La lenteur est une clé de voûte du bonheur individuel et collectif.

Retrouver la lenteur… un chemin de paix intérieure et collective. Ralentir, prendre le temps… oui mais pourquoi ? comment ?

Pourquoi cet éloge de la lenteur ?

La sagesse est autre chose que l’intelligence. L’intelligence est seulement un outil qui peut servir à faire bien ou mal. La sagesse est une forme de discernement en pensées, en paroles, en actes qui casse nos préjugés selon lesquels, en laissant libre cours à la haine et la violence, on va finir par être heureux.

Aucun être vivant ne se lève le matin en ayant le projet de souffrir. La recherche du bonheur est dans notre nature : on s’attend tous à un mieux-être au bout du chemin. Cependant, une incompréhension de notre nature d’être humain nous conduit à de mauvaises stratégies sur ce chemin.

C’est en cela que la lenteur est une forme de sagesse qui conduit au capital suprême de l’humain, à savoir le bonheur. Faire preuve de discernement en profondeur et à long terme ne peut que prendre du temps… et même beaucoup de temps !

On peut avoir un discours très rationnel, avoir compris les enjeux de la non violence et de la connaissance de soi… et pourtant se retrouver démuni dans le tourment, ne pas réussir à incarner, à vivre cette sagesse théorisée.

La sagesse est de ne pas perdre de vue l’humanité : je suis un humain parmi les humains, je suis un humain au même titre que n’importe quel autre humain, il y a des différences mais il n’y a pas de hiérarchie, je ne suis donc pas dans une volonté de prédation et de puissance.

Savoir patienter nous permet d’accéder au non jugement, à la gratuité et au don de pur amour. Les étiquettes (“il est égoïste”, “elle est nulle”, “tu es insensible”, ” je suis bête”, “ils sont naïfs”…) empêchent d’avoir un regard d’acceptation, de compréhension, d’amour sur soi et les autres. Ces étiquettes neutralisent la résolution non violente des conflits (conflits qui ne sont pas en soi à éviter à tout prix : c’est sur la résolution des conflits qu’on est invité à travailler).

Prendre le temps évite les colères absurdes et les jugements hâtifs. Quand nous sommes guidés par nos seuls affects, nous ne sommes pas libres et ne pouvons pas être heureux. Quand notre vie s’organise autour de nos blessures, de nos peurs, de nos préjugés, ce n’est pas de la navigation… c’est de la dérive ! La vraie liberté pour un marin est bel et bien de déterminer la destination où il souhaite se rendre, de tirer avantage des éléments autour de lui (le vent, le courant…) tout en maîtrisant ses outils (la barre de navigation, la boussole, les voiles…) pour y parvenir sain et sauf… plutôt que laisser le bateau dériver en comptant sur la chance (ou la loi de l’attraction) au risque de s’échouer sur les récifs.

Comment ralentir ?

La méditation et la pleine conscience sont des outils de ralentissement non seulement efficaces mais qui contribuent à l’élévation du niveau de bonheur.

Méditer, c’est prendre le temps d’observer longuement le fonctionnement de son esprit. Et cela ne va pas de soi de prendre le temps de s’asseoir pour voir en quoi consistent la peur, la tristesse, la colère et comment ces dernières se traduisent en sensations, en impulsions, en pensées, en envies…

Faire preuve de discernement, c’est prendre l’habitude patiente et répétitive de faire la différence entre une réaction impulsive et une réponse non violente reflétant les besoins vitaux qui nous animent tous.

Dans une réaction impulsive, le passé, les messages contraignants de l’éducation, les gênes vivent à notre place ! Une réponse non violente relève en revanche d’un inconfort pris en compte, accueilli et moteur d’une action contribuant à satisfaire les besoins des uns et des autres. Observer la chaîne des réactions, attendre, voir vers quoi les pensées nous poussent, sentir et analyser si c’est vraiment ce vers quoi nous avons envie d’aller représentent de vrais changements de paradigmes ! Or le changement fait peur.

