Et si on bannissait “C’est pas grave !” et “Arrête de pleurer !” de notre vocabulaire ?

Et si on bannissait pas grave arrête de pleurer

Quand on commence à s’intéresser à la parentalité bienveillante et à l’éducation émotionnelle, on se rend compte qu’une grosse partie du “travail” consiste en l’accueil des émotions : simplement être là avec un regard bienveillant sans forcément fournir une solution ou une technique de régulation. Proposer des techniques de régulation des émotions ne doit jamais venir remplacer cet accueil, cette reconnaissance de l’émotion en cours (chez les enfants mais cela est vrai chez les adultes également).

Quand l’enfant pleure, il est déjà dans la résolution de son problème, il est dans la décharge physiologique de son émotion. Les pleurs sont donc utiles et bienfaiteurs. On n’a pas besoin d’empêcher les enfants de pleurer car les larmes sont justement une manière de soulager la tristesse, la peur, la colère, la honte… Tous les humains ont besoin de pleurer pour laisser sortir la souffrance liée à une blessure (qu’elle soit émotionnelle ou même physique d’ailleurs). Évacuer l’émotion par les pleurs est une manière qu’a trouvé la nature de guérir les humains, de leur laisser la possibilité de rebondir après une douleur, de se relever face à une épreuve.

En tant que parents, nous avons parfois tendance à nier, à minimiser, à chercher à apaiser, à réguler une émotion immédiatement, à faire cesser les pleurs. Ces interventions peuvent calmer partiellement l’enfant mais permettre à l’enfant d’aller au bout de ses pleurs dans un cadre bienveillant de sécurité affective est plus utile pour une bonne santé émotionnelle.

Il est important de laisser ce droit aux enfants de pleurer, d’être en colère, de s’exciter, que ce soit chez les filles ou chez les garçons. Or dire “c’est pas grave !” ou “arrête de pleurer !” nie l’intensité de l’émotion, nie le vécu de l’enfant et empêche la décharge de l’émotion.

Pour la petite anecdote, je me souviens d’une réflexion de ma mère quand ma fille était encore petite. Ma mère était tombée et s’était égratigné le genou. Elle a alors dit : “C’est vrai qu’on dit tout le temps aux enfants que c’est rien, mais ça fait vraiment mal en fait”. Cette anecdote m’a marquée à deux titres : en tant qu’adultes, on a souvent tendance à ignorer les souffrances (affectives et physiques) des adultes et, même à l’âge adulte, on a besoin que nos souffrances soient comprises, accueillies et reconnues :).

Comment être soi-même assez clair avec ses propres émotions pour accueillir celles des enfants ?

Nous pouvons activer plusieurs leviers pour gagner en clarté avec nos propres émotions d’adultes :

  • au quotidien, adopter une hygiène émotionnelle

Nous avons beaucoup à gagner à nous laisser traverser par nos propres émotions quand elles se présentent, telles qu’elles se présentent : “Oui, c’est vrai, je suis comme cela, je ressens telle émotion, je suis vraiment comme ceci et c’est tellement difficile…”.On peut se conduire avec soi-même comme un.e bon.ne ami.e en s’accordant cette confirmation émotionnelle et une auto-empathie bienveillante (sans chercher à nier, minimiser ou cacher les émotions difficiles).

Quand on doit soutenir un enfant (ou un adulte) dans ses émotions, il est important de ne pas être soi-même dans l’émotion. On peut alors prendre un temps de pause pour aller pleurer, crier dehors ou dans un coussin, sauter, secouer les mains… afin de revenir disponible pour l’accueil émotionnel de l’autre.

Par ailleurs, évacuer nos émotions régulièrement n’est pas à négliger :

  • regarder des films tristes/ lire des histoires émouvantes/ écouter des chansons à forte charge émotionnelle pour se laisser aller à pleurer,
  • prendre des temps d’introspection au quotidien (météo intérieure, conscience corporelle, écoute des besoins),
  • tenir un journal émotionnel,
  • trouver des personnes de confiance, un réseau de soutien avec qui parler librement et se laisser aller si besoin (pleurer, craquer, râler…),
  • jouer avec les enfants (le jeu peut avoir un effet thérapeutique sur les enfants mais, on l’oublie également, sur les adultes)
  • se doter de stratégies anti pétage de plomb pour les parents.

éviter de s'énerver sur les enfants

  • trouver un cadre de sécurité pour y déverser les émotions difficiles

Quand les émotions sont vraiment fortes et douloureuses, ce travail quotidien peut ne pas suffire. Il est alors possible de faire remonter les émotions vécues dans l’enfance dans un cadre de sécurité afin de retraverser les souffrances connues dans l’enfance. Cela peut se faire dans un groupe de parole ou avec un thérapeute professionnel afin de laisser sortir les émotions réactivées par la mémoire traumatique. 

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Pour aller plus loin, mon essai La co-éducation émotionnelle : s’élever en même temps qu’on élève les enfants (éditions Hatier) aborde cette problématique et donne des pistes pour raisonner autrement face aux comportements des enfants qui nous mettent en difficulté.

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