La paix ça s’apprend… comme le vélo ! (et à tout âge)

la paix ça s'apprendÀ la suite des attentats de Paris et Bruxelles, David Van Reybrouck, écrivain, anthropologue et archéologue, a rédigé avec Thomas d’Ansembourg, psychothérapeute, auteur d’ouvrages sur le développement personnel et formateur en communication non violente, un plaidoyer pour un apprentissage de la paix comme une construction intérieure et collective. Pour eux, le constat est clair : face au déferlement d’actes guerriers et barbares, appeler la paix de ses vœux ne suffit pas, il faut la préparer, la construire à l’intérieur de nous-mêmes et dans nos structures sociales. Ils complètent en affirmant qu’il est faux de supposer qu’il faille d’abord prendre en charge le contexte extérieur avant d’entamer le travail intérieur.

Dans leur ouvrage La paix ça s’apprend: Guérir de la violence et du terrorisme, les deux auteurs affirment qu’il est possible d’apprendre la connaissance de soi, la paix intérieure et relationnelle, ainsi que la bienveillance. Cet apprentissage passe par un cheminement intérieur à travers des enjeux de connaissance et d’expression de soi, de gestion des émotions et d’écoute de l’autre.

Une tentative de définition de la paix

Vivre en paix n’est pas nécessairement vivre sans conflits, mais avec nos conflits. – David Van Reybrouck et Thomas d’Ansembourg

Pour les deux auteurs, la paix commence par un état de profonde tranquillité intérieure que nous pouvons apprendre à nourrir et à ressentir dans notre relation à nous-même, dans la relation à l’autre et dans la relation à la vie, quelles que soient les circonstances. Il s’agit d’un état intime de plus en plus stable, transportable à travers les difficultés et les épreuves de la vie, et qui se révèle contagieux.

David Van Reybrouck et Thomas d’Ansembourg proposent trois outils de paix qui peuvent être appris et cultivés à tout âge, des enfants aux adultes et applicables à l’école, à la maison, au travail, à l’hôpital, dans les médias… :

  • la Pleine Conscience,
  • la Communication Non Violente,
  • la Bienveillance.

3 outils de paix intérieure pour construire une paix collective durable

1. La pleine conscience

Nos éducations (familiale, scolaire et même religieuse) ne nous ont pas donné les clés de la vie intérieure : écoute et empathie pour soi, présence à soi, conscience et discernement. Malgré leurs bonnes intentions, elles nous ont souvent tirés hors de nous en privilégiant notre formation intellectuelle et les choses à faire sans nous donner les clés pratiques du savoir-être, de ce que nous appelons l’intériorité transformante (connaissance de soi, compréhension et gestion des émotions, intuition, compréhension des processus de réconciliation intérieure et des processus permettant le passage de l’ego à l’être). – David Van Reybrouck et Thomas d’Ansembourg

Ces quinze dernières années, les scientifiques ont incontestablement constaté que la pratique régulière de la méditation stimule des comportements prosociaux, l’altruisme, le bien-être, la bienveillance et la compassion.

Cet apprentissage peut passer par le fait de porter notre attention sur notre respiration et notre environnement (écouter les sons, marcher silencieusement, observer les paysages…), de faire l’expérience de notre corps (les sensations comme les mains moites, les mâchoires serrées, les tensions dans le dos…) et à être dans le présent (stopper les rumination mentales).

Pour aller plus loin :

 

2. La communication non violente (CNV)

La CNV se révèle à la fois un langage universel et un art de vivre. Elle permet d’atteindre un nouvel espace relationnel, où les besoins de chacun peuvent être satisfaits. Elle invente un échange où la coopération remplace la relation dominant/dominé et bouleverse en cela les modes habituels de communication. Depuis toujours, nous communiquons en cherchant à avoir raison, nous espérons convaincre l’autre en lui demandant de penser comme nous, nous usons souvent de notre pouvoir pour convaincre, contredire ou contraindre. – Marshall Rosenberg

Dans la communication non violente, il ne s’agit pas de taire ou de nier notre désapprobation ou notre colère mais au contraire de parvenir à les exprimer d’une manière qui ait une chance d’être entendue.

La CNV nous engage à reconsidérer la façon dont nous nous exprimons et dont nous entendons l’autre. Ainsi, les mots ne sont plus des réactions routinières et automatiques, mais ils deviennent des réponses réfléchies, émanant d’une prise de conscience de nos perceptions objectives, de nos émotions et de nos besoins. La CNV nous apprend à être à l’écoute de nos besoins en même temps que de ceux de l’autre.

