Décoder les comportements agressifs/ exagérés des enfants

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Les relations humaines sont sans cesse en mouvement : contact, retrait, contact, retrait… Aller chercher la signification profonde des messages des enfants au-delà de ce qu’ils donnent à entendre ou à voir les autorise à nous donner accès à leur vie intérieure (leurs peurs, leurs doutes, leurs chagrins, leurs frustrations, leurs besoins…). Si nous voulons vraiment qu’un enfant nous fasse part de ce qui compte pour lui (les petits problèmes comme les gros), mieux vaut l’écouter patiemment nous dire les choses à sa façon, même si cela nous paraît ennuyeux, redondant, agressif ou encore exagéré. Cette approche comporte deux avantages :

  • “muscler” le cerveau émotionnel des enfants : par mimétisme, les enfants apprendront peu à peu à exprimer leurs émotions fortes avec calme, à formuler des demandes sans passer par l’agressivité, à faire le point sur leurs vraies émotions et besoins. Cet apprentissage prend du temps et nous sommes en quelque sorte un cerveau de secours qui montre l’exemple au cerveau immature de l’enfant;

 

  • avant de nous confier des choses importantes et potentiellement dangereuses, les enfants ont besoin d’être sûrs que nous sommes attentifs à eux et que nous n’allons pas leur couper la parole, nier leur ressenti ou les accuser/ réprimander.

 

Il suffit de prendre n’importe quel message perturbant, contrariant ou horripilant que vous adresse votre enfant, verbalement ou par son attitude, et de le traduire mentalement de manière à pouvoir lui fournir une réponse adaptée. – Lawrence Cohen

 

Voici quelques exemples de versions originales décodées proposés par Lawrence Cohen dans son livre Qui veut jouer avec moi ? :

Version originale de l’enfant : Chaque fois qu’il doit participer à un atelier, un garçon de six ans frappe son enseignant, qu’il aime pourtant beaucoup, avant de se réfugier sous la table.

Traduction possible : J’ai envie de me rapprocher de toi mais ça me fait peur. En plus, je suis en colère et je suppose que tu as horreur des gamins en colère, alors autant que je te repousse le premier.

La réponse émotionnellement intelligente de l’adulte : Je me demande si tu ne me frappes pas avant de te cacher sous la table parce que tu as un peu envie de te rapprocher de moi mais que tu ne sais pas trop comment faire. Et si on se serrait la main à chaque fois que tu entres dans la pièce ?

 

Version originale de l’enfant : Ils sont débiles ces devoirs.

Traduction possible : Ça me vexe de ne pas avoir compris le principe des fractions. J’ai besoin d’aide. En plus, j’ai l’impression d’être submergé par toutes les choses à savoir. Je suis stressé, fatigué et j’ai peur.

La réponse émotionnellement intelligente de l’adulte : Ça a l’air difficile, tu en as vraiment marre de tous ces devoirs et j’ai l’impression que ça explose dans ta tête. Est-ce que tu veux faire une pause et on regarde ensemble après ?

 

Version originale de l’enfant : Je te déteste !

Traduction possible : Ça me perturbe d’en vouloir à quelqu’un que j’aime et, en même temps, je suis vraiment frustré et la colère est ma manière de me réparer de cette frustration. En plus, je ne sais pas encore comment exprimer ma colère en parlant de moi et de mes besoins plutôt qu’en m’en prenant aux autres.

La réponse émotionnellement intelligente de l’adulte : Wow, tu es vraiment en colère, tu aurais aimé___________. C’est difficile quand on est en colère et qu’on ne sait plus où on en est. Je t’aime et moi aussi ça m’arrive d’être en colère contre des gens que j’aime.

 

Version originale de l’enfant : Un enfant insiste sur un élément déjà expliqué maintes et maintes fois, souvent un élément gênant de surcroît (Lawrence Cohen prend l’exemple d’un enseignant avec un oeil de verre à qui ses élèves demandent régulièrement des détails sur son accident, son opération, sa vie avec un oeil de verre alors qu’il le leur avait déjà expliqué de nombreuses fois au cours de l’année) Qu’est-ce qui est arrivé à ton oeil ?

Traduction possible : Tu te rappelles le merveilleux moment qu’on a passé tous les deux, le mois dernier, quand tu m’as parlé de ton oeil ? Je me suis senti tellement bien que tu me répondes si tranquillement et honnêtement sans t’énerver ni me rembarrer en me disant que ce ne sont pas mes affaires. Je me suis senti si proche de toi. On pourrait recommencer ?

ou autre possibilité : J’ai beaucoup de peurs en moi et de soucis dans ma tête à propos des maladies ou des blessures, de moi ou des gens que j’aime. C’est difficile d’en parler. Je n’aime pas montrer que j’ai la trouille et je ne voudrais pas qu’on me trouve idiot de m’en faire à cause de ça. Alors au lieu de te parler directement de mes inquiétudes, je préfère te poser encore des questions sur ton oeil. Quand tu me racontes, ça ma rassure.

La réponse émotionnellement intelligente de l’adulte : Je t’ai déjà raconté mon histoire et j’ai l’impression que tu veux qu’on fasse quelque chose d’agréable ensemble/ qu’on passe un peu de temps ensemble. Alors amusons-nous ensemble à autre chose.

ou autre possibilité : Je constate que mon oeil t’intéresse vraiment. Vu que tu n’arrêtes pas de me demander de t’en parler, je parierai qu’il y a d’autres questions qui te travaillent dont nous n’avons pas encore eu l’occasion de discuter.

 

Lawrence Cohen ajoute que, quand nos tentatives de dialogue échouent, quand l’enfant n’arrive pas à mettre en mots ses émotions fortes, quand il se ferme à la communication verbale, il nous reste un canal de communication à explorer : le jeu. Par exemple, il raconte qu’il est possible de jouer à un enfant préoccupé par la perte, le danger, le sauvetage ou encore l’agression à un jeu autour du fait de mettre en danger et sauver. Il illustre son propos avec le jeu de la lave : adultes et enfants se réfugient sur un lit (ou autre meuble un peu haut) en faisant semblant que le sol est couvert de lave en fusion. Le but du jeu est de rester en sécurité sur le lit sans tomber dedans. Parfois, un enfant vient en secours à un adulte qui fait semblant de tomber, parfois un adulte vient en secours à un enfant, parfois un enfant essaie de pousser un adulte qui simule l’effroi, parfois un adulte essaie de pousser un enfant.

Quand le jeu est adapté à l’humeur du moment, il s’agit d’une forme de réelle écoute des enfants.

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Source : Qui veut jouer avec moi ? Jouer pour mieux communiquer avec nos enfants de Lawrence Cohen (éditions Poche Marabout). Disponible en médiathèque, en librairie ou sur internet.

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