Neurosciences : 6 mythes à déconstruire sur les comportements des ados

Neurosciences _ 6 mythes à déconstruire sur les comportements des ados

Dans son livre Le Cerveau de votre ado, Daniel Siegel a choisi de s’attaquer aux nombreux mythes néfastes sur l’adolescence, qui sont aujourd’hui démentis par les neurosciences. Il démonte notamment l’idée selon laquelle le déchaînement hormonal subi par les adolescents les rende « fous », leur fasse « perdre la tête » ou « péter les plombs ».

Les changements qui s’opèrent dans le cerveau adolescent sont primordiaux pour assurer l’émergence de nouvelles aptitudes, elles-mêmes vitales pour l’individu et l’espèce humaine dans son ensemble. A partir du moment où nous continuons à considérer l’adolescence comme un « mauvais moment à passer », nous ne prendrons pas les mesures nécessaires pour optimiser ce qu’elle est vraiment. A l’inverse, si nous envisageons la sensibilité exacerbée, l’engagement social, la recherche de nouveauté et la créativité exploratrice comme des caractéristiques fondamentales, positives et nécessaires, de l’identité de l’adolescent – de ce qu’il est et peut devenir à l’âge adulte s’il cultive ces qualités –, alors cette période revêt une importance capitale.

Dépasser ces mythes donne accès aux vérités qu’ils dissimulent, et les relations ados/ adultes s’améliorent. En effet, ce que les autres pensent de nous influence l’image que nous avons de nous-mêmes ainsi que notre comportement. Cela vaut particulièrement pour les ados, sur qui les adultes projettent couramment (directement ou indirectement) un certain nombre de traits négatifs – ils seraient « ingérables », « flemmards » ou « tête en l’air ».

L’adolescence n’est pas une période de « pétage de plombs » ou d’« immaturité ». Elle est une époque essentielle de la vie, faite d’intensité émotionnelle, d’engagement social et de créativité. – Daniel Siegel

Daniel Siegel rapporte 6 mythes au sujet des adolescents qui nous empêchent de considérer l’adolescence comme une époque de la vie à part entière, dont il faut exploiter les richesses et non plus réchapper.

1er mythe : Ce sont les bouleversements hormonaux des ados qui leur font « péter les plombs ».

En réalité, les taux d’hormones d’hormones augmentent durant l’adolescence, mais ce n’est pas le « déchaînement » hormonal qui détermine ce qui se passe durant cette période. Certes, les taux d’hormones augmentent, mais ce facteur est loin d’être le seul à déterminer le comportement des ados. Nous savons aujourd’hui que ce que vivent les adolescents résulte avant tout des modifications de leur cerveau. Connaître ces changements peut donc vous aider, les uns et les autres, à mieux vivre cette transition.

La priorité donnée par les adolescents aux aspects positifs de leurs expériences sont une conséquence naturelle du besoin accru de récompense du cerveau adolescent. En effet, à l’adolescence, on assiste à un accroissement de l’activité des circuits neuronaux consommateurs de dopamine, un neurotransmetteur jouant un rôle crucial dans l’activation du besoin de récompense. Cette libération accrue de dopamine, qui commence au début de l’adolescence et atteint son pic au milieu de cette période, pousse les ados à rechercher des sensations fortes.

Des études montrent que les comportements à risque à l’adolescence ne sont pas tant liés aux déséquilibres hormonaux qu’aux modifications des circuits dopaminergiques et à l’architecture corticale motivant les prises de décision hyperrationnelles (l’hyperrationnalité est une pensée littérale, concrète, prosaïque; l’ado manque de vision d’ensemble et examine les faits sans prêter aucune attention au contexte dans lequel ils se produisent).

2ème mythe : L’adolescence est simplement une période d’immaturité, il suffit d’attendre que les ados « grandissent ».

En réalité, les ados n’ont pas simplement besoin de « survivre » à l’adolescence ni de sortir le plus vite possible de cette période de leur vie. Au contraire, l’adolescence peut leur permettre de s’épanouir. Le « travail » qui se fait à cette époque – tester les limites, avoir envie d’explorer ce qui est nouveau et excitant – est souvent l’occasion de développer développer des traits de caractère fondamentaux, qui permettront aux ados de mener une vie non routinière, riche de sens et portée par des objectifs précis.

3ème mythe : Grandir, pour l’adolescent, c’est passer de la dépendance aux adultes à l’indépendance totale.

