L’enfant face au deuil : trouver les mots justes

On dit que les enfants n’acquièrent l’idée de la non réversibilité de la mort qu’aux alentours de neuf ans. Ce n’est pas une raison pour leur raconter des fadaises.

Il est rare de passer les dix premières années de sa vie sans expérimenter la mort d’un être plus ou moins cher à nos coeurs. Le décès d’un poisson rouge, d’un chien, d’une grand mère, d’une copine de l’école, d’un ami des parents, d’un frère ou d’une soeur, ou même d’un parent peut survenir. Que dire ? La vérité ! – Isabelle FIlliozat

Pour autant, dire la vérité ne signifie pas dire asséner brutalement aux enfants une réalité qu’ils ne pourraient assimiler ni leur infliger des images violentes.

Les enfants sont témoins de nos propres émotions d’adultes et ils “sentent” ce qui se passe en nous. Il est donc inutile, même néfaste, de leur cacher quoi que ce soit. Isabelle Filliozat écrit que quelque chose de caché, de secret, fait bien plus peur que quelque chose qui est dit et peut être abordé sans tabou. La vérité fait toujours moins de mal que le mensonge, même quand elle es très douloureuse à entendre.

Émotions et développement de l’enfant

Isabelle Filliozat propose une approche basée sur les émotions et le niveau de développement de l’enfant :

  • parler de ce qui s’est passé tout en restant attentif aux images mentales que l’enfant peut se faire dans sa tête,

“Aujourd’hui, quelque chose de triste s’est passé. Pedro, le shetland bai, est mort. Il s’est battu cette nuit avec d’autres. Il a reçu un coup de sabot sur la tête au mauvais endroit. Il en est mort.

Parfois, il y a des événements joyeux, parfois des événements tristes. Ici on a des naissances, mais aussi des morts. C’est la vie.”

  • poser des questions sur ce que l’enfant imagine (l’émotion pouvant mettre un “filtre” devant les oreilles, il est possible que les enfants déforment les paroles et se construisent des croyances fausses comme le fait s’associer la mort au ciel et de développer une phobie de l’avion par exemple),

 

  • permettre à l’enfant d’évoquer le décès plusieurs fois : raconter son vécu, son imaginaire; poser toutes les questions qui lui vienne à l’esprit, même celles qui peuvent paraître saugrenues,

 

  • écouter sans juger les émotions et corriger les interprétations seulement quand c’est nécessaire (interprétation erronée ou images trop violentes),

“Vous avez le droit de pleurer. Pour ceux qui le désirent, nous irons voir le poney par petits groupes. Ceux qui n’ont pas envie de monter et préfèrent rester le veiller peuvent le faire ce matin, le corps sera emporté à midi.”

  • expliquer les circonstances du décès : les motivations de la personne qui s’est suicidée, les conditions de l’accident, les causes de la maladie. Les enfants peuvent se sentir responsables de ce qui arrive à leur entourage : il est important de leur répéter qu’ils n’y sont pour rien et qu’ils ont le droit de sentir toutes les émotions (colère, peur, tristesse…). C’est la non réponse aux questions des enfants qui est source d’angoisses chez eux.

 

  • permettre aux enfants de voir (s’ils le désirent) un animal mort/ une personne morte leur permet de ressentir la peine légitime qui les envahit, de prendre le temps de dire adieu et de se rendre compte avant son départ qu’ils ne le reverront jamais.

Certains enfants auront envie de laisser une offrande, un cadeau (une fleur, un dessin…) mais rien ne doit être imposé.

Les étapes du deuil communes à tous les humains

Elisabeth Kübler-Ross a décrit les étapes du deuil par lesquelles tous les humains passent quand ils sont confrontés à la mort :

  • le déni

“Non, ce n’est pas possible”, “Il/ elle n’est pas mort.e”, “Je ne te crois pas”, “Il/elle va revenir”

  • la colère

“C’est pas juste !”, “C’est de ta faute !”

A cette étape, il est nocif de tenter de calmer, de minimiser ou de nier l’émotion de colère (ex : “tu sais, ton hamster était vieux”, “je t’en achèterai un autre”, “ta maman ne pouvait pas faire autrement”…).

Au contraire, écouter et accueillir les émotions permet à cette colère de jouer son rôle de “réparation” : “Tu l’aimais ton hamster”, “Tu es vraiment malheureux.se”, “Tu es en colère, tu aurais voulu qu’elle reste avec toi”.

  • dépression

L’enfant est dans une phase de retrait. Il se replonge dans le passé et repense à la relation avec la personne décédée.

Là encore, l’accueil et le respect des émotions est essentiel : permettre à l’enfant de pleurer, de parler de la personne décédée… Les pleurs sont les témoins du travail de réparation et ont un pouvoir de guérison. Les larmes sont utiles pour ne pas garder la tristesse au fond de soi. Une tristesse qui ne peut pas être exprimée sous forme de pleurs et de paroles risque de rester bloquée des années.

Oui, ça fait du bien de pleurer, et surtout de pleurer dans les bras de quelqu’un qui sait écouter les larmes sans les stopper, de pleurer devant un témoin qui sait accueillir sans juger, sans conseiller, sans baisser les yeux. – Isabelle Filliozat

  • un nouvel attachement

Après l’acceptation de la perte (accompagnée d’une écoute empathique des émotions), un nouvel attachement est possible.

L’occasion de parler de la mort à venir

La mort d’un proche ou d’un animal domestique est l’occasion de parler de la mort éventuelle d’autres personnes que les enfants aiment. Les réassurances excessives ont le même effet que le fait d’éluder les questions des enfants : les enfants sentiront les résistances et les peurs des adultes et risquent de développer des angoisses, des phobies. Par ailleurs, mentir ou “arrondir” la vérité affaiblit la confiance que les enfants portent aux adultes. La confiance naît de la sincérité des échanges, d’autant plus que notre communication non verbale nous trahit quand nous mentons. Plus nous mentons, moins les enfants nous font confiance, moins authentiquement ils nous parleront en retour.

Une phrase de ce type “Je ne vais pas mourir et toi non plus. Seulement les personnes vieilles meurent.” engendrent des interrogations chez les enfants car ils savent bien que de jeunes personnes peuvent mourir d’un accident ou d’une maladie.

La vérité sur la nature mortelle du vivant est moins angoissantes parce que les enfants peuvent en parler librement, se repérer, poser les questions dont ils ont besoin pour comprendre, identifier et faire du sens.

Des livres pour enfants qui peuvent accompagner la parole de l’adulte :

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Source : Au coeur des émotions de l’enfant d’Isabelle FIlliozat (éditions Poche Marabout). Disponible en librairie, en médiathèque ou sur internet.

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