Un enfant est colonisé toute sa vie par la maltraitance verbale et les phrases assassines des adultes (critiques, menaces, humiliations)

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Un enfant est colonisé par les phrases assassines de son parent violent. – Muriel Salmona

Un enfant qui est exposé à des phrases culpabilisantes, humiliantes ou dégradantes va finir, du fait de sa mémoire traumatique, par les réentendre continuellement :”tu es nul”, “tu es un bon à rien”, “tu ne feras rien de ta vie”, “tu es une méchante qui finira mal”, “Incapable !”…

Muriel Salmona, psychiatre et présidente de l’association Mémoire Traumatique, définit la mémoire traumatique comme “une mémoire émotionnelle non intégrée qui, au moindre lien rappelant les violences et leurs contextes, les fera revivre à l’identique à l’enfant victime, avec les mêmes émotions (le stress, la peur, la détresse, le désespoir, la honte, la culpabilité…) et les mêmes perceptions (douleurs et les cris, les phrases assassines, la haine et la colère du parent violent…), tandis que l’adulte violent revivra également la scène violente avec ses actes et ses émotions, ainsi que les réactions de l’enfant.”

L’enfant réentendra, à chaque fois que sa mémoire traumatique sera réactivée, les mêmes menaces (que ses parents ne vont plus l’aimer et que personne ne voudra de lui, qu’il ira en prison), les mêmes menaces de privations, d’abandon.

L’enfant restera colonisé par ces « phrases assassines » qui feront partie de lui à l’âge adulte et qu’il finira par penser. – Muriel Salmona

L’enfant, quel que soit son âge même à l’adolescence et à l’âge adulte, aura une voix intérieure qui le rabaissera, le critiquera, le jugera sans cesse. Cet enfant développera une mauvaise image de lui-même, à l’image de ce que l’univers familial lui aura renvoyé toute son enfance.

Les conséquences de la maltraitance verbale

Troubles de l’estime de soi

Nous savons, depuis une étude scientifique de 2013, que les violences psychologiques subies dans l’enfance ont des répercussions sur l’épaisseur des zones du cortex cérébral correspondant à la représentation de soi; ces zones sont significativement amincies par les violences, avec des troubles de l’estime de soi (Heim, 2013).

Négligences relatives à la santé

De même, les zones du cerveau correspondant aux zones corporelles ayant subi des violences sont amincies avec des troubles du schéma corporel et des troubles sensitifs (diminution de la sensibilité et de la sensation de douleur: hypoesthésie) qui peuvent entraîner des situations de négligence et de non-prise en compte de problèmes de santé touchant ces zones.

Installation de la mémoire traumatique dans la durée 

En l’absence de traitement, cette mémoire traumatique s’installe dans la durée, elle perdure à l’âge adulte et devient, rapidement, de plus en plus difficile à contrôler.

Muriel Salmona rappelle que tous les contextes liés aux situations de violences sont susceptibles de déclencher cette mémoire traumatique et de créer un état de stress et de tension intolérable chez l’enfant comme chez l’adulte. Pour y échapper, chacun développe ou impose autour de lui des stratégies d’évitement. Ces stratégies d’évitement et de contrôle ne sont pas toujours possibles ou suffisamment efficaces. Dans ce cas, un autre recours peut alors être utilisé : celui d’anesthésier la mémoire traumatique. Cette anesthésie peut passer par de l’alcool, de la drogue, des conduites dites “dissociantes” amenant le circuit émotionnel à disjoncter à nouveau en provoquant un stress extrême, à travers des mises en danger, ou des violences exercées contre soi ou contre autrui. La personne (enfant, adolescent, adulte), pour s’anesthésier, va rechercher compulsivement, sans comprendre pourquoi il le fait, un état de stress le plus élevé possible. La disjonction du circuit émotionnel provoquée par le stress éteint la mémoire traumatique et tout son lot de peur, d’angoisse, de détresse et de souffrance.

