L’histoire de la petite fille qui avait été punie par la maîtresse

L'histoire de la petite fille qui avait été punie par la maîtresse

Ma fille a 5 ans, elle est en grande section. Elle a une maîtresse qui a la punition (et les cris…) facile.

Hier midi, j’ai bien senti que quelque chose n’allait pas. Elle a commencé à grogner dès que je l’ai récupérée et à systématiquement dire non à tout ce que je lui proposais. Une fois arrivée à la maison, elle s’est mise en furie parce qu’elle n’arrivait pas à ouvrir la porte d’entrée.

J’ai eu recours à l’écoute empathique et à la proposition de choix pour l’aider : “Je sais que la porte peut être difficile à ouvrir, il faut beaucoup de force même pour un adulte. Est-ce que tu préfères que je t’aide ou que j’ouvre la porte à ta place ?” Finalement, elle a accepté mon aide mais la scène a duré un certain temps comme ça. Elle s’est énervée pour enlever son manteau, n’a pas voulu m’aider à mettre la table, s’est cachée sous la table au moment de manger.

Je savais que quelque chose avait dû mal se passer à l’école et que, tant qu’elle ne l’aurait pas sorti, elle continuerait en ce sens. J’ai conservé mon calme en gardant en tête qu’elle ne faisait pas du cinéma, qu’elle avait quelque chose à me dire et que c’était le seul moyen qu’elle avait trouvé pour me le communiquer.

J’ai persisté dans l’écoute active :

“Je vois bien que quelque chose ne va pas. Tu es fâchée et tu as l’air contrarié. Qu’est-ce qui s’est passé à l’école pour te mettre dans cet état ? Tu veux m’en parler ? Comment je peux t’aider ?”

Je n’ai eu que grognements et “arrête de me parler !” en réponse. Je me suis donc installée pour manger en ne la forçant pas mais en lui montrant bien que là, c’était l’heure de manger, que j’étais disponible pour elle et en ajoutant sur un ton calme mais ferme :

“Tu as le droit d’être contrariée mais tu n’as pas le droit de me parler mal ou de me crier dessus.”

Elle est partie d’elle même s’isoler un moment dans sa chambre puis est revenue quelques temps après. J’en étais au dessert. Elle est venue s’asseoir à côté de moi et je l’ai accueillie avec un sourire (j’ai failli ajouter : “ça va mieux maintenant ?” mais je me suis retenue car elle aurait pu prendre ça comme un reproche).

Elle a commencé à manger et j’ai changé de sujet. On a parlé de sa cousine, de Noël et de son anniversaire prochain.

Avant de manger son dessert, elle m’a pris la main et a commencé à me faire des caresses. J’ai pris ça pour un “appel” de contact (qu’elle avait repoussé avant) et je l’ai donc caressée en retour. Elle a ensuite fini de manger puis, au moment de sortir de table, elle est venue se blottir dans mes bras. On a fait un super gros câlin et je lui ai dit que je l’aimais.

C’est là qu’elle m’a sorti : “Je ne veux pas retourner à l’école.”

C’était l’occasion pour moi de découvrir ce qui s’était passé dans la matinée.

“Ah non, tu ne veux pas y aller cet après-midi ?”

“Non, plus jamais !”

“Tu n’aimes pas l’école  ?”

“Non, c’est nul !”

“Ah oui ? Tout est nul à l’école ?”

“Oui, tout !” (là, je me suis dit qu’il fallait que je découvre la chose qui était nulle et qu’elle réalise que non, TOUT n’est pas nul à l’école)

“Est-ce que compter, c’est nul ?”

“Oui !”

“Est-ce que voir Magali, c’est nul ?” (Magali est son ATSEM préférée)

“Non !”

“Est-ce que voir la maman de Zoé, c’est nul?” (elle lui saute dans les bras à chaque fois qu’on la voit)

“Non !”

“Est-ce que jouer avec Zoé, c’est nul ?” (Zoé est sa meilleure copine et je sais qu’elles ont tendance à jouer au fameux jeu universel du “T’es plus ma copine !”)

“Euh…non, ça, c’est bien !” (a priori pas de problème avec la copine donc)

“Est-ce que se faire punir par la maîtresse, c’est nul ?” (vu qu’il n’y avait pas de problème du côté des copines, j’ai tâté le terrain du côté de la maîtresse…)

“Oui ! Moi, j’aime pas être punie !”

“Je comprends, c’est pas agréable. Tu as été punie ce matin ?”

“Oui. La maîtresse, elle m’a punie parce que j’avais pris un mouchoir.”

“Ah bon ?”

“Oui, toute la classe était punie de mouchoirs mais moi, j’en ai pris un quand même pour me moucher.”

“Ben oui, quand on a besoin de se moucher, on a envie de prendre un mouchoir.”

“Et la maîtresse, elle m’a quand même punie !”

(Passons sur le fait que je trouve scandaleux de punir des enfants de maternelle de mouchoirs… je ne savais pas trop comment réagir car je suis contre la punition mais pour un motif tellement futile, je suis encore plus sans voix. Je me suis dit qu’il fallait trouver un moyen de tourner ça en ridicule tout en laissant ma fille exprimer son hostilité envers sa maîtresse avec des mots.)

“Tu crois qu’elle sait ce que ça fait d’être punie ta maîtresse ?”

“Ben non.”

“Et si on la punissait cette maîtresse ? Punie pour avoir puni les enfants.”

“Ah ouai !”

“Et toi, pourquoi tu la punirais ta maîtresse ?”

“Punie d’avoir crié !”

“Tu crois que tu pourrais trouver d’autres raisons ?”

“Je vais voir avec Zoé à la récré. On va jouer à punir la maîtresse”

La discussion s’est terminée avec un autre gros câlin et on a enchaîné sur des dessins à l’ardoise et à la craie. Au moment de retourner à l’école, elle m’a demandé si elle pouvait emmener son jeu. J’ai dit “ok” et que je mettrai l’ardoise et la craie dans mon sac une fois arrivée devant la classe. Elle a alors dessiné tout le long du chemin, je pense qu’elle avait besoin d’extérioriser encore l’incident. Je l’ai laissée faire sans poser de questions et une fois à l’école, elle m’a remis le tout d’elle même.

Dans ce cas, le recours à l’imagination et au jeu a vraiment permis à ma fille de revivre la scène et d’extérioriser son ressentiment. Selon Isabelle Filliozat, le jeu permet de faire émerger des choses propres à l’enfant. L’enfant qui joue met en scène son ressenti. C’est important que l’enfant devienne le « puissant » dans le jeu (le médecin, la maîtresse, le papa, la maman) pour évacuer le sentiment d’impuissance ressentie dans la réalité.