Le continuum : définition

le concept du continumm jean liedloffLe livre “Le concept du continuum” est un des livres les plus remuants que j’ai lus (d’autant plus que ma fille est restée 1 mois en néonat à la naissance car elle est née prématurée et que je suis maman solo, séparée de son papa depuis qu’elle a 2,5 ans).

La thèse de l’autrice, Jean Liedloff, est qu’un bébé privé de portage et de contact physique suffisants est privé de sa nature profonde : il recherchera toute sa vie le sentiment de plénitude qu’il aurait dû ressentir auprès de ses parents quand il était porté et cajolé bébé.

 

Jean Liedloff définit le continuum ainsi :

Le continuum humain peut être défini comme un enchaînement d’expériences qui correspondent aux attentes et tendances de notre espèce, dans un environnement de même logique que celui où sont nées ces attentes et tendances. Cela implique un comportement adéquat vis-à-vis des autres acteurs dans cet environnement et une attitude appropriée de ceux-ci envers nous.

Suivre notre continuum, c’est être dans la continuité, c’est-à-dire répondre aux aspirations et besoins profonds de notre condition humaine sans rupture avec ce que la Nature a fait de nous et ce que notre condition attend de nous.

Jean Liedloff écrit qu’il n’est pas du ressort de notre faculté de raisonnement de décider comment se comporter avec un bébé. Nous avons eu des instincts extrêmement précis, experts en chaque détail de l’éducation des enfants bien avant de ressembler à des Homo Sapiens.

Mais nous nous sommes arrangés pour bafouer cette connaissance de longue date. Notre faculté de raisonnement a suffisamment d’activités à gérer pour ne pas empiéter sur ce qui a pu être mené à bien depuis des millions d’années par l’instinct.

Dans nos sociétés dites développées, les parents ne font confiance ni à leurs compétences innées ni aux “raisons” qui poussent le bébé à émettre des signaux, pourtant parfaitement clairs. Le bébé est devenu une sorte d’ennemi que les parents doivent vaincre.

Pourtant, Jean Liedloff affirme :

La nature ne dicterait pas au bébé de hurler au martyre si tel n’était pas précisément le cas. L’heure est aussi grave qu’elle en a l’air.

Les besoins des bébés selon le concept du continuum

Les expériences sensorielles

Ce que la bébé va rencontrer et expérimenter juste après la naissance va déterminer sa perception de la vie. Le bébé n’a pas été préparé par la nature, par son continuum à se retrouver dans le néant, dans la “non vie”, perdu dans un panier rempli de tissu ou dans une boîte en plastique (le couffin de la maternité) sans mouvement, sans son,  sans odeur ou sans sensation de vie. – Jean Liedloff

Sous la peau exposée pour la première fois tout de suite après la naissance, chaque terminaison nerveuse du corps du bébé a un besoin extrême et vital d’une étreinte attendue. Tout l’être du bébé, toute sa nature indiquent que sa place est dans les bras de sa mère, au contact peau à peau. La place du bébé au creux des bras de sa mère est la place attendue, connue instinctivement comme étant sa place.

Jean Liedloff estime qu’un bébé continuum est emmené partout porté par sa mère idéalement, et toute autre personne de son entourage : il a beau être endormi la plupart du temps, il s’habitue aux voix des siens, aux sons de leurs activités, aux secousses, aux mouvements et aux arrêts inattendus.

La personne qui s’occupe de lui lui imprime sur le bébé continuum le rythme de son activité, de son confort et du cycle jour-nuit.

Le bébé continuum a le loisir de s’habituer aux changements de texture et de température.

Il est tenu par un corps vivant et se sent bien. Il vit des expériences aussi nombreuses que diverses.

Durant la phase dans les bras (que Jean Liedloff estime de la naissance à l’exploration à 4 pattes), un bébé emmagasine de l’expérience et apprend à quoi ressemble la vie.

Les bébés humains ont besoin d’expériences sensorielles pour répondre aux attentes de leur continuum :

  • contact de chaleur et de chair vivante (des mains qui touchent sa peau, la chaleur d’un corps humain)
  • expériences auditives (mélodies, voix des parents, sons du quotidien…)
  • expériences visuelles (les couleurs, les objets du quotidien, les mouvements des arbres…)
  • expériences tactiles (toucher les différentes textures…)
  • expériences olfactives (sentir les odeurs des parents, d’autres gens, sentir les odeurs du quotidien, de la maison, de dehors…)
  • mouvements (balancement, bercement…)

Les sensations visuelles, auditives, dynamiques, gustatives et olfactives éprouvées dans les bras des parents agissent sur les sens avides d’expériences du bébé. Au contraire, le landeau est une boîte sans vie qui n’offre rien d’autre à la vue qu’une grande toile blanche, la chambre n’offre rien d’autre qu’un mur et un plafond (parfois colorés mais qui ne sont pas à la hauteur des stimulations que l’enfant vit quand il est porté), son lit offre des barreaux et un éventuel mobile (qui n’est jamais remplacé et qui ne satisfait donc pas assez les besoins en stimulations des bébés).

continuum

Lorsque le bébé est abandonné, sorti de son continuum, privé des expériences que son continuum attend, rien n’est plus acceptable ni accepté. Éveillé ou endormi, rien dans l’expérience de ses ancêtres n’a préparé un bébé à rester isolé et encore moins à pleurer sans susciter la moindre réaction d’un seul de ses semblables.

