Les enfants et les écrans : quelles règles pour quels objectifs ? comment les apprivoiser pour en faire bon usage ?

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Les écrans, une définition ?

Sous le terme d’écran, on retrouve des éléments très différents, à la fois dans leurs usages et leurs objectifs (télé, ordinateurs, cinéma, tablette, jeux vidéos…).

La télé est d’une utilisation relativement passive.

Internet peut être plus interactif : il sert à communiquer, apprendre, partager.

Les jeux vidéos sont très différents les uns des autres malgré une appellation commune : à quel type de jeux l’enfant joue-t-il : des jeux de rôle, des jeux en réseau, des jeux de combat, des jeux de tir, de stratégie, des jeux à plusieurs… (Minecraft n’a pas les mêmes objectifs que Call of Duty…) ?

 

Prendre en compte l’âge de enfants

Jusqu’à ce que les enfants aient 8 ans (voire plus tard, jusqu’à 10 ans), presque aucun jeu ni aucune émission télé ne peut rivaliser avec un partie de 7 famille ou un jeu de société adapté à leur âge. Une sortie en famille, une balade en forêt, un tour au parc sont les activités préférées des jeunes enfants car ce qu’ils aiment par dessus tout est passer du temps avec leurs parents et d’avoir leur attention.

Avez-vous envie de jouer avec eux ? Ou est-ce que vous avez envie d’un moment de répit ? Catherine Dumonteil-Kremer, coach parentale et auteure de Une nouvelle autorité sans punition ni fessée, écrit que nous devons cesser de culpabiliser si nous n’avons pas envie de sortir : à partir du moment où la consommation d’écran reste raisonnable, le fait qu’un enfant regarde un dessin animé ou une série pendant que nous prenons un peu de repos n’a aucune raison d’entrainer des addictions aux écrans.

 

Des points d’appui pour bien gérer les écrans en famille

  • Informons-nous sur les effets des écrans

Serge Tisseron, psychiatre et psychanalyste, a imaginé en 2007 les repères « 3-6-9-12, pour apprivoiser les écrans ».

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des-ecrans-adaptes-a-chaque-age Source : www.editions-eres.com

Ces recommandations sont toutefois critiquées pour leur manque de fondement scientifique. Elles ne sont donc pas à prendre au pied de la lettre. Ce qui est utile à savoir en revanche est que les enfants ne se développent pas sans la présence d’un autre être humain et qu’un écran ne peut pas se substituer à un humain. Le développement du cerveau d’un nourrisson se fait par des interactions avec d’autres humains. Tous les temps qui ne sont pas passés en interactions directes (parce que l’enfant est devant un écran… ou ailleurs ou parce que les parents sont devant un écran… ou ailleurs)est du temps “improductifs” en termes de développement relationnel et émotionnel

Laisser un jeune enfant seul pendant des heures devant la télé est aussi négligent que de le laisser seul des heures dans son lit.

Une vidéo de PsykoCouac pour aller plus loin : Les écrans, c’est méchant?

  • Intéressons-nous !

Nous pouvons regarder avec nos enfants ce qu’ils aiment regarder et partager leurs jeux (faire des parties avec eux par exemple), leur poser des questions sans en faire un interrogatoire ou une leçon de morale, pour le simple plaisir de partager et d’apprendre (qu’est-ce qui te plait dans ce jet/ cette émission ? pourquoi tu préfères cette série à cette autre ? qui est ton personnage préféré ? quel niveau as-tu atteint ? est-ce que c’est difficile ?…). Cela permettra de parler ensemble et d’avoir un vécu commun dans des domaines qu’ils affectionnent.

Plus les parents inviteront le jeune à parler de ce qu’il expérimente et éprouve lorsqu’il joue, plus ce dernier pourra garder ses distances avec ce qu’il vit dans le jeu vidéo. Mais pour poser les bonnes questions sur ce que le jeune vit, sur les émotions qu’il éprouve en jouant, les parents doivent s’intéresser aux jeux préférés de leur enfant. Se renseigner sur un jeu en cours peut déjà être l’occasion d’un échange, d’un partage autour du centre d’intérêt du jeune, d’une « reconnexion » entre enfants et parents.

