Comprendre comment les humains apprennent grâce aux neurosciences.

D’après Stanislas Dehaene, psychologue cognitif, neuroscientifique et professeur au Collège de France, les neurosciences cognitives ont identifié au moins quatre facteurs qui déterminent la vitesse et la facilité d’apprentissage.

les 4 piliers de l'apprentissage d'après les neurosciences

1. L’attention

L’attention est la capacité que nous avons à nous ouvrir à la réalité : l’attention ouvre notre esprit. Audrey Akoun et Isabelle Pailleau, auteurs de La pédagogie positive, la définissent comme

Le mouvement cérébral qui va nous permettre d’orienter notre action en fonction d’un objectif, d’un centre d’intérêt… Grâce à elle, nous captons, par nos cinq sens, les différentes informations en provenance soit de notre environnement, soit de notre ressenti émotionnel ou psychologique.

Stanislas Dehaene ajoute que l’attention sert à sélectionner les informations, module massivement l’activité cérébrale et facilite l’apprentissage.

Mais l’attention peut être sélective. Nous apprenons et mémorisons en fonction d’un projet de mémorisation et tous les stimulis non pertinents dans le cadre de ce projet sont évacués par le cerveau, ils deviennent littéralement invisibles. Même s’ils sont visibles, leur traitement est différé du fait d’un goulot d’étranglement dans le cerveau. La vidéo du « gorille invisible » illustre parfaitement ce mécanisme :

Quelles conséquences pour l’enseignement ?

La tâche la plus important des enseignants est de canaliser et captiver, à chaque instant, l’attention de l’enfant.
L’enseignant doit veiller à créer des matériaux attrayants mais qui ne distraient pas l’enfant de sa tâche principale, notamment en ne créant pas de double tâche.

L’ “effet maître” consiste à bien orienter l’attention des apprenants et donc à bien définir la tâche en question.

Il est possible d’entraîner les enfants à rester concentré en présence d’une distraction, à savoir résister à un conflit interne. Stanislas Dehaene  cite plusieurs types d’activités qui participent au renforcement des capacités d’attention :

2. L’engagement actif

Stanislas Dehaene écrit :

Un organisme passif n’apprend pas. L’apprentissage est optimal lorsque l’enfant alterne apprentissage et test répété de ses connaissances. Cela permet à l’enfant d’apprendre à savoir quand il ne sait pas

Une étude scientifique a montré que  le nombre de tests via des exercices compte plus dans la mémorisation que le nombre d’heures passées à étudier.

L’enfant sera d’autant plus actif et engagé quand il aura envie de faire l’action. Cette envie est déclenchée quand l’activité lui plaît, qu’elle importe pour lui, qu’il y voit un intérêt personnel… et non pas parce qu’il y est contraint par un intervenant extérieur.

3. Le retour d’information

Recevoir un retour d’information immédiat sur l’action en cours est constitutif de l’apprentissage. Plus le retour est proche dans le temps de l’erreur, plus l’action corrective sera efficace et intégrée de manière pérenne.

Les erreurs sont positives et sources d’apprentissage. Elles sont normales dans le processus d’apprentissage car elles expriment à la fois la représentation mentale que l’élève se fait d’une notion ou d’une action et un obstacle à repérer avant de le dépasser.

Gaston Bachelard (philosophe des sciences) disait :

“On connaît contre une connaissance antérieure, en détruisant les connaissances mal faites, en surmontant ce qui ,dans l’esprit même, fait obstacle”.

Stanislas Dehaene ajoute que l’apprentissage se déclenche lorsqu’un signal d’erreur montre que la prédiction générée par notre cerveau n’est pas parfaite. Il ne peut pas exister d’apprentissage quand tout est parfaitement prévisible.

Les neurosciences démontrent donc que :

  • L’erreur ou l’incertitude sont normales – elles sont même indispensables.
  • Les punitions face aux erreurs ne font qu’augmenter la peur, le stress, et le sentiment d’impuissance inutilement. Les punitions sont néfastes aux apprentissages.
  • La motivation positive et les encouragements stimulent l’apprentissage. Les meilleurs encouragements résident dans le regard des autres et la conscience de progresser, ils ne sont pas synonymes de récompenses.

4. La consolidation

L’automatisation des connaissances est essentielle. L’automatisation est le fait de passer d’un traitement conscient, avec effort à un traitement automatisé, inconscient.

Lors d’un nouvel apprentissage, notre cerveau a recours à un traitement explicite, c’est-à-dire une situation, ou plutôt un stade où le cortex préfrontal est fortement mobilisé par l’attention. Pour en savoir plus sur le cortex préfrontal et le fonctionnement du cerveau, je vous invite à lire mon article La modélisation du cerveau dans la main.

Le point culminant d’un apprentissage est le” transfert de l’explicite vers l’implicite” : c’est l’automatisation des connaissances et procédures. Cette automatisation passe par la répétition et l’entrainement. Elle permet de libérer de l’espace dans le cortex préfrontal afin d’absorber de nouveaux apprentissages.

Il est essentiel de répéter une connaissance nouvellement acquise :

    • pour mémoriser une information, notre cerveau a besoin de trois passages au minimum,
    • pour intégrer une nouvelle habitude, il a besoin de 21 jours.

Stanislas Dehaene insiste sur le rôle joué par le sommeil dans cette phase de répétition et de consolidation. Il affirme qu’après une période d’apprentissage, une période de sommeil, même courte, améliore

  • la mémoire
  • la généralisation
  • la découverte de régularités

L’amélioration du sommeil peut être une intervention très efficace pour remédier à des troubles de l’apprentissage. Plus de détail dans cet article : Questions que vous vous posez peut-être sur le sommeil de votre enfant.

Il est nécessaire de distribuer l’apprentissage : tous les jours !

Si vous vous intéressez aux neurosciences dans les apprentissages, je vous propose de compléter avec la lecture des articles suivants :

Mieux connaître le cerveau pour mieux enseigner (1/5) – dernières découvertes en neuroéducation

Mieux comprendre le cerveau pour mieux enseigner (2/5) – la neuroplasticité

Mieux comprendre le cerveau pour mieux enseigner (3/5) – l’apprentissage de la lecture vue par les neurosciences

Mieux connaître le cerveau pour mieux enseigner (4/5) – inhibition cérébrale et apprentissage des matières scientifiques

Mieux connaître le cerveau pour mieux enseigner (5/5) – 5 neuromythes invalidés


 

Source : Les grands principes de l’apprentissage par Stanislas Dehaene