Ces conduites dissociantes expliquent la reproduction de violences de proche en proche et de génération en génération. Un enfant qui aura subi des violences peut, dans une situation qui les lui rappelle, être envahi par celles-ci, par des cris, des paroles blessantes, des images de coups qu’il sera tenté de reproduire soit sur lui-même, soit sur autrui, pour « se calmer »: il s’agit de se dissocier pour échapper à cette flambée de mémoire traumatique. Il en est de même pour un adulte qui, ayant subi enfant des violences éducatives, se retrouvera confronté à ses propres enfants dans le cadre de situations ayant été à l’origine de violences à son encontre ou dont il a été témoin dans son enfance (désobéissance, refus de manger, de dormir, pleurs, mauvaise note, etc.). Il sera alors envahi par ce qui se passait: à la fois par les coups, les cris, les phrases humiliantes, la colère, voir par la haine de son parent, la peur et la détresse de l’enfant qu’il était. Cet ensemble peut provoquer chez lui une sensation d’exploser et une compulsion à être violent, issues de sa mémoire traumatique qui contient à la fois les violences, la colère et la haine du parent, associées à une sensation d’être attaqué et mis en péril venant de la mémoire traumatique de l’enfant qu’il était. – Muriel Salmona

Résilier à l’âge adulte après de la maltraitance verbale (et autre) dans l’enfance

Les personnes qui n’ont pas développé de mémoire traumatique à long terme

Parmi les personnes résilientes, un certain nombre n’a pas développé de mémoire traumatique, soit parce qu’elles ont pu moduler ou éteindre leur réponse émotionnelle et échapper à un survoltage, soit parce qu’un soutien de qualité et une prise en charge spécialisée et efficace ont été mis en place immédiatement, avant que des troubles psychotraumatiques importants n’apparaissent.

Les “fausses” personnes résilientes

D’autres victimes de violence éducative même ordinaire semblent avoir bien réussi leur vie et paraissent heureuses mais sont considérées à tort comme résilientes.

C’est au prix d’efforts énormes, de stratégies d’évitements et de contrôles épuisant qu’elles donnent le change, mais ces personnes cachent d’immenses souffrances et souvent des conduites dissociantes destructrices cachées et méconnues de tout leur entourage qui leur permettent d’avancer dissociées (Van der Hart, 2010; Salmona, 2013).

Les “vraies” personnes résilientes

Muriel Salmona qualifie de “vraies résilientes” les personnes qui, ayant développé une mémoire traumatique, arrivent, au prix d’un travail psychique personnel acharné, à découvrir comment moduler et éteindre leur réponse émotionnelle à chaque fois qu’elle est déclenchée. Cette modulation sera mise en place :

  • en verbalisant leurs émotions,
  • en identifiant et en comprenant les traumatismes subis,
  • en faisant des liens entre leurs symptômes et les violences,
  • en se parlant,
  • en écrivant
  • en échangeant,
  • en ayant recours à l’art et à la littérature, à la philosophie,
  • en ne renonçant jamais à comprendre,
  • en recherchant à reconstruire la vérité.

Muriel Salmona reconnaît que ce travail de résilience est plus facile quand les personnes ont eu la chance d’avoir accès à plus d’informations sur leur passé, avec parfois des agresseurs qui acceptent de parler, de leur dire la vérité, au moins en partie. Par ailleurs, ces personnes ont pu bénéficier d’un soutien de qualité et être aidées dans leur démarche de recherche de leur vérité.

Muriel Salmona regrette que les personnes qui ont accès à des soins psychothérapiques spécifiques, centrés sur les violences et sur le traitement de la mémoire traumatique, et qui vont guérir, c’est-à-dire « déminer » leur mémoire traumatique en la transformant en mémoire autobiographique, soient encore trop rares.

 

Il est en notre pouvoir, en tant qu’adultes et parents, d’élever des enfants qui n’auront pas à se remettre de leur enfance, en faisant le choix de la non violence éducative, quelle que soit la forme qu’elle puisse prendre (fessée, claque, punition, menace, humiliation, cri…).

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Source : Châtiments corporels et violences éducatives : Pourquoi il faut les interdire en 20 questions réponses de Muriel Salmona (éditions Dunod).

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