Le rappel des règles du bien vivre ensemble, de respect de soi-même et des autres préviendra le passage à l’acte violent dans la « vraie vie ». Ce rappel passe par l’exemplarité des adultes au quotidien : les enfants retiennent mieux nos faits et gestes que nos longs discours parentaux !

 

  • Laissons à l’enfant le temps de se réguler

Pour connaître un jeu, les enfants ont besoin de s’immerger dans son processus : cela ne signifie pas nécessairement qu’ils sont “accros”.

Dernièrement, ma fille m’a demandé de télécharger le jeu “Tom le chat” sur mon téléphone car elle y avait joué chez son père. J’ai accepté et elle y a beaucoup joué pendant une semaine (le matin, le midi et en fin d’après midi). Je l’ai laissée faire en nous mettant d’accord sur le temps accordé au jeu signalé par une minuterie (de 10 à 30 minutes selon le jour et l’heure de la journée). Je n’ai pas voulu la limiter pour ne pas créer de compulsion ou d’envie de braver l’interdit. Cela fait maintenant 5 jours qu’elle n’y a pas touché et qu’elle en a même oublié l’existence…

 

  • Réfléchissons au contenu avant de limiter

Je repense à un enfant avec lequel je travaillais et qui passait beaucoup de temps sur la tablette à jouer à un jeu de guerre. J’avais un a priori négatif car cela me semblait violent… et je me suis rendue compte qu’il a appris le nombre jusqu’à 1 000 à travers ce jeu car il collectait des pièces et devait compter s’il en avait assez pour pouvoir s’acheter des équipements supplémentaires. Une belle démonstration des apprentissages autonomes !

 

  • Proposons un environnement riche et stimulant pour que les écrans ne deviennent pas une habitude en cas d’ennui

Plus un enfant a des opportunités de jouer et de trouver un environnement riche à sa disposition, moins il aura besoin de se “rabattre” sur les écrans. Cela ne signifie pas forcément avoir des jouets à profusion mais proposer des activités, des jeux, des jouets, des déguisements, des outils créatifs à portée de main et qui plaisent aux goûts de l’enfant, cela signifie également être prêts à jouer avec lui.

Deux principes fondamentaux pour limiter l’attrait des jeux vidéos et écrans en tout genre :

  • « pouvoir personnel » :
    • redonner du pouvoir et un sentiment de compétence, d’utilité aux enfants,
    • les laisser expérimenter dans la « vraie vie » (se servir d’un marteau, d’un râteau, jardiner, bricoler, leur apprendre à manier des allumettes ou faire du feu avec une loupe sans danger…),
    • les aider à créer quelque chose de leurs propres mains (construire un petit meuble, coudre un vêtement…) pour qu’ils se sentent puissants, créateurs.
  • « attachement » : se rendre disponible pour des jeux attrayants en famille… pas forcément les dames ou les petits chevaux mais des jeux qui :
    • mobilisent parents et enfants ensemble,
    • demandent de la réflexion et de l’imagination,
    • incitent à élaborer des stratégies,
    • font sortir à l’extérieur comme construire une cabane ensemble.

 

  • Observons comment le comportement de l’enfant évolue après une séance de jeu

Si un enfant est particulièrement agité, nous pouvons lui proposer une autre forme de jeu vidéo. S’il a tendance à s’isoler, nous pouvons rester à côté de lui pendant qu’il joue, un peu comme un joueur intéressé. S’il accepte, on pourra en profiter pour poser des questions, commenter ses actions.

 

  • Faisons le point sur notre propre consommation

On ne le répétera jamais assez : les enfants apprennent par l’exemple. Quel message envoyons-nous quand nous sommes sans cesse en train de vérifier notre smpartphone par exemple ?

