Les châtiments corporels des enfants, un sujet houleux : comment en parler sans polémique ?

Interview radio de Brigitte Oriol, psychothérapeute, sur les châtiments corporels infligés aux enfants par les parents (12 min).

Pourquoi une telle résistance à l’abolition des châtiments corporels des enfants ?

Les adultes qui disent qu’une bonne fessée n’a jamais tué personne ne sentent pas la douleur psychique que ces châtiments corporels leur ont infligée.

Il y énormément d’inconscience autour de la fessée car la majorité de la planète a reçu des fessées et a été conduite à croire que les châtiments corporels étaient pour son bien. Cela demande de remettre en cause ses propres parents.

Olivier Maurel explique que dans les pays dans lesquels on pratique encore les coups de bâton, les adultes raisonnent de la même façon (“si mes parents ne m’avaient pas donné de coups de bâton, j’aurais mal tourné”).  Cela signifie que notre façon de penser n’est pas déterminée par la supposée innocuité des châtiments corporels mais par la culture, par le fait que nous y avons été habitués dès la petite enfance par les personnes que nous aimions le plus.

>>>Pour aller plus loin :

Le rôle de l’inconscient dans l’éducation 

De la violence éducative aux violences collectives

 

Quels risques des châtiments corporels sur le psychisme des adultes ?

État de peur dans certaines situations (dû à la mémoire traumatique)

État de confusion émotionnelle et affective (on a le droit de faire du mal aux personnes qu’on est supposé aimer, on peut faire le mal au nom du bien, il n’y a pas de compassion à avoir pour les souffrances des enfants, la raison du plus fort gagne, la violence est justifiée et efficace car elle résout les conflits)

Mise en danger de la capacité à prendre la parole en public (par exemple demander son chemin)

Risque de réplication d’une éducation violente (par le biais des neurones miroirs)

Perturbation du système d‘attachement : le pire des dangers pour un bébé est d’être abandonné donc l’évolution a mis en place des réactions pour attirer l’attention de ses parents (pleurs, sourires, bras tendus…). La violence perturbe le lien d’attachement : l’enfant ne se sent pas bon, pas digne d’être aimé et protégé, certains enfants en viennent à associer amour et violence (entraînant des relations amoureuses empreintes de violences à l’âge adulte).

Baisse de la capacité d’empathie, à la base des relations sociales et de la morale : une personne qui a dû se couper de ses émotions pour ne plus souffrir face à des violences infligées dans l’enfance a du mal à sentir la souffrance des autres (et notamment des enfants dans le cas où elle s’est elle-même trouvée dans le passé)

Affaiblissement du système immunitaire: la violence éducative interfère avec le développement des compétences innées des enfants. Le système immunitaire nous protège des maladies mais, quand un enfant est frappé, son organisme voit cela comme une agression et réagit par le stress (sécrétion de cortisol pour préparer à la fuite ou à l’attaque). Quand le stress se répète souvent, l’organisme désactive les fonctions qui ne sont pas indispensables à la fuite ou à l’attaque (par exemple la digestion : quand on se prépare à un danger, la priorité n’est pas de bien digérer). Or ces phénomènes d’activation et de désactivation de certaines fonctions organiques affaiblissent le système immunitaire. Cela explique que les enfants souvent victimes de violences éducatives sont davantage malades.

D’autres risques sont mentionnés par Catherine Gueguen dans son livre Pour une enfance heureuse, comme un risque plus élevé de dépression, de retard dans le développement de certains circuits neuronaux dans le cerveau préfrontal et l’hippocampe, de comportements agressifs, de troubles de l’humeur, d’insensibilité et de dureté.

 

>>>Pour aller plus loin : Connaître et repérer les symptômes traumatiques

 

Comment faire pour ne plus infliger de châtiments corporels aux enfants ?

Quand on a reçu des fessées, on peut ne pas reproduire une éducation violente à une condition : quand on a pris conscience que les fessées qu’on a reçues nous ont fait du tort, nous ont fait du mal. Ce cheminement est nécessairement le fruit d’une réflexion consciente.

Pour pardonner à un parent qui nous a fessés, encore faut-il que le parent reconnaisse qu’il nous a fait du tort et qu’il était tellement incompétent qu’il n’a pas eu d’autres moyens que de faire du mal à son enfant. Cette première étape ouvre à la compassion envers les souffrances de l’ancien enfant devenu adulte et permet à celui-ci de soigner son enfant intérieur.

>>>Pour aller plus loin : Guérir son enfant intérieur

 

Comment briser le cercle de la violence éducative ?

Certains parents sont terrorisés par la violence qui les habite et qu’ils infligent à leurs enfants. Quand on sent que les châtiments corporels sont destructeurs mais qu’on est comme en mode automatique, on a besoin d’aide pour sortir du cercle de la violence éducative.

Il faut un contexte sécurisé et bienveillant pour oser en parler : c’est guérissable. On peut briser le cercle de la violence éducative si on ose regarder ce qui nous a été fait dans notre enfance.  Être parent est complexe mais la violence éducative n’est pas une fatalité.

>>>Des ressources pour briser le cercle de la violence éducative :

Un document gratuit : sans fessée, comment faire ? 

Comprendre et dépasser les violences éducatives (par Alice Miller) 

Existe-t-il une bonne fessée ? Exposé sur les conséquences de la fessée et ressources pour faire autrement