8 leviers pour l’éducation émotionnelle et sociale des enfants

leviers éducation émotionnelle et sociale enfants

L’intelligence émotionnelle ne s’enseigne pas. On facilite les apprentissages. – Michel Claeys-Bouuaert

Pour Michel Claeys-Bouuaert, thérapeute et formateur spécialiste de l’éducation émotionnelle, il existe plusieurs facteurs qui facilitent l’apprentissage de compétences émotionnelles et sociales chez les enfants et les adolescents.

1.Des personnes encadrantes qui offrent la démonstration des compétences désirées chez les enfants

C’est le principe de la contagion affective. L’exemple donné favorisera, comme un miroir, le retour à soi-même, le désir de faire pareil et le développement de compétences similaires. Un modèle positif aura de meilleurs effets qu’un discours, quelque pertinent soit-il. – Michel Claeys-Bouuaert

Ainsi, on comprend l’importance des efforts de développement personnel et de formation des personnes au contact des enfants afin que ces dernières offrent des modèles positifs aux enfants. Cette posture ne consiste pas à être calme en toute circonstance ni à ne jamais dire non mais à apprendre à exprimer des limites personnelles, à raisonner en termes d’émotions et de besoins (les siennes et ceux de autres), à s’excuser, à faire preuve d’empathie mais aussi d’auto empathie pour prendre soin de soi-même.

 

2.L’équilibre entre fermeté et bienveillance

Michel Claeys-Bouuaert rappelle qu’amour et acceptation ne signifient pas laxisme et permissivité. Il est tout à fait possible de concilier fermeté et bienveillance, cadre et empathie.

Il est ainsi possible d’aiguiller les enfants vers la recherche de solutions et les réparations plutôt que sur les punitions, de guider plutôt que critiquer, d’impliquer les enfants dans l’élaboration des règles, de rappeler le cadre dans un langage positif (ce qui est attendu plutôt que ce qui est interdit), d’apprendre aux enfants la différence entre colère et violence en leur fournissant des outils pour apprivoiser et exprimer leurs émotions, de développer le sens de la responsabilité individuelle des enfants, de passer par des jeux de rôle pour développer leur empathie.

Des ressources pour aller plus loin :

Fermeté et bienveillance sont compatibles : la preuve !

30 propositions pour poser des limites aux enfants tout en les respectant

 

3.Un espace temps propice à l’ici et maintenant

Thomas d’Ansembourg estime qu’un des premiers enjeux de la non violence est de pacifier notre rapport au temps, notamment avec les enfants. Les enfants ne s’appellent pas “Dépêche toi !”.

Thomas d’Ansembourg nous invite à remplacer des injonctions du type « vite » ou « dépêche-toi ! » par des démonstrations d’amour :

J’ai du plaisir à marcher avec toi à ton rythme, ça me fait du bien.

Je te regarde avec plaisir monter les escaliers parce que c’est ta façon d’être qui me touche et parce que je t’aime.

J’ai encore du travail après mais je prends ce temps de pause avec toi et je le fais parce que ça me plait.

Michel Claeys-Bouuaert ajoute qu’il est essentiel d’apprendre aux enfants à relâcher le mental pour accueillir ce qui est ici et maintenant. La maîtrise du mental est donc une autre condition essentielle dans le développement de l’intelligence émotionnelle.  Michel Claeys-Bouuaert insiste sur l’importance de la pratique d’exercices corporels avec les enfants :

Le fait de cultiver les capacités de discrimination auditive et visuelle permet non seulement aux enfants de mieux fixer leur attention sur l’ici et maintenant en se fixant sur les sons ou les images qu’ils perçoivent avec leurs sens mais leur permet également d’aiguiser leur capacité à différencier faits et pensées.

Ce thème relève de la présence à soi-même. La pratique du silence, de l’écoute intérieure (ce qu se passe en soi, ce que le corps a à dire, le “sens corporel“), de la relaxation, de la respiration consciente sont des puissants facteurs de “recentrage”, d’ancrage et de connexion avec le meilleur de soi-même. Aux stades plus avancés de l’éducation émotionnelle, le travail intérieur pourra comporter l’identification des différents espaces intérieurs, des espaces blessés, vulnérables aux espaces ressources.

4.Le fait de cultiver les ressources internes

Pour Michel Claeys-Bouuaert, c’est le degré de connexion d’une personne à ses ressources profondes qui témoigne de son degré d’intelligence émotionnelle. Plus l’ancrage dans cet espace ressource est solide, plus les qualités essentielles de la personne se manifestent.

Il est donc important d’aider les enfants à identifier leurs talents, leur potentiel, leurs qualités et de les inciter à reconnaître les qualités et le potentiel des autres. Pour citer Albert Jacquard, rappelons qu’il n’existe pas de hiérarchie, seulement des différences.

Plus les enfants seront conscients de leurs ressources internes, de leur capacité à mobiliser leurs compétences pour agir, plus ils deviendront émotionnellement forts et sains. Il revient aux adultes de valoriser les qualités et talents des enfants tout en cultivant un état d’esprit d’acceptation des différences, de complémentarité, de solidarité et de coopération.