 

  • Impliquons les enfants dans l’établissement des règles

L’imposition d’une limite aux jeux vidéo ne sera réellement efficace que si elle est mise en place avec l’accord de l’enfant ou de l’adolescent. Il est par exemple possible de discuter avec lui de la plage horaire pendant laquelle il a le droit de jouer : à quel moment ? combien de temps ? sous quelle condition ? Si les règles sont mises en place de façon unilatérale par les parents, elles s’apparentent à une punition et à une preuve de manque de confiance. Les parents s’exposent alors de nouveau aux fameux 4 R de la punition.

Votre enfant est intelligent ! Si vous lui expliquez les risques d’un excès de jeux vidéo tout en le sollicitant pour qu’il puisse trouver AVEC vous des solutions d’auto régulation (par exemple lors d’un temps d’échange en famille), vous devriez réussir à limiter les frictions au moment du fatidique : « éteins la console s’il te plait ! ».

 

Un risque d’addiction des enfants aux écrans ?

Catherine Dumonteil-Kremer écrit que quand une addiction se met en place, c’est rarement le produit utilisé qui en est la cause mais plutôt une souffrance que l’on veut éviter de ressentir.

Une étude de 2009 (Przybylsk) a montré que les enfants qui ont des opportunités de jouer à la fois sur écran et dehors vont la plupart du temps choisir un équilibre entre les deux. Les enfants qui restent scotchés devant leur écran apparaissent être ceux qui ont peu d’opportunités de jouer dehors et/ou de manière libre et autonome par ailleurs.

Les jeux vidéo sont efficaces pour oublier les peines de cœur, les mauvaises notes, les disputes avec les parents, les incertitudes face à l’avenir. Dans cet article, Serge Tisseron affirme :

Les jeux vidéo peuvent offrir à l’adolescent l’opportunité de ne plus penser à ses problèmes pendant un moment, de les mettre entre parenthèses.

Les jeux vidéo sollicitent l’attention et la concentration de manière très forte car ils sont fondés sur une interaction permanente qui ne supporte pas le vagabondage de la pensée.

Le psychiatre prévient :

Les avantages ne seront au rendez-vous que si le temps passé par un jeune à jouer reste modéré : entre 5 et 10 heures par semaine maximum.

Les jeux vidéo ne doivent pas empiéter sur les autres activités essentielles de l’enfance et de l’adolescence, comme la pratique d’un sport ou la fréquentation d’amis.

Le risque d’addiction aux jeux vidéos apparaît quand l’environnement par ailleurs est pauvre (pauvre en affection, en chaleur humaine, en attention de la part d’adultes bienveillants, en opportunités d’exercer la créativité, l’autonomie, le pouvoir personnel et les compétences… autrement dit pauvre en opportunités de jeux libres et en lien affectif).

Serge Tisseron ajoute :

Un adolescent n’a pas toujours intérêt à fuir ses problèmes. Il doit aussi accepter d’y penser, les affronter. C’est la seule voie pour envisager des solutions et réussir à les surmonter.

Les adolescents doivent aussi apprendre à garder une distance nécessaire avec les jeux de simulation et de prises de risque : on ne conduit pas un scooter sur la route comme sur la console !

Quant au procès fait aux jeux vidéo concernant l’exacerbation de la violence, Serge Tisseron affirme que « le risque de passage à l’acte existe mais il est largement atténué par un environnement protecteur. » L’implication des parents et la transmission de règles éducatives saines est donc primordiale.

Enfin, l’auteur de la règle 3-6-9-12 précise que les jeunes ne pourront bénéficier des effets bénéfiques des jeux vidéo que s’ils sont capables de prendre des décisions et des initiatives dans le jeu sans se laisser porter ou dominer par la console.

Le jeu vidéo ne sera bénéfique que si le jeune est capable de créativité et de se raconter sa propre histoire dans le jeu.

Or cette double capacité ne s’acquière que grâce à la lecture dès le plus jeune âge : lecture et jeux vidéo sont donc liés !

 

Si un enfant “colmate” une brèche ou s’isole avec son écran pour éviter de ressentir une blessure, l’intervention d’un professionnel peut aider à comprendre dans quel processus il se trouve.

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Sources :