5 compétences à cultiver pour gagner en intelligence émotionnelle 

5 compétences à cultiver pour gagner en intelligence émotionnelle (adultes et parents)

Moïra Mikolajczak est professeur de psychologie à l’Université catholique de Louvain (UCL). Elle mène des recherches sur les compétences émotionnelles des individus et leurs effets sur la santé.

Ses recherches ont prouvé que plus un individu dispose de compétences émotionnelles, mieux il gérera ses rapports sociaux et sa réussite personnelle, tout en ayant moins de risques de stress ou de troubles psychologiques. Moïra Mikolajczak voudrait donc que chaque personne (adultes et enfants) puissent avoir l’occasion de cultiver son intelligence émotionnelle afin de gagner en bien-être, en santé et améliorer ses relations avec les autres.

Les bénéfices de cultiver son intelligence émotionnelle

Les émotions ont un impact sur 4 domaines qui constituent notre vie :

  1. le bien-être (les émotions agréables ou désagréables ont une influence sur notre moral),

  2. la santé physique (le stress, consécutif à la colère, à la tristesse ou à la peur, a des effets négatifs sur notre santé physique),

  3. la performance au travail ou à l’école (certaines émotions boostent les performances, d’autres les diminuent),

  4. les relations avec les autres (certaines émotions rapprochent, d’autres éloignent).

Or, selon une étude menée par Moïra Mikolajczak et une mutualité belge, acquérir de bonnes compétences émotionnelles a des effets positifs sur ces 4 plans qui constituent notre vie :

  • Un diminution très importante du stress de l’ordre de -20% à -40% a été constatée chez des individus qui avaient suivi une formation de 18h sur les compétences émotionnelles.
  • Meilleures sont les compétences émotionnelles, moins de médicaments sont consommés, moins sont fréquentes les visites chez le médecin. Chaque pourcentage de compétence émotionnelle en plus réduit de 1% les dépenses en soin de santé.
  • A compétences techniques et intellectuelles égales, les personnes qui ont de meilleurs compétences émotionnelles performent mieux.
  • Meilleures sont les compétences émotionnelles, plus satisfaisantes et durables sont les relations avec les autres (meilleure qualité de la relation et diminution des conflits).
  • Par ailleurs, l’inclusion d’un module de formation aux compétences émotionnelles à l’école ou au travail aurait un effet bénéfique sur la société (diminution de 10% des dépenses en soin de santé et baisse du niveau de violence)

source

 

5 compétences à cultiver pour gagner en intelligence émotionnelle

Sans clarifier ce que nous ressentons, nous risquons l’incompréhension avec les personnes avec lesquelles nous sommes en contact. Les disputes et conflits sont la plupart du temps en lien avec nos représentations, nos croyances et nos émotions. Quand nous n’arrivons pas à savoir exactement ce que nous ressentons, il est difficile de formuler des demandes en rapport avec nos besoins.

La compréhension des émotions nous invite par ailleurs à la lenteur et à la reprise de contact avec le corps, les sensations corporellement ressenties.

Etre vigilants à nos émotions douloureuses, désagréables nous permet d’agir sur les événements quand ils sont contrôlables ou d’agir sur nos émotions quand ils ne le sont pas.

1. Identifier les émotions chez soi et chez les autres

Identifier les émotions permet de se rendre la vie plus facile et plus belle (par exemple, identifier les signes d’agacement chez quelqu’un avant qu’ils ne se transforment en colère, savoir identifier sa propre colère avant qu’elle ne se transforme en violence).

Ainsi, s’exercer à identifier les émotions à tout moment de la journée peut être utile au quotidien. Cela peut aider à formuler une demande en identifiant bien le besoin sur lequel l’émotion alerte. Il est coutumier d’identifier 6 émotions primaires :

  • colère,
  • tristesse,
  • joie,
  • peur,
  • dégoût,
  • honte.

Toutes les émotions s’accompagnent de sensations corporelles. Identifier les sensations des émotions permet donc de cultiver des compétences émotionnelles (reconnaître les sensations chez soi et les autres afin de comprendre ce qu’on ressent ou ce que les autres ressentent).

roue des émotions

2. Comprendre ses émotions

On a tendance à confondre le déclencheur (ex : une remarque, une critique) et l’émotion elle-même (ex : la colère, la peur, la tristesse).