Des ressources pour les enfants :

Mon cahier positif d’estime de moi même : 14 activités pour mieux me connaître et m’aimer (enfants)

Mes étoiles intérieures : une activité pour renforcer la confiance en soi des enfants

5.L’apprentissage de la frustration

Apprendre à gérer la frustration a des impacts positifs sur la réussite et le bien-être des enfants… mais pas à n’importe quel prix : la manière de faire (le processus) importe plus que le contenu. Il ne s’agit pas d’enseigner la gestion de la frustration en frustrant les enfants (en créant par exemple des frustrations inutiles) mais d’avoir en tête les étapes de développement des enfants pour adapter nos attentes :

  • la tolérance à la frustration s’acquière dans le temps (avant l’âge de 4 ans, les enfants sont presque tous incapables de différer leurs désirs et de tolérer la frustration car résister à la tentation nécessite que la zone préfrontale du cerveau soit mature);
  • la qualité de l’attachement est importante (plus les enfants ont confiance dans les adultes en général, plus ils sont capables de tolérer la frustration);
  • le fait de fournir aux enfants une stratégie de gestion de la frustration permet à la plupart des enfants d’attendre plus longtemps et »muscle » leur cerveau (si on n’enseigne rien aux enfants, ils sont presque incapable de gérer leur frustration avant 4 ans et il est en revanche toujours possible d’enseigner aux enfants quel que soit leur âge à supporter la frustration).

Ainsi, il est possible d’avoir recours à :

  • l’écoute active et empathique pour reconnaître les envies des enfants sans les leur accorder,
  • l’imaginaire pour accorder des choses dans l’imagination (il s’agit d’une façon de dire non sans faire mal et c’est moins blessant si on accueille au moins les désirs de l’enfant),
  • la liste de Noël ou d’anniversaire (noter sur un petit carnet ce qui fait envie aux enfants et qui pourra être offert à l’occasion de Noël ou de l’anniversaire).

Par ailleurs, certaines envies ne sont peut-être pas la marque d’envies passagères mais peuvent être le symptôme d’un besoin plus fondamental non satisfait. Cela relève de la responsabilité des adultes de bien écouter quand les enfants disent ce dont ils ont envie et ce dont ils n’ont pas envie.

Il n’y a pas beaucoup de psychologie dans le fait de vouloir une glace ou une poupée Barbie en plus. C’est tout à fait normal. Mais quand l’enfant commence à nous tracasser et que cela crée sans cesse des conflits, ce ne sont alors ni une glace ni une poupée qui lui manquent. C’est autre chose, et c’est la responsabilité des parents de trouver ce que c’est. – Jesper Juul

 

6.L’activation des leviers de motivation intrinsèques

Michel Claeys-Bouuaert rappelle que celles et ceux qui ont la tâche et l’intention d’élever les enfants doivent assurer un climat favorable à la motivation intrinsèque (celle qui vient de l’intérieur).

On connaît les leviers de la motivation : ils se rapportent au plaisir, à l’autonomie, à la relation affective, au climat positif. Accorder des choix, par exemple, fonctionne bien mieux que la contrainte. Mais pour cela, il faut pouvoir responsabiliser, faire confiance, inviter positivement à se positionner, à clarifier ses désirs, ses besoins, ses objectifs. – Michel Claeys-Bouuaert

L’éducation émotionnelle et sociale exclut les punitions mais également les récompenses et accorde beaucoup d’importance à l’organisation de l’espace et du quotidien pour faciliter la coopération et l’autonomie des enfants.

es enfants font les choses parce qu’elles importent, parce qu’ils les aiment, parce qu’elles sont intéressantes, parce qu’elles font partie de quelque chose d’important. Les enfants sont motivés par des besoins, tout comme les adultes : le besoin d’appartenir et de se sentir utile principalement.

Un système de motivation efficace serait basé sur trois éléments :

  • L’autonomie : j’ai de la maîtrise sur ma propre vie,
  • L’appartenance : j’ai ma place dans cette famille,
  • L’utilité : ma contribution compte dans cette famille.

En effet, l’autonomie produit de meilleurs résultats que l’obéissance :-). Pour encourager l’autonomie, on peut

  • proposer de choix à  l’enfant,
  • lui montrer qu’on respecte ses efforts,
  • le laisser répondre à des questions sans lui souffler la réponse (et toi, qu’est-ce que tu en penses ?),
  • ne pas supprimer l’espoir,
  • lui donner des responsabilités à hauteur de son âge,
  • lui montrer qu’on a confiance : le moment viendra quand il sera prêt et il a le droit de ne pas encore savoir, de se tromper,
  • l’aider à mettre de l’ordre dans ses idées (« tu sembles éprouver plusieurs sentiments contradictoires », « tu semble vouloir faire plusieurs choses en même temps et tu n’arrives pas à te décider »),
  • réfléchir à des personnes ressources qui peuvent être sollicitées selon les besoins,
  • développer le sentiment de contrôle (exemples : auto correction, problèmes sous forme de défis et jeux comme avec un sablier…),
  • mettre en place des moyens de mesurer les progrès (valoriser les progrès, quel que soit le point de départ et encourager les efforts pour aller plus loin),
  • fournir des retours d’expérience et des signes de reconnaissances positifs, correctement dosés, fréquents, clairs et positifs en reformulant les émotions de l’enfant + en proposant des moyens pour l’enfant de progresser, d’identifier ses erreurs, des les auto corriger, de trouver des ressources aidantes…

