Nous plaçons des charges de dynamite dans le monde en maltraitant les enfants (fessée, punition, humiliation…).

Nous plaçons des charges de dynamite dans le monde en maltraitant les enfants

Alice Miller parle en ces termes des conséquences de la maltraitance de enfants (et quand elle parle de maltraitance, elle englobe non seulement les châtiments corporels mais également tout ce qui relève de la violence éducative ordinaire : fessée, claque, punition, humiliation, répression émotionnelle, privation, chantage, coin, tirage d’oreille…).

Un être qui naît dans un monde froid et indifférent considère ce monde comme le seul qui puisse exister. Tout ce qu’il croit, professe et estime juste par la suite repose sur ces premières expériences déterminantes. Il a été démontré aujourd’hui que le prix payé, dans ces conditions, pour survivre n’est pas seulement trop élevé pour l’individu lui-même, mais se révèle en outre renfermer la pire menace pour toute l’humanité. – Alice Miller

Alice Miller estime que c’est le refoulement des maltraitances subies dans l’enfance qui rend les êtres humains malheureux, insensibles, sourds aux pleurs des enfants et aveugles aux rapports de cause à effet les plus évidents (c’est la violence éducative même ordinaire qui est à la source de la délinquance, pas le prétendu laxisme). Certaines personnes sont capables d’ignorer des faits qui ressortent clairement des statistiques et des études scientifiques pour éviter la résurgence des souffrances refoulées dans le passé et empêcher que se dévoile la vérité, à savoir que les parents ont été maltraitants et n’ont pas su aimer de manière à ce que l’ex enfant, devenu adulte, se sente digne d’amour, soit en bonne santé mentale, ait confiance en lui et sache se lever contre les injustices.

citation alice miller

Ces personnes estiment leur comportement maltraitant juste et nécessaire; elles ont tendance à le minimiser (“une fessée, c’est pas de la maltraitance, “Il y a quand même une différence entre une petite tape sur les doigts ou la couche et des coups.”). D’autres pensent que les fessées, les cris, les tapes, l’isolement ne sont pas vraiment justes et ces personnes se sentent un peu coupables de donner des “petites” tapes; Pourtant, elles estiment que c’est inévitable parce que les enfants sont parfois difficiles, les parents stressés et que “une fessée, ça n’a jamais tué personne”. Et puis qu’il faut bien éduquer les enfants pour éviter qu’ils deviennent délinquants – surtout quand on voit le laxisme ambiant rajouteront certains… alors même que plus de 80% des parents français déclarent donner des fessées à leurs enfants : où est donc ce fameux laxisme qui fait si peur ?.

Les blessures se guérissent et n’ont pas nécessairement besoin d’être retransmises de génération en génération, à condition toutefois de ne pas les ignorer. Alice Miller plaide pour une “lucidité retrouvée”. Les enfants peuvent nous apprendre tout ce dont nous avons besoin pour ne plus jamais détruire la vie mais au contraire la protéger et l’aider à s’épanouir.

 

Alice Miller nous invite donc à devenir des “témoins lucides”, des témoins secourables au service des enfants qui souffrent. Les témoins lucides n’ont pas peur de prendre clairement le parti de l’enfant et de le protéger de l’abus de pouvoir des adultes. Notre société est clairement hostile à l’enfance en minimisant systématiquement la quantité et les conséquences des violences éducatives ordinaires, mais les témoins lucides sont malgré tout de plus en plus nombreux à promouvoir l’éducation non violente. Ce type d’éducation est débarrassée de toute trace de violence éducative même dite ordinaire, dans le sens d’un accompagnement respecteux et empathique. Les témoins lucides ne se content pas de promouvoir l’éducation non violente : ils prennent aussi la parole quand un enfant est fessé devant eux, ils disent aux enfants que les adultes n’ont pas le droit de les taper ou les faire souffrir de quelque manière que ce soit, ils s’opposent aux parents, enseignants et éducateurs qui confondent éducation et maltraitance (même la maltraitance “invisible” qui passe par les mots plutôt que par les coup, telle que l’humiliation ou la répression émotionnelle).

On ne peut rien changer à l’histoire de nos parents et de nos aïeuls : leur propre éducation les a rendus sourds, aveugles et insensibles. Mais en même temps, nous devons et pouvons malgré tout essayer de montrer aux jeunes d’aujourd’hui, et surtout aux parents et futurs parents, les dangers de l’abus de leur pouvoir, de les sensibiliser aux conséquences des violences éducatives ordinaires et de les rendre attentifs aux besoins fondamentaux de l’enfant (attachement, chaleur, empathie, compréhension, respect).

Du moment où l’on n’a plus besoin de se montrer aveugle aux souffrances de l’enfant, on comprend brusquement qu’on a, en tant qu’adulte, le pouvoir de faire de son nouveau-né, selon la façon dont on le traite, un futur monstre ou un être conscient de ses responsabilités parce que capable de ressentir ses sentiments authentiques.- Alice Miller

Nous pouvons tous et toutes faire en sorte dès aujourd’hui que nos enfants aient moins de choses à refouler, qu’ils n’aient pas besoin de réparer leur enfance et qu’ils puissent, une fois adultes, se montrer plus responsables de ce qu’ils font, plus empathiques, plus humains. Ceci est possible à condition de reconnaître que nous avons nous-même souffert de maltraitance éducative (non, une fessée ou un coup de savate n’est pas une manifestation d’amour et ne le sera jamais). Nous ne devons plus nous défendre de notre propre vérité si nous voulons sortir du piège dans lequel nous sommes pris et dans lequel nous embarquons à la fois nos propres enfants et l’humanité toute entière.

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Source :  La Connaissance interdite de Alice Miller (éditions Flammarion). Disponible en médiathèque, en librairie ou sur internet.

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