En cela, le processus de la Communication Non Violente (CNV) est utile. La CNV nous invite à raisonner en termes de besoins : quel est le besoin insatisfait qui fait émerger l’émotion en moi . Apprendre à raisonner en termes de besoins (les nôtres et ceux des autres) est un premier pas vers la non violence.

Selon Marshall Rosenberg, fondateur de la CNV, il existe des besoins fondamentaux qui animent tous les humains :

  • Autonomie
  • Célébration
  • Intégrité
  • Interdépendance
  • Nourriture sur le plan physique
  • Jeu
  • Communion d’esprit

Les jugements, critiques, diagnostics et interprétations portant sur les autres sont autant d’expressions détournées de nos besoins. – Marshall Rosenberg

Communiquer avec la CNV implique de trouver le besoin non satisfait qui se cache derrière chacun de nos jugements car les besoins sont la vie qui cherche une expression !

Les besoins ne sont pas des stratégies, ce sont des ressources nécessaires au maintien de la vie. Les besoins ne sont jamais liés à l’action spécifique d’une personne (soi même – comme par exemple quitter son conjoint ou sa conjointe – ou autrui – comme par exemple demander à quelqu’un de changer de comportement). Un besoin ne contient aucune référence à une action précise.

A partir du moment où les gens parlent de leurs besoins plutôt que des torts des autres, il devient beaucoup plus facile de trouver des moyens de satisfaire tout le monde. – Marshall Rosenberg

Nous pouvons nous entraîner, comme un jeu, à tenter de deviner les besoins à l’origine de n’importe quel message. Cette capacité à discerner les besoins des autres est capitale dans la résolution des conflits :

« Avez-vous besoin de… ? »

« Quand tu dis cela, est-ce parce que tu as besoin de… ? »

« Vous avez vraiment besoin de sentir que… ? »

Chaque message, quel que soit son contenu ou sa forme, est l’expression d’un besoin. – Marshall Rosenberg

 

3. Utiliser les émotions

Utiliser le message véhiculé par l’émotion permet de mettre en oeuvre les changements nécessaires à un retour à l’équilibre (quels changements apporter pour diminuer la colère qui m’indique que mon intégrité est menacée ou vers qui me tourner pour diminuer ma tristesse qui indique que j’ai besoin de réconfort et de compréhension).

Les émotions sont des guides fidèles et sont au service de la vie. Ce sont elles qui nous mettent en action et sont indispensables à la vie humaine car elles nous aiguillent sur la réaction la mieux adaptée à notre environnement.

Il n’existe pas à proprement parler d’émotions négatives ou positives. Toutes les émotions ont une fonction. C’est ce que l’on va donner comme sens à l’émotion qui en fera une émotion agréable ou désagréable. Toutes les émotions ont une valeur importante, sans connotation. – Jeanne Siaud-Facchin

Jeanne Siaud-Facchin, psychologue, propose de décrypter les fonctions des émotions primaires :

  • La peur

La peur signale la présence d’un danger, réel ou imaginaire. La peur protège et entraîne plusieurs stratégie pour faire face à la menace : fuite, attaque ou sidération.

Les réactions corporelles de la peur se traduisent par un afflux de sang dans les muscles (pour courir plus vite, avoir plus de force…), une montée d’adrénaline (pour augmenter la puissance) et une accélération du rythme cardiaque (pour préparer à l’effort).

  • La colère

La colère surgit quand ce qui est essentiel pour nous est menacé, quand on essaie de nous imposer quelque chose, que notre territoire est envahi. mais colère n’est pas synonyme d’agressivité : l’agressivité est seulement une expression (inappropriée) de la colère.

La colère déclenche une concentration d’énergie.

  • La tristesse

La tristesse est un retour au calme, un retour à soi.  Le retour au calme donne le temps nécessaire pour intégrer l’événement douloureux, l’élaborer, pour se régénérer, trouver de nouveaux repères et reprendre le cours de la vie. La tristesse se traduit par un ralentissement du rythme du corps.