Ce sont les premiers éléments de sa vie qui influencent le plus la vision du monde du bébé : ce qu’il ressent avant même de pouvoir penser détermine en grande partie sa vision future des choses.

Si, avant d’être capable de réfléchir, le bébé se sent en sécurité, désiré et à l’aise dans toute activité quotidienne, il regardera la vie d’un bien autre œil que l’enfant qui ne se sent pas accueilli, qui n’est pas stimulé – puisqu’il a manqué certaines expériences – et qui est habitué à la frustration (personne ne vient quand je pleure, on me demande de nier mes sensations et mes émotions). Et cela, même si l’enfant vit ultérieurement les mêmes expériences.

La nature bonne de l’enfant

Le sentiment que ressent un enfant porté est un sentiment de plénitude ou d’essentielle bonté. La seule identité positive qu’il puisse connaître, étant l’animal qu’il est, est basée sur le principe qu’il se sent bien, bon et le bienvenu. Sans cette conviction, tout être humain est handicapé par un manque de confiance, de spontanéité, de grâce et par l’ignorance de sens global de son identité. Tout bébé est bon, mais ne peut s’en rendre compte qu’indirectement, à travers la façon dont on le traite.Il n’a aucune autre manière visible de percevoir ce qu’il est. Aucun autre type de sentiment ne peut servir de base à son bien-être. La plénitude est le sentiment de base qui convient aux individus de notre espèce.

 

Que se passe-t-il quand les besoins du continuum ne sont pas comblés ?

Bonheur et plénitude perdus

Rien n’a préparé le bébé humain à pleurer sans susciter la moindre réaction d’un seul de ses semblables.

Quand ce à quoi nous nous attendons n’a pas lieu, des tendances correctrices ou compensatoires s’efforcent de rétablir un état stable pour maintenir la vie dans l’organisme. Si une attente du continuum n’est pas comblée, cela coûtera à l’individu un certain degré de bien-être, peut-être trop subtil pour être remarqué ou alors trop répandu dans nos sociétés pour que nous soyons conscients qu’il s’agit d’une perte.

Jean Liedloff écrit :

Lorsqu’un bébé se forge une opinion de sa relation par rapport au monde extérieur, il élabore un ensemble de certitudes qui le suivront toute sa vie et qui lui serviront d’étalon de mesure et de rééquilibre. Ses mécanismes de stabilisation oeuvreront pour maintenir intactes ces certitudes. Un bébé dépourvu de l’expérience nécessaire à l’épanouissement de son potentiel inné ne connaîtra peut-être jamais le sentiment de plénitude pourtant naturel à son espèce depuis toujours ou presque.

C’est la raison pour laquelle les personnes qui vivent en Occident portent en eux un sentiment de perte, une aspiration vers quelque chose qu’ils ne peuvent pas nommer, une impression d’être décentré, de manquer de quelque chose.

De nombreuses personnes passent leur vie à chercher des preuves de leur existence. Ils leur manquent l’équilibre et le sens d’identité stable et harmonieux.

Le bonheur cesse d’être la condition normale de la vie et devient un but en soi.

enfant heureux

Une relation mère/ enfant plus fragile

Jean Liedloff écrit que l’attachement provoqué par la séquence d’événements hormonaux lors de l’accouchement doit avoir lieu immédiatement par la mise en contact physique du bébé et de la mère.

Elle continue que si le stimulus d’attachement n’est pas satisfait par la rencontre avec le bébé, le continumm envoie le message qu’il n’y a pas de bébé. Dans toute l’histoire des naissances humaines, quand la mère ne ressent pas de vive tendresse, c’est parce que le bébé est mort né.

Lorsque le stimulus est laissé sans réponse, les forces du continuum supposent qu’il n’y a pas de bébé et que l’élan d’attachement doit être annulé. Quand, tout à coup, l’hôpital moderne, après des heures ou même seulement des minutes, rend le nouveau-né à sa mère, elle se culpabilise d’être incapable de “cajoler” ou “d’aimer son bébé à la folie” et souffre d’une tragédie civilisée classique appelée “dépression post partum normale”… juste quand la nature l’avait au mieux préparée à un des événements émotionnels les plus profonds et les plus influents de sa vie. – Jean Liedloff

Un désir d’attention mal placé

Pour Jean Liedloff, le besoin de contact physique s’estompe rapidement une fois le quota d’expériences atteint. Le nouveau-né, comme le bambin, l’enfant ou encore l’adulte n’y aura recours que lors de moments de stress impossibles à gérer seuls.

Elle estime que les enfants occidentaux privés d’une phase dans les bras réussie ne peuvent jamais rien désirer sans désirer par la même occasion se retrouver au centre de l’attention.  C’est l’absence de réponses aux pleurs qui engendre un désir infini d’attention.