7.L’autorisation des expériences, des échecs et des erreurs

Il faut tomber pour apprendre à se relever. Il faut faire des erreurs pour découvrir la bonne manière de faire. L’expérience est donc un facteur fondamental pour tout apprentissage. – Michel Claeys-Bouuaert

Michel Claeys-Bouuaert insiste beaucoup sur le droit à l’erreur et les occasions données aux enfants de faire par eux-mêmes. La confiance est en effet l’une des plus belles preuves d’amour.

Apprendre, c’est comprendre pourquoi on se trompe. C’est seulement quand l’erreur est acceptée des deux côtés (enfants et adultes) que tout devient possible : réflexion, apprentissage, progression, création, innovation, invention !

Il incombe donc aux adultes de dédramatiser l’erreur, de faire comprendre que l’erreur fait partie du processus d’apprentissage : c’est parce que je me trompe que je suis en train d’apprendre ! Une fois que l’enfant a compris qu’il faut pouvoir se tromper pour apprendre, il pourra donner un rôle positif à l’erreur sans la craindre.

Dans cette approche, l’adulte s’intéressera plus à faire expliciter  par l’enfant ce qu’il a voulu faire, plutôt qu’à ce qu’il a mal fait ou pas fait. L’adulte pourra ainsi tenter d’identifier les connaissances sur lesquelles s’appuie le raisonnement de l’enfant et en déterminer les origines possibles.

Il est possible d’utiliser les erreurs comme leviers de progression dans les apprentissages (qu’ils soient formels/ scolaires ou dans tout autre type d’apprentissage).

Pour aller plus loin :

Éloge de l’erreur : apprendre, c’est comprendre pourquoi on se trompe !

35 phrases puissantes à partager avec les enfants pour dépasser la peur de l’échec et de l’erreur

 

8.La mise en contact avec le beau et la capacité à s’émerveiller

C’est un facteur qui a son importance : le beau inspire. Le beau émeut. Mettez-vous devant une oeuvre qui vous touche : vous voilà relié à une émotion positive. Observez un paysage magnifique, un ciel “à couper le souffle” : vous voilà dans une respiration différente. Vous touchez, dans le présent, quelque chose en vous qui s’émerveille… – Michel Claeys-Bouuaert

L’expérience émotionnelle d’admiration et d’émerveillement sublime l’ordinaire en extraordinaire et rend la vie plus savoureuse, pleine de ces micros moments de bonheur. Cette expérience émotionnelle repose sur l’aptitude à trouver, à reconnaître et à prendre plaisir à s’émerveiller face à toute forme de beauté et face à ce qui touche la sensibilité.

On peut alors porter une attention particulière à l’aménagement et la décoration de l’espace intérieur pour intégrer des touches d’éléments naturels, des œuvres d’art, des espaces lumineux, des éléments inspirants. On peut également stimuler l’appréciation des petites choses et la capacité à s’émerveiller. Voici quelques idées :

  • Présenter son visage au soleil avant d’entrer dans un endroit
  • Exploiter au maximum les 5 sens : sentir les fleurs, toucher des matières, écouter et distinguer les bruits de la rue, regarder les étoiles ou les nuages…
  • Observer des nuées d’oiseaux dans le ciel
  • Sortir marcher et apprécier le vent sur la peau, dans les cheveux
  • Faire des dégustations d’aliments inconnus, savourer en pleine conscience chacun d’entre eux
  • Admirer des photos : d’animaux, de paysages, de traditions, de personnes, de monuments… et s’émerveiller devant les beautés de la nature et de la culture
  • S’émerveiller du dépassement de soi d’autrui et de ses prouesses
  • Visionner des vidéos des plus beaux paysages du monde, des séquences sportives dans lesquelles les joueurs excellent, des musiques jouées par des virtuoses…
  • Découvrir une oeuvre d’art par jour (par exemple, grâce à ARTIPS), aller au musée et explorer les émotions ressenties
  • Lire des contes et des textes inspirants.
  • S’émerveiller face à chacune des petites beautés que l’on vit, savourer ce qu’il y a de plus banal dans le quotidien.
  • Créer nous-mêmes quelque chose qui nous plaît, dans une recherche esthétique.

………………………..

Source : Le défi émotionnel : Nouveau projet pédagogique de Michel Claeys-Bouuaert (éditions Le Souffle d’Or). Disponible en médiathèque, en librairie ou sur internet.

Commander Le défi émotionnel : Nouveau projet pédagogique sur Amazon ou sur Decitre.