Cet apprentissage peut passer par le fait de se poser quelques questions simples pour prendre vraiment conscience de ce qu’on vit :

  • Qu’est-ce que je ressens quand quelqu’un me parle ainsi ?
  • Pourquoi est-ce que le propos de telle ou telle personne me vexe ?
  • Pourquoi le mail de cette personne me fait particulièrement plaisir ?

La violence explosant quand on ne sait pas se comprendre ni se faire comprendre, la connaissance de soi et de moyens de communication non violents a une véritable dimension citoyenne.

Pour aller plus loin :

 

3. La bienveillance (empathie, compassion et éducation bienveillante)

C’est en développant une vision de ce qu’on veut vivre et une volonté de mettre petit à petit en place les apprentissages que la paix pourra être atteinte. – David Van Reybrouck et Thomas d’Ansembourg

Karen Armstrong, écrivaine britannique spécialisée dans l’histoire des religions, a rédigé une Charte de la compassion :

Le précepte de compassion, qui est au cœur de toutes les traditions religieuses, spirituelles et éthiques, nous invite à toujours traiter autrui de la manière dont nous aimerions être traités nous-mêmes.

La compassion nous incite à nous engager sans relâche à soulager les souffrances de tous les êtres et à apprendre à ne pas nous considérer nous-mêmes comme le centre du monde, mais à être capables de placer autrui à cette place centrale.

Elle nous enseigne à reconnaître le caractère sacré de chaque être humain, et à traiter chacune et chacun, sans aucune exception, avec un respect inconditionnel et dans un esprit de justice et d’équité.

Cela implique aussi de s’abstenir d’infliger de la souffrance à autrui, en tout temps et en toutes circonstances, que ce soit dans la sphère publique ou privée.

Agir de manière violente, que ce soit par malveillance, chauvinisme, colère ou égoïsme ; exploiter qui que ce soit ou le priver de ses droits fondamentaux ; inciter à la haine et dénigrer autrui – même nos ennemis – sont autant de négations de notre condition humaine commune à toutes et à tous.

Nous reconnaissons que nous n’avons pas toujours été capables de vivre avec compassion, et que d’aucuns ont même infligé bien des souffrances au nom de la religion.

Pour cela, nous invitons solennellement tout le genre humain à placer la compassion au cœur de toute éthique et de toute religion, à adhérer au principe ancestral selon lequel toute interprétation des Écritures qui suscite violence, haine ou mépris, est illégitime, à s’assurer que la jeunesse soit informée de manière respectueuse et authentique sur les autres traditions, religions et cultures, à encourager une approche positive de la diversité des cultures et des religions, à se doter d’une compréhension empathique des souffrances de tous les êtres humains, même de ceux considérés comme ennemis.

Nous devons de toute urgence agir pour que la compassion devienne une force dynamique et lumineuse qui puisse nous guider dans ce monde de plus en plus polarisé.

Enracinée dans la ferme détermination à transcender l’égoïsme, la compassion peut faire tomber les barrières politiques, idéologiques, dogmatiques et religieuses.

Née de la réalisation de notre profonde interdépendance, la compassion est essentielle aux rapports entre humains et pour une humanité accomplie. Elle est la voie vers l’illumination et elle s’avère indispensable à la création d’une économie plus juste et d’une communauté globale harmonieuse et pacifique.

Cette bienveillance peut être appliquée à plusieurs niveaux :

  • bienveillance envers soi-même,
  • bienveillance guidée par l’empathie dans les relations aux autres,
  • bienveillance éducative

Dans l’éducation, plus l’enfant reçoit d’empathie pendant l’enfance, plus l’enfant devient empathique.

On voit qu’il s’agit d’une révolution d’attitude : rester empathique avec l’enfant malgré la fatigue, le stress ou la peur demande un réel travail sur soi. Être un parent conscience et bienveillant est une lourde tâche mais, quand on comprend les conséquences durables et collectives d’un défaut d’empathie, on peut se demander si nous avons vraiment d’autres choix…

Pour aller plus loin :

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Source : La paix ça s’apprend: Guérir de la violence et du terrorisme de David Van Reybrouck et Thomas d’Ansembourg (éditions Actes Sud).

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