Toute leur vie, ils sont en effet incapables de se concentrer sur les problèmes rencontrés puisqu’une partie d’eux-mêmes brûle de désir de connaître l’euphorie insouciante du bébé au creux de l’étreinte salvatrice. – Jean Liedloff

Confiance en soi ébranlée

Un enfant continuum a accumulé beaucoup d’expériences au cours de la phase portée. Il a un talent d’auto protection et un sens réaliste de ses capacités.

Si les parents donne à penser à l’enfant que ce sont eux qui doivent assurer sa sécurité, il coopérera et les laissera se charger de sa sécurité. Si un enfant est constamment surveillé et forcé à suivre la direction décidée par quelqu’un d’autre, s’il est arrêté constamment, si ses élans sont étouffés dans l’oeuf, cet enfant apprendra à ne plus être responsable de lui-même puisque son entourage lui montre qu’il ne l’en croit pas capable.

L’ultime objectif des activités de l’enfant est de développer sa confiance en lui. Lui donner trop ou trop peu d’assistance va à l’encontre de cet objectif. – Jean Liedloff

Jean Liedloff va plus loin :

Il semble que tout réside dans la prise de responsabilités. Chez les enfants occidentaux, le mécanisme permettant de veiller sur soi ne fonctionne que partiellement puisqu’une grande partie de cette tâche est prise en compte par les adultes. Ayant la redondance en horreur, le continuum supprime donc toutes les responsabilités que les adultes reprennent à leur compte. Il s’ensuit une diminution de l’efficacité étant donné que personne d’autre ne peut être plus constant et plus alerte que soi-même.

La haine de soi et des autres

Jean Liedloff propose d’expliquer en partie la haine de soi et des autres par le fait d’avoir été privé d’une phase dans les bras pendant les premiers mois de la vie, par le fait de ne pas avoir reçu de réponses à des besoins fondamentaux et de ne pas avoir été considéré comme “bon” pendant l’enfance.

La haine de soi (je suis méchant, je suis mauvais, j’ai besoin d’être corrigé, je ne suis pas capable d’être sage, je suis inconscient) serait la cause principale de la haine irrationnelle des autres.

La valeur négative du travail

Chez une personne continuum, la capacité à recevoir, lorsqu’il est bébé, ce dont il a besoin sans rien faire donne naissance au désir grandissant d’exercer ses aptitudes au travail. Lorsqu’un bébé passif n’a pas connu ce succès, l’adulte qu’il devient a tendance à vouloir juste pousser sur un bouton, pour s’épargner du travail, comme pour s’assurer que tout est en train d’être fait pour lui sans rien devoir attendre en retour.

L’impulsion pour le travail, nécessairement forte dans un continuum sain, est freinée; elle ne peut se développer correctement dans le sol stérile de la non préparation à se prendre en charge. Le travail devient alors ce qu’il est pour bon nombre d’entre nous : un mal nécessaire. Et le gadget permettant d’épargner du travail brille comme la promesse d’un confort perdu puis retrouvé. – Jean Liedloff

Comment rester le plus proche possible du continuum ?

Nous sommes tous victimes de lacunes survenues pendant notre enfance : il n’y a que des victimes, de générations en générations.

Il s’agit de raisonner en termes de souffrance et de nature humaine plutôt qu’en termes de “bien/ mal” ou de “ce qu’il faut faire/ ce qu’il ne faut pas faire”. L’étape la plus importante à franchir est d’essayer de rester le plus proche possible du continuum, c’est-à-dire d’utiliser notre bon sens, notre instinct.

Jean Liedloff nous invite par exemple à :

  • porter les petits bébés pendant les 6 à 8 premiers mois pendant toutes les activités du quotidien : faire les courses, cuisiner, marcher, nettoyer, discuter…
  • répondre aux pleurs des bébés
  • pratiquer le cododo
  • allaiter (des renseignements et des conseils sur le site de la Leche League)
  • fournir un cadre avec des objets nombreux et variés pour exercer et découvrir leur potentiel (tiens, ça me rappelle quelqu’un cette histoire d’ambiance et d’environnement adapté)
  • accomplir toutes les tâches du quotidien avec les enfants car ces derniers imitent et exercent leurs aptitudes spontanément (et non quand on leur apprend)
  • laisser les enfants expérimenter à la périphérie des adultes sans supposer qu’ils vont se faire mal, tomber ou encore faire mal aux autres
  • favoriser les contacts entre enfants de tous âges (et pas seulement du même âge comme à l’école) pour favoriser l’imitation et la socialisation
  • être disponible quand l’enfant nous appelle sans chercher à le protéger quand il n’estime pas avoir besoin de nous

 

Je vous recommande chaudement la lecture du livre Le concept du continuum. La beauté de ce concept est que tous les parents, et les mères en particulier, se rappelleront simplement ce qu’ils ressentent au fond d’eux-mêmes.

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Le concept du continuum de Jean Liedloff (Ambre éditions) est disponible en médiathèque, en librairie ou sur internet.

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