La dépression post partum : une réalité de la difficulté maternelle encore trop peu connue

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Une à deux mères sur dix seraient en souffrance psychique suite à la naissance de leur enfant. Même en considérant le bas de la fourchette (soit 10% des mères), plus de 80 000 femmes par an en France seraient donc touchées par la dépression post partum. L’association Maman Blues, face à ce problème majeur de santé publique qui reste peu médiatisé, a écrit un livre pour faire connaître et comprendre ce drame intime vécu en silence par la plupart des mères qui sont touchées. Une de ses membres fondatrices, qui a elle-même connu une dépression post partum à la naissance de son troisième enfant, est mue par la colère qu’elle a ressentie quand elle a su que 10 à 20% des mères sont en difficulté maternelle mais que personne n’informe les futures mères de ce qu’elles peuvent être amenées à traverser après la naissance de leur bébé.

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La dépression post partum n’est pas synonyme de baby blues. Le baby blues survient entre deux et quatre jours après la naissance et ne dure que quelques heures ou quelques jours. Il est caractérisé par une hyperémotivité, des crises de larmes, un sentiment de maladresse et de l’anxiété.

L’association Maman Blues souhaite faire connaître un autre regard sur les troubles psychiques liés à la maternité. Elle parle volontiers de “difficultés maternelles” pour décrire à la fois des symptômes dépressifs mais aussi des souffrances émotionnelles, psychiques et somatiques dont les effets et les conséquences seront perceptibles aussi bien chez la mère que chez l’enfant. Cela peut passer (entre autre) par des troubles anxieux, l’impression de ne jamais pouvoir être une mère assez bonne, des inquiétudes excessives sur la santé du bébé, l’envie récurrente et pressante de jeter l’enfant par la fenêtre, des gestes de soins mécaniques et non investis émotionnellement, l’impression d’être emprisonnée/ aliénée, l’indifférence voire le rejet du bébé, la pensée que l’enfant serait plus heureux avec d’autres, des pensées suicidaires…

C’est bien l’accouchement et la venue au monde de l’enfant (“sa réalité concrète tout de chair et d’émotions mêlées”) qui sont susceptibles de bouleverser une mère au-delà du simple baby-blues, de la bousculer et la faire basculer dans des états dépressifs.

Parmi les récits de mères reproduits dans le livre, on peut lire des phrases qui témoignent de cette difficulté maternelle :

  • “J’ai le sentiment de devenir folle. “
  • “La culpabilité me ronge. “
  • “Peu à peu, j’ai disparu dans ce marécage te laissant aux soins de ton papa, qui lui réussissait si bien où j’échouais lamentablement. “
  • “Comment continuer à vivre quand l’idée de passer une seule journée avec votre bébé vous épouvante, vous broie et vous met à terre ?”
  • “Je me sentais complètement happée par cette maternité, presque aliénée par le besoin qu’elle avait de moi, de mes bras, de mes seins. “

L’origine de la dépression du post partum

A l’heure actuelle, il n’existe pas de critères sociaux (niveau de revenus, classe sociale, âge de la mère, chômage…), médicaux (hormones de la naissance, maladie chronique…) ou encore psychologiques (antécédents psychiatriques) probants pouvant être généralisés annonciateurs de la dépression post partum.

Il faut noter que ce n’est pas nécessairement la première naissance qui déclenche ces troubles : ils peuvent tout à fait survenir après plusieurs maternités sereines.

Il n’y a pas non plus a priori de facteur commun concernant les grossesses et/ou les accouchements difficiles qui expliquerait ou provoquerait à lui seul l’émergence de la dépression port partum.

Le “devenir mère” implique à la fois le biologique, le social et le psychologique. – Sarah Blaffer Hrdy

 

De la difficulté d’identifier et prendre en charge de la dépression de post partum

Reconnaître et accepter le besoin de soin en tant que mères

Maman Blues rappelle que de nombreuses mères touchées par des difficultés maternelles profondes ne demandent pas d’aide et encore moins de soin par honte, par culpabilité ou encore par ignorance des mécanismes de la dépression post partum.

