Comprendre ce qui est lu : se parler et évoquer, deux compétences indispensables à construire

recommandations lecture orthographe

Pour Elisabeth Nuyts, deux compétences sont indispensables pour que les enfants accèdent au sens de ce qu’ils lisent. Ces deux compétences se travaillent et se construisent en parallèle de l’apprentissage du décodage.

1. Se parler à haute voix

L’écriture parlée est indispensable pour bien maîtriser l’orthographe.

Elisabeth Vaillé Nuyts explique dans son ouvrage La grammaire structurante qu’il faudrait laisser les élèves parler et chuchoter en classe pour bien maîtriser l’écriture et l’orthographe.

Peu à peu, les élèves passerons du murmure au chuchotement puis ce dernier s’intériorisera. Permettre aux enfants de parler en écrivant leur permet de passer naturellement quand ils y seront prêts à la lecture et à l’écriture silencieuses.

Elisabeth Vaillé Nuyts est convaincue que les chuchotements, murmures et labialisations permettent aux enfants de se concentrer. Elle ajoute que si le travail d’écriture parlée est interdit en classe, même à voix basse, il faut que l’enfant puisse y avoir recours à la maison. C’est ce travail qui va permettre de relier l’oeil et la main à la conscience en traitant lecture et écriture dans les aires auditives du cerveau. En utilisant ces aires, l’élève non seulement se concentre et réutilise ses acquis mais il mémorise aussi correctement ce qu’il a écrit.

L’écriture parlée est bénéfique au niveau cognitif mais également au niveau comportemental. Un enfant qui écrit mécaniquement, sans parler ou se parler intérieurement, risque d’être tendu, instable, incapable de se concentrer. La main est une entrée sensorielle dont le lien avec la conscience ne doit pas être négligé (d’où l’importance d’une écriture parlée).

Bien souvent, l’interdiction de parler est imposée dès la maternelle. Il peut être incontournable de faire preuve de patience en remédiation avec des enfants et ados qui présentent des difficultés en orthographe. En tant qu’adultes, il sera nécessaire de répéter aux élèves de parler quand ils écrivent, de travailler à voix haute.

 

2. Évoquer ce qui est lu en s’arrêtant fréquemment

Parler à haute voix ou dans sa tête quand on lit ou qu’on écrit est nécessaire à la compréhension des mots mais insuffisant à celle de la phrase : il faut également prendre le temps d’évoquer la scène.

L’évocation est mère de la compréhension. – Antoine de la Garanderie

Chez les enfants, on a souvent oublié de construire cette capacité d’évocation. Autrefois, les contes, agrémentés de mille répétitions et digressions explicatives adaptées à l’âge des enfants, leur permettaient d’évoquer les scènes racontées.

Elisabeth Nuyts regrette que cette activité de lecture lente de contes avec mimiques, adaptations aux réactions des lecteurs, intonations de la voix en fonction des événements (comme préconisé par Suzy Platiel dans son approche du conte et de l’oralité) se perde peu à peu dans les familles et même à l’école.

Ce travail de mise en scène des lectures oralisées offertes aux enfants est nécessaire à l’évocation. La lenteur est également nécessaire pour laisser le temps aux enfants de se faire leurs propres évocations mentales. Quand les mots se bousculent aux oreilles des enfants, ils ne véhiculent plus de sens et la lecture devient déstructurante pour le cerveau des enfants.

Pour Elisabeth Nuyts, avoir sauté l’étape de construction de l’évocation chez les enfants handicapent les adolescents et les adultes qui peuvent présenter des difficultés à suivre une discussion sérieuse. Sans évocation, ils ne peuvent pas comprendre.

Elisabeth Nuyts recommande d’apprendre aux enfants en parallèle de l’apprentissage de la lecture à s’arrêter fréquemment dans leur lecture pour prendre le temps d’évoquer la scène lue.

Lire aussi : Mieux lire, mieux comprendre : un exercice facile pour entraîner la capacité d’évocation des enfants

Recommandations pour accéder à une bonne compréhension de ce qui est lu

  • Lire des contes traditionnels lentement et avec mise en scène aux jeunes enfants de maternelle
  • Autoriser les enfants à lire/ se parler à voix haute 
  • Entraîner les enfants à évoquer les scènes lues dès le commencement de l ‘apprentissage de la lecture

Elisabeth Vaillé Nuyts propose une méthodologie pour construire une écriture consciente et une bonne orthographe :

  • faire raconter à l’enfant, par oral d’abord, une histoire courte
  • l’aider à évoquer la scène en lui faisant donner de multiples détails, de perceptions notamment
  • lui demander ensuite de la raconter par écrit en veillant à :
    • ce que l’enfant évoque mentalement l’histoire (en images, en films, en sons, en musique, en mouvements, en paroles…),
    • ce qu’il dise à voix haute la phrase qu’il veut écrire pour l’engranger en mémoire à court terme,
    • ce qu’il se dicte la phrase ou la portion de phrases à voix haute, syllabe après syllabe, au rythme même de son écriture.

Quand l’enfant a du mal à syllaber, l’adulte arrêtera l’écriture et demandera à l’élève de scander les mots en syllabe en frappant dans ses mains en même temps pour coordonner la main avec la parole. Ici, l’exercice de syllabation est un exercice de découpage phonétique dans lequel on veillera à ce que l’élève scande aussi bien les syllabes muettes que les autres (exemple : por/te).

Quand la syllabation est acquise, l’enfant pourra revenir à son texte et on lui demandera d’écrire exactement à l’allure de sa syllabation. A chaque fois qu’il a un doute sur l’orthographe d’un mot, il pourra s’arrêter pour scander les syllabes.

Certains enfants en grande difficulté trouveront un appui efficace dans l’épellation. Cette étape de l’épellation est indispensable à la construction de l’écriture consciente. Ainsi, l’épellation peut compléter utilement la syllabation (jusqu’à ce que l’élève l’intériorise).

Elisabeth Vaillé Nuyts a remarqué que, chez les enfants dysorthographiques qui faisaient des erreurs grammaticales récurrentes avant une remédiation parlée,  l’écriture à voix haute épelée ou syllabée corrige naturellement un grand nombre d’erreurs grammaticales. Il semblerait que la parole liée à l’écriture au rythme de la syllabation donne accès aux souvenirs des règles engrangées et permette leur application. Cependant, remarque Elisabeth Vaillé Nuyts, si certaines fautes subsistent malgré le travail d’écriture syllabée ou épelée à voix haute, c’est que les règles n’ont pas été correctement intégrées. Il faudra alors les travailler méthodiquement.

…………………………………………………………………………………………………………………………………..

Sources :

L’école des illusionnistes de Elisabeth Nyuts (autoédition).

La grammaire structurante Elisabeth Nuyts (éditions Godefroy de Bouillon)