Les enfants “pleurnicheurs” : que nous disent-ils ?

enfants pleurnicheurs

Il est possible de percevoir les “pleurnicheries” autrement. Les actions des êtres humains sont toujours l’expression de besoins. Pleurnicher peut donc être la manifestation de l’impuissance d’un enfant à obtenir quelque chose, la manifestation de son besoin d’autonomie, de reconnaissance, d’importance, de contribution, de pouvoir personnel.

L’adulte est toujours responsable de la qualité de l’interaction adulte/ enfant

Jesper Juul dit justement que les adultes sont toujours responsables de la qualité de la relation entres adultes et enfants.

Pour Jesper Juul, quand un enfant commence à se comporter de façon autodestructrice (faible estime de soi, retrait, douleur infligée à soi-même) ou destructrice (rébellion, vengeance, revanche), on peut être sûr de trois choses :

  1. ce n’est pas le premier de la famille qui agit de façon destructrice ou autodestructrice. Ce sont toujours les adultes qui commencent,
  2. les adultes de la famille ne sont pas en règle générale eux-même conscients de leur conduite destructrice/autodestructrice,
  3. sa conduite destructrice/autodestructrice s’est développée pendant plusieurs mois/ années. Même si on peut peut-être discerner un événement précis de sa vie qui s’est produit récemment, il n’a le plus souvent fait que révéler cette conduite.

Nous devons donc développer une éthique dans les rapports avec les enfants, où nous aurons les yeux et les oreilles en alerte par rapport aux bévues que nous commettrons inexorablement et nous devons ouvertement en assumer la responsabilité. Seule cette pratique éthique rendre les enfants libres de se développer à nouveau sainement. L’aide est là : les messages compétents des enfants qui nous ramènent là où nous-mêmes nous nous sommes arrêtés.

Les besoins fondamentaux des enfants

Les enfants “pleurnichent” souvent quand ils s’attendent à ce que leurs demandes soient rejetées ou ignorées. Un enfant “pleurnicheur” est souvent habitué à devoir demander certaines choses qu’il pourrait ou voudrait faire seul et à recevoir une réponse négative à cette demande qui traduit pourtant un besoin fondamental d’autonomie et de croissance. Les enfants humains viennent au monde avec un besoin de croissance : ils veulent trouver dans leur environnement des choses qui les feront grandir, qui les rendront autonomes.

L’enfant a également besoin de participer, de contribuer et de se sentir utile au bon fonctionnement du monde (sa famille, son groupe d’amis, sa classe…), de prendre part à la vie sociale. Il a besoin de faire avec mais aussi de faire seul. Les enfants ont besoin de se sentir à la hauteur, de sentir que leur contribution personnelle a de l’importance, que leur présence est désirée et utile.

Les méfaits de l’étiquette “pleurnicheur”

Par ailleurs, les étiquettes du type “pleurnicheur” posé sur un enfant va avoir tendance à renforcer ce comportement chez lui.

Quand on pose des étiquettes sur les enfants plutôt que les aider à prendre conscience des conséquences de leurs actes, ils retiennent les propos et les émotions négatives sans développer leur sens de la responsabilité individuelle.

Les étiquettes ont un pouvoir anticipatoire : c’est le principe des prophéties autoréalisatrices. A force de dire à un enfant qu’il est paresseux, qu’il est têtu, qu’il est un pleurnicheur, il finira par l’intégrer comme un trait de sa personnalité et deviendra effectivement un monstre, un paresseux, un pleurnicheur.

Les étiquettes sont une forme de classification qui limite un enfant dans une catégorie déterminée. Les étiquettes ont un effet limitant et contraignant. Elles forcent les enfants à se définir par ce qu’ils ne sont pas et par ce qui leur manque, au lieu de se connaître pour ce qu’ils sont.

Comprendre et accompagner les enfants dits “pleurnicheurs”

Il est possible de ressentir un élan de compassion pour un enfant dit “pleurnicheur” en comprenant les émotions et les besoins qui l’animent. Les “pleurnicheries” ne sont souvent qu’une façon d’essayer de se faire pleinement entendre et de se rebeller contre un manque de confiance et de respect pour son besoin d’autonomie.

Une fois cette prise de conscience passé, il est possible de construire une relation parent/ enfant basée sur plus de confiance et de respect pour le besoin d’autonomie des enfants.

Cela peut passer par :

  • un aménagement de l’environnement familial (ex : mettre des patères à hauteur de l’enfant pour qu’il puisse ranger et attraper ses vêtements lui même; installer un miroir à hauteur de l’enfant dans la salle de bain; laisser le matériel de coloriage à disposition pour que l’enfant n’ait pas besoin de demander aux parents chaque fois qu’il veut entreprendre une activité…);
  • la contribution à la vie de famille pour envoyer le message à l’enfant que sa contribution compte et que son aide, sa présence sont désirées, appréciées (à travers un temps d’échange en famille par exemple au cours duquel chacun peut exprimer ses besoins dans l’objectif de trouver une solution gagnant/ gagnant);
  • des activités partagées ensemble avec plaisir que l’enfant aura choisies;
  • un lâcher prise dans les actes du quotidien (ex : laisser l’enfant se servir à boire en prenant le “risque” qu’il renverse de l’eau sur la table et se servir de cette occasion pour l’inviter à éponger; laisser les enfants choisir seuls leurs habits au risque qu’ils soient dépareillés; laisser les enfants s’habiller seuls en s’organisant de manière à ne pas être en retard le matin…);
  • des jeux qui renforcent le pouvoir personnel (ex : les jeux de chahut, le karaté chaussette au cours duquel parents et enfants doivent enlever les chaussettes de l’autre tout en gardant les leurs…);
  • un respect des sensations propres aux enfants (manger selon sa satiété propre et non imposée; dormir quand il a sommeil; ni trop, ni trop peu de stimulations sensorielles qui risquent de ne pas nourrir son envie d’apprendre et de croître en cas de sous stimulation ou, au contraire, de stresser son organisme qui n’est pas adapté à une surstimulation auditive ou visuelle, comme dans les supermarchés par exemple);
  • une communication bienveillante à base de messages Je (pour exprimer les émotions et besoins des parents quand ils ont un problème), d’écoute active (pour reconnaître et accueillir les émotions de l’enfant quand c’est lui qui a un problème) et de résolution de problème (pour trouver une solution satisfaisant tout le monde). L’avantage de la communication bienveillante est double : créer du lien avec les enfants pour éteindre les comportements inappropriés et montrer l’exemple de la formulation de demandes dans un langage de responsabilité individuelle que les enfants reprendront à leur compte petit à petit;
  • la gratitude : remarquer quand l’enfant a formulé une demande agréable (ex : “c’est agréable quand tu…”, “merci d’avoir….”, “ça me rend la vie plus belle quand…” ,”j’ai ressenti de la joie quand tu as…”).

En résumé, on le comprend bien : envisager un enfant comme un “pleurnicheur” n’est pas aidant. Il est plus constructif et profitable de raisonner en termes de besoins des enfants plutôt que de poser des étiquettes dévalorisantes qui mettent l’accent sur les comportements inappropriés.