  • Le dégoût

Le dégoût permet de ne pas accepter ce qui n’est pas bon pour nous, de ne pas avaler n’importe quoi. Le dégoût se traduit par une sensation de nausée.

  • La surprise

La surprise prépare au changement. Elle se traduit par un élargissement des perceptions visuelles et auditives grâce à la mobilisation rapide et concentrée des neurones.

  • La joie

La joie augmente l’énergie disponible et le bien-être. Elle se traduit par la sécrétion d’hormones du plaisir (ocytocine, endorphine…) qui développent l’optimisme.

les directions des émotions

4. Exprimer les émotions

Mettre des mots sur les émotions les calme et permet de les exprimer de manière acceptable et constructive.  Exprimer ses émotions à la bonne personne, au bon moment, de la bonne manière et à la bonne intensité n’est pas facile !

Là encore, la Communication Non Violente est utile. La CNV propose un vocabulaire riche pour exprimer les émotions et les sentiments sans jugement : on parle de soi, de ce qui se passe en soi et de ce qui est ressenti à l’intérieur (ou alors on reflète ce que l’autre ressent en faisant preuve d’empathie mais sans le juger).

tableau des nuances des émotions

Crédit illustration : freepik.com

5. Réguler les émotions 

Une stratégie pour réguler les émotions est adéquate si elle permet de maîtriser ou diminuer l’impact de l’agression sur son bien-être général, si cette stratégie nous permet de nous sentir durablement bien physiquement et psychologiquement.

Les émotions primaires sont saines et permettent de donner l’énergie du changement afin de nourrir les besoins insatisfaits. Or il existe des réactions émotionnelles parasites, essentiellement héritées de notre éducation et de nos expériences personnelles (fausses croyances tirées d’expériences douloureuses par exemple). Ainsi, certaines personnes éprouvent des colères excessives, inappropriées ou alors éprouvent de la colère à la place de la tristesse ou de la peur par exemple.

Apprendre à reconnaître nos émotions excessives, inadaptées, parasites présente de nombreux avantages :

  • mieux nous connaître,
  • nous aimer davantage en veillant nous-même à notre besoin fondamental d’être écoutés avec bienveillance, d’être reconnus et accueillis de manière inconditionnelle,
  • nous regarder différemment en prenant davantage conscience de nous-mêmes, de ce qui est bon ou mauvais pour nous-mêmes,
  • définir nos zones de vie dans lesquelles les ajustements réalisés ne sont pas adaptés. Gagner en intelligence émotionnelle pousse à effectuer des changements intérieurs ou extérieurs.

Quand on décèle des émotions excessives, disproportionnées, on peut repenser à :

  • la légitimité des émotions (on a le droit d’être triste ou en colère),
  • leur utilité (les émotions sont des signaux d’alarme pour nous alerter sur un ou plusieurs besoins non satisfaits),
  • leur caractère éphémère à condition qu’on les accepte avec compassion (les émotions sont comme des visiteuses inattendues),
  • leur caractère pénalisant si on les évite, les nie ou les enterre (ce qui ne s’exprime pas s’imprime).

Une question clé pour différencier les émotions légitimes, justes et qui poussent à une action adaptée des émotions excessives serait : Mon émotion me parait-elle adaptée dans cette situation ou plutôt disproportionnée ?

La plupart du temps, nous sommes capables de « sentir » quand il y a un décalage entre la situation que nous vivons et l’émotion que nous ressentons.

De même, si, en même temps que l’émotion négative que nous ressentons, nous nous disons des phrases critiques et négatives qui trahissent une généralisation (comme « on ne fait jamais attention à moi », « les autres sont des égoïstes », « le monde est injuste », « chaque fois que ceci, il se passe cela… » « il y a toujours quelqu’un qui me pique ma place »…), alors nous éprouvons une émotion non légitime héritée de l’éducation ou de fausses croyances.

Si nous sommes capables d’imaginer quelqu’un que nous aimons bien dans la même situation et qu’elle ressentirait la même chose, alors l’émotion est probablement légitime et adaptée. Dans le cas contraire, nous pourrions nous demander comment cette personne réagirait et ce qui nous en empêche actuellement.

Parfois, un travail avec un professionnel (psychologue, thérapeute)  peut être nécessaire.