Ces mères se débrouillent seules avec leurs angoisses, leur abattement, avec le certitude d’être anormales et mêmes monstrueuses, indignes d’être mères… et même de vivre parfois. En effet, il est difficile pour ces mères de se confier parce qu’elles ont peur d’elles-mêmes (de leurs pensées étranges, voire folles), peur du jugement des autres, peur d’être considérées comme incapables ou dangereuses et donc d’être séparées de leur bébé.

D’autres mères vont enterrer leur dépression post partum en se dédiant à des préoccupations exclusivement matérielles ou sanitaires (toilettes, change, habillement, alimentation, achat d’objet de puériculture…). Ce “savoir-faire” fait écran entre la mère et le bébé, prend la place d’un “savoir être”.

La difficulté des professionnels de santé à mesurer les enjeux des difficultés maternelles

Maman Blues tient à préciser que, même quand les mères se décident à parler et chercher de l’aide, elles peuvent se heurter à l’incapacité à être comprise par le personnel médical.

Même en tant que soignant, il n’est pas toujours aisé d’être le témoin ou le confident d’une dépression de post partum parce qu’un tel témoignage remet en cause la vision idyllique de la maternité telle qu’elle est valorisée par la société.

Toute défaillance maternelle, visible ou confessée, renvoie celui ou celle qui écoute à sa propre mère, à sa propre naissance ou à sa propre parentalité, ce qui peut confronter brutalement aux souvenirs et aux souffrances intimes. – Maman Blues

Une société qui valorise la maternité comme vecteur d’épanouissement

Maman Blues regrette que les mères soient toujours valorisées quand elles se dévouent, quand elles sont parfaites et que la maternité soit présentée comme la plus belle chose qui arrive dans une vie (“ce n’est que du bonheur”). Ce n’est pas toujours le cas.

Ce n’est ni facilement ni spontanément que les mères en peine se tournent vers un psychologue ou un psychiatre. Ont-elles l’intuition, ces mères, au-delà de la honte et de la culpabilité qu’elles-mêmes auraient à dépasser, que le monde médical n’est pas à même lui non plus d’écouter leurs propos ? Que l’on cherchera avant tout à interpréter leurs paroles, à analyser leur comportement et leurs interactions avec leur bébé, selon des grilles préétablies, à juger de leur raison ou de leur déraison et à évaluer leur dangerosité à l’égard de leur enfant ? Ou au contraire, qu’on s’empressera de les rassurer, sans prendre vraiment ni la peine ni le temps de les écouter, elles qui aimeraient par-dessus tout rester silencieuses, être devinées et rejointes dans leur douleur ? – Maman Blues

 

Diffuser des informations sur la dépression post partum et améliorer les soins

L’association Maman Blues s’est fixé pour objectif de diffuser au grand public des informations sur les difficultés maternelles afin d’aider les mères en difficulté à mettre des mots sur leurs maux afin de demander de l’aide et d’encourager les professionnels de la santé à mieux prendre en charge ces difficultés (par leur formation personnelle et par l’ouverture d’unités de maternologie).

Elle offre notamment sur son site un espace de recueil de témoignages. En effet, le fait de pouvoir raconter, mettre en mots, narrer et se confier est une étape de la guérison à travers la mise en cohérence et le sens donné aux événements traversés.

Le site de l’association : maman-blues.fr

Par ailleurs, il est important de rappeler que la maternité est collective et que les pères ont leur part dans l’accompagnement des difficultés maternelles (soutien quotidien et moral, bienveillance…).

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Source : Tremblements de mères : La dépression post-partum, visage caché de la maternité du collectif Maman Blues (éditions L’Instant Présent). Disponible en médiathèque, en librairie ou sur internet.

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