En réalité, bien qu’il soit naturel et nécessaire pour un ado de prendre ses distances par rapport aux adultes, il ne doit pas s’en couper totalement. La meilleure progression vers l’âge adulte est d’aller vers l’interdépendance et non une indépendance du type : « Débrouille-toi tout seul. »; En revanche, il est vrai que la nature du lien de l’adolescent avec ses parents en tant que figures d’attachement se transforme et que le cercle d’amis prend de l’importance durant cette période.

Voilà donc un aspect fondamental du cerveau adolescent : l’engagement social intense auprès de jeunes du même âge, qui vient s’ajouter à la surenchère émotionnelle et au besoin de récompense et de nouveauté

La participation à la vie de groupe, le fait d’être avec des camarades ou même d’imaginer l’impact de son comportement sur ses camarades augmente le besoin de récompense, le désir de nouveauté, l’envie de prendre des risques – tout cela au détriment de la prise en compte des dangers potentiels.

Les décisions qui paraissent irrationnelles sont souvent motivées à la fois par le besoin de récompense des ados, leur dépendance à la dynamique de groupe et leur pensée hyperrationnelle.

4ème mythe : Il est de la responsabilité des parents d’aider leur enfant à résoudre les conflits qui éclatent durant cette période délicate.

En réalité, nous avons trop souvent tendance à vouloir aider les personnes que nous aimons à régler tous leurs problèmes. Mais ce dont les ados ont le plus besoin, c’est de se sentir reliés aux adultes, de savoir que leurs parents sont toujours là pour les écouter et les aider à résoudre leurs difficultés s’ils le souhaitent. Les parents n’ont plus à intervenir systématiquement pour tout régler comme ils le faisaient quand leurs enfants étaient plus jeunes.

5ème mythe : Le développement cérébral le plus spectaculaire se produit durant les années de collège et de lycée. Une fois que mon ado partira faire ses études à l’université, les choses vont se tasser.

En réalité, durant l’adolescence, le « travail » le plus important sur le plan du développement cérébral se fait entre 12 et 24 ans environ. Par conséquent, les parents doivent continuer durant tout ce temps de soutenir patiemment leur ado et d’accompagner la formation de son sentiment d’identité, loin d’être terminée, tout en respectant sa nouvelle indépendance.

6ème mythe : Tout est tellement différent, aujourd’hui, de l’époque où nous, parents, étions ados qu’il n’y a quasiment plus de lien entre ce que nous avons vécu et ce que notre ado est en train de vivre.

En réalité, les études sur l’attachement révèlent que ce que nous avons vécu avec nos propres parents lorsque nous étions ados est une source d’enseignements extrêmement précieuse. Plonger au plus profond de notre enfance et comprendre comment nos expériences ont influencé notre propre développement peut nous aider à maintenir des liens étroits avec nos enfants tout au long de leur adolescence et à leur entrée dans l’âge adulte.

 

Ainsi, Daniel Siegel nous invite à reconsidérer l’adolescence qui n’est en aucune cas un “temps d’immaturité”, mais plutôt une période importante de leur vie, une source d’épanouissement.

Beaucoup d’adultes s’inquiètent des comportements à risque des adolescents. Pourtant, le point positif de la pensée hyperrationnelle à cet âge, c’est qu’elle aide les adolescents à prendre des risques auxquels ils devront de toute façon faire face lorsqu’ils quitteront le nid familial pour aller explorer le monde. Le besoin accru de lien social chez l’adolescent sert aussi à le protéger, en le poussant à nouer des relations avec d’autres ados. Quant à la recherche de nouveauté et sa créativité exploratrice, elles aident les ados à s’adapter à un monde en perpétuel changement.

Par ailleurs, l’adolescence est une dynamique naturelle et nécessaire d’émancipation par rapport aux adultes mais les adolescents continuent de bénéficier de leurs relations avec eux.

La nature des liens que les adolescents entretiennent avec leurs parents en tant que figures d’attachement se modifie, et le cercle des amis prend davantage d’importance. Après avoir été pris en charge par les autres durant l’enfance, nous nous éloignons de nos parents et des autres adultes durant l’adolescence, tout en nous appuyant davantage sur nos pairs, avant, enfin, d’être capables de prendre soin des autres tout comme de recevoir leur aide. C’est ce que j’appelle l’interdépendance. – Daniel Siegel

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Le Cerveau de votre ado : comment il se transforme de 12 à 24 ans de Daniel Siegel (éditions Les Arènes). Disponible en médiathèque, en librairie ou sur internet.

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