Bien que nos habitudes et nos réactions impulsives nous rendent malheureux, elles finissent par être des territoires connus. Quand on réagit avec impulsion, avec violence verbale, quand on juge l’autre ou qu’on s’auto juge, quand on se coupe des émotions (les nôtres et celles des autres), on est finalement dans un terrain connu.

La méditation et la pleine conscience peuvent justement nous apprendre à écouter cette peur, ce qu’elle a à nous apprendre, à l’accueillir pour ce qu’elle est, à la rassurer, à faire preuve d’auto empathie et à surmonter pas à pas cet inconfort.

La méditation et la pleine conscience peuvent également nous amener à écouter l’immense sentiment de lassitude, de dégoût qui nous envahit et qui est justement un signal du corps, du coeur et de la tête pour nous pousser au changement. Le corps (et ses sensations) est un véritable allié : la pleine conscience nous invite à nous reconnecter avec ces sensations et à en accueillir les messages pour gagner en niveau de bonheur. Or c’est précisément cette action qui demande du temps.

La méditation et la pleine conscience nous apprennent à raisonner en termes de besoins et d’émotions derrière les comportements des humains. Ce sont des outils de non violence, de paix intérieure et collective.

La sagesse nous appartient donc, il est possible de trouver la paix pour soi et pour le monde… à condition de prendre le temps de la bienveillance et de l’humilité. La méditation et la pleine conscience n’invitent pas à la perfection, à l’absence d’émotions inconfortables; elles invitent à regarder au-delà des apparences, à s’accueillir tel.le qu’on est et à nourrir les parts de nous-même qui cherchent amour et bienveillance.

En cela, les pratiques de la pleine conscience et la Communication Non Violente se rejoignent. En effet, la pleine conscience et la Communication Non Violente sont deux arts de vivre avec soi, avec les autres et avec le monde. Ce ne sont pas des outils, des méthodes mais plutôt des philosophies de vie pour trouver la paix avec soi-même et vivre dans le monde avec éthique. Ces deux processus ont une intention commune : faire du ET plutôt que du OU.  Elles sont toutes deux au service de la coopération.

La pleine conscience est vivante quand elle est associée à une éthique dans une dynamique de vision, de parole, de pensée, de moyens d’action et d’efforts justes. Il s’agit d’être pleinement présent.e dans le moment, à n’importe quel moment (quand on marche, quand on écoute, quand on écoute, quand on parle…). Il est précieux de s’arrêter pour gagner en discernement en créant des conditions avec le corps pour se relier à soi et aux autres (à travers notamment la respiration).

La Communication Non Violente (CNV) est un processus concret en quatre étapes (observation, émotion, besoin, demande) qui permet de s’exprimer sans poser d’étiquette ni de critique.

Un chemin vers soi est un chemin pour contribuer au monde en tant que citoyen. – Eliane Regis (formatrice en CNV)

Ralentir avec les enfants

Réfléchir à une éducation lente, c’est réfléchir à la qualité de notre vie.

La lenteur ne signifie pas l’incapacité d’adopter une cadence plus rapide. Elle se reconnaît à la volonté de ne pas brusquer le temps, de ne pas se laisser bousculer par lui, mais aussi d’augmenter notre capacité d’accueillir le monde et de ne pas nous oublier en chemin. – Pierre Sansot

L’éducation lente cherche à trouver le rythme d’apprentissage de chacun et de chaque activité, en le respectant, en le stimulant et en l’amplifiant. Elle ne pénalise pas la lenteur, elle ne vise pas la standardisation.

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Non seulement les apprentissages mais également les relations prennent du temps : prenons-nous toujours le temps de cultiver le lien parent-enfant en étant pleinement attentif à ceux qu’on aime ?

Pour aller plus loin : Les vertus de l’éducation lente : 25 propositions pour prendre le temps avec les enfants

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Source : Trois amis en quête de sagesse de Christophe André, Alexandre Jollien et Matthieu Ricard (éditions L’Iconoclaste). Disponible en médiathèque, en librairie ou sur internet.