problèmes; c’est une fille incorrigible; il est hyperactif (sans diagnostic); elle n’accepte pas l’autorité…

Certes, l’amour est important, mais il n’est pas suffisant pour être un parent efficace. D’autres facteurs entrent en jeu : le temps passé avec l’enfant; la capacité d’écouter avec empathie; le degré d’acceptation du comportement de l’enfant; l’expression de messages Je plutôt que de messages Tu; la résolution de conflits sans perdant. – Thomas Gordon

Mythe n°8 : Nous avons été élevés comme ça et nous (et nos enfants avec) réussissons bien !

Pourtant, d’après une étude de l’UNICEF, plus d’un tiers des 6/18 ans sont en souffrance psychologique en France.

souffrance psychologique adolescents stress enfants

Le suicide est davantage présent chez les adolescents français que chez les jeunes Japonais (10,3 cas pour 100 000 personnes contre 8,6 – données des années 1990). Parmi les pays de l’OCDE, les taux de suicide sont les plus forts en France et au Japon (source Wikipedia).

Dire que l’éducation traditionnelle réussit bien parait alors plus que discutable. Thomas Gordon estime que, dans les familles démocratiques, les valeurs fondamentales de respect mutuel, de collaboration et d’autonomie sont mieux développées.

Mythe n°9 : A l’école, on a besoin d’une discipline rigoureuse. 

Les élèves désirent connaître clairement les limites de l’enseignant. Cela ne signifie pas qu’ils aient besoin et qu’ils veuillent que l’enseignant détermine ces limites d’une façon arbitraire et unilatérale sans les consulter et sans les inciter à participer à la décision.

Les enseignants qui ont recours au chantage, au système punition/ récompense, aux menaces transmettent la loi du plus fort. Et alors les jeunes ont hâte d’être grands pour imposer à leur tour leur volonté sur autrui. C’est quand on manque de pouvoir sur soi et d’autonomie qu’on cherche à prendre le pouvoir sur l’autre.

On prend souvent l’exemple de la police qui distribue des contraventions pour justifier l’usage des punitions. Or la plupart des automobilistes n’appliquent la loi que lorsqu’ils craignent de se faire prendre. Le pouvoir exercé sur autrui n’influence jamais constructivement. Ne dit-on pas “quand le chat n’est pas là, les souris dansent” fort à propos ?

Gordon estime que les enseignants assument leurs responsabilités de former des citoyens éclairés quand ils renoncent à la contrainte et à la coercition.

Face à la contrainte, les enfants vont en général se replier sur eux-mêmes, s’opposer encore plus, se cacher ou trouver un système pour ne “pas se faire prendre”. Pa ailleurs, ils devinent que personne ne les aime et nourrissent de la rancune (envers la personne dépositaire de l’autorité, puis contre toutes les personnes qui représentent cette autorité, puis contre tout un système, une société, un pays…).

Il sera alors encore plus difficile d’influencer positivement ces enfants.

Les élèves incontrôlables n’ont pas besoin qu’on les contrôle, mais qu’on développe leur contrôle intérieur, ce qui requiert des relations où les besoins de chacun sont respectés. – Thomas Gordon

En lisant cette phrase, je ne peux m’empêcher de repenser à cet enseignant en zone d’éducation prioritaire qui pratique la pédagogie Freinet filmé dans le film Ecole en vie… Je repense également à un reportage que j’avais vu sur la police : des jeunes de cité témoignaient sur la différence entre police nationale et police municipale. Ils disaient qu’ils préféraient la police municipale parce que ces policiers leur disaient au moins bonjour, connaissaient leurs prénoms et discutaient de temps en temps avec eux.

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Source :  Éduquer sans punir, apprendre l’auto discipline aux enfants de Thomas Gordon (éditions Poche Marabout). Disponible en médiathèque, en librairie ou sur internet.

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