Pourquoi prendre soin de l’enfant intérieur ?

prendre soin de l'enfant intérieur


Thich Nhat Hanh introduit son livre Prendre soin de l’enfant intérieur en ces termes : 

En chacun de nous se trouve un enfant qui souffre. Nous avons tous connu des périodes difficiles et beaucoup d’entre nous ont été fortement perturbés durant l’enfance. Et pour nous protéger de toute cette souffrance, la seule solution que nous ayons trouvée a été d’oublier ces épisodes douloureux. Chaque fois que la douleur se réveille, cette sensation nous est si insupportable que nous refoulons nos sentiments et nos souvenirs au plus profond de notre inconscient. A tel point que nous pouvons passer des années et des années à négliger cet enfant blessé.

 

Pourtant, notre enfant intérieur blessé est là en permanence et nous ne le savons même pas.

L’enfant blessé a besoin de soins et d’amour mais nous les lui refusons. La douleur et le chagrin qui nous habitent semblent insurmontables, et, effrayés par toute cette souffrance, nous la fuyons. Même si nous en avons le temps, nous ne revenons pas en nous-mêmes par peur de la confronter.

 

Thich Nhat Hanh plaide en faveur de la pleine conscience pour cesser d’ignorer l’existence de cet enfant blessé.

La lampe de la pleine conscience est en nous, et nous pouvons décider de l’allumer à tout moment. Notre respiration, nos pas, notre sourire paisible en sont l’huile. Notre pratique consiste donc à allumer cette lampe pour que brille sa lumière et que se dissipent les ténèbres.

 

Comment prendre soin de l’enfant intérieur ?

Thich Nhat Hanh propose 4 pistes pour guérir notre enfant intérieur :

  • l’écouter
  • lui parler
  • dialoguer avec lui
  • partager nos joies avec lui

 

Thich Nhat Hanh propose de s’asseoir et de respirer avec notre enfant intérieur plusieurs fois par jour : “je suis là pour toi, prêt-e à t’écouter”, “j’inspire, je reviens à mon enfant blessé; j’expire, je prends bien soin de mon enfant blessé.”,  “prends ma main, marchons ensemble et savourons chacun de nos pas”.

Nous pouvons parler réellement parler à l’enfant qui vit en nous, même à voix haute.

Revenez à lui, écoutez-le avec attention chaque jour, 5 ou 10 minutes. Quand vous escaladez une belle montagne, invitez-le à la gravir avec vous. Quand vous contemplez le lever du soleil, invitez-le à partager votre joie.

 

Quand nous devenons capable de comprendre et aimer notre enfant intérieur, nous pouvons faire preuve de plus de compassion et de compréhension de soi et des autres.

Revenez à vous et prenez bien soin de vous. Votre corps, vos sensations, vos perceptions ont besoin de vous. L’enfant blessé a besoin de vous. Votre souffrance a besoin que vous la reconnaissiez. Revenez en vous et soyez là pour eux. Pratiquez la marche et la respiration en pleine conscience. Faites chaque activité en pleine conscience de façon à être vraiment là, et à pouvoir véritablement aimer.

 

Mon expérience personnelle de dialogue avec mon enfant intérieur

Je l’ai fait moi-même. Je me suis rappelée de deux événements qui m’ont marquée quand j’étais enfant.

Pour le premier, je devais avoir 8/10 ans : ma mère était debout sur une chaise en train de chercher quelque chose dans le placard de la cuisine et je me suis approchée discrètement pour lui faire une blague “BOUH !”. Elle a eu très peur et m’a crié dessus en me disant que j’étais folle, que j’aurais pu la faire tomber, que c’était n’importe quoi. J’en ai un souvenir très vif car je me suis vraiment sentie rejetée et “bête”.

Dans l’optique de prendre soin de mon enfant intérieur, je me suis assise en silence les yeux fermés et je me suis remémorée cette scène. Et j’ai parlé à mon enfant intérieur : je lui ai dit qu’il aurait aimé recevoir une réaction plus chaleureuse, plus empathique. Il aurait aimé que ma mère lui dise quelque chose comme “Tu m’as fait vraiment peur, j’ai eu peur de tomber. Tu pensais que c’était drôle mais ça ne m’a pas fait rire car c’était dangereux.” J’aurais ensuite aimé que ma mère me convie à faire la cuisine avec elle plutôt que me laisser seule avec ma culpabilité et mon sentiment de rejet. J’aurais aimé qu’elle comprenne que mon intention n’était pas de la mettre en danger mais seulement de faire une blague comme le font tous les enfants de cet âge. J’ai donc parlé de cela avec mon enfant intérieur et je l’ai pris dans mes bras en visualisant la scène, je lui ai dit qu’il s’était senti bête, qu’il avait eu peur de la réaction de sa maman.

Repenser à cet événement a fait remonter dans mon esprit un événement lié à ma fille : je me souviens d’une scène où elle avait environ 2 ans et j’étais en train de faire du ménage dans la salle de bain. A l’époque, je travaillais énormément et on se voyait peu la semaine (et j’avais aussi beaucoup moins lu sur ces sujets…). J’aurais donc pu comprendre qu’elle ait eu envie de passer du temps avec moi le weekend. Pourtant, quand elle est venue me voir pour un câlin ce jour-là alors que j’étais en train de rincer la baignoire, je l’ai rejetée en lui disant que j’avais autre chose à faire, qu’elle voyait bien que j’étais occupée. Et je me suis rendue compte que j’avais agi comme ma mère et que ma fille avait dû ressentir un profond rejet et une profonde culpabilité. Je vais en reparler avec elle et m’excuser pour qu’elle puisse “exorciser” cet événement.

 

J’ai également repensé à un autre événement qui m’a profondément marquée. J’étais un peu plus vieille (12/13 ans) et nous étions sur le point de déménager. J’ai fait plusieurs crises de jalousie et de “bouderie” car mes parents avaient attribué une plus grande chambre à mon petit frère (cela devait se jouer sur 1 ou 2 mètres carrés…).

Mes parents m’ont alors dit que je faisais des caprices de fille gâtée, que mon frère avait la plus petite chambre dans la maison d’avant et que cela leur paraissait normal d’alterner, qu’il y avait vraiment peu d’écart et que ça ne servait à rien d’en faire une maladie. Sauf qu’en fait, je ne faisais pas un “caprice” pour une chambre plus petite, j’avais l’impression à l’époque que si j’avais une chambre plus petite (alors que j’étais l’aînée), c’était parce que mes parents m’aimaient moins que mon frère. J’avais cette impression vissée au corps et j’aurais aimé que mes parents me disent : “Tu as l’impression qu’on t’aime moins parce qu’on te donne une chambre plus petite ? C’est ça qui te rend si triste et en colère ? Tu as besoin qu’on te dise qu’on t’aime pour qui tu es ?”. Et j’aurais aimé qu’ils me disent qu’ils m’aiment telle que je suis, que j’ai pas besoin d’être tout le temps la première à l’école ou ailleurs pour qu’ils m’aiment, que ce qu’ils aimaient était de me voir investie et engagée dans ce que j’entreprenais, qu’ils aimaient me savoir fière de mes efforts et de mon travail, qu’ils appréciaient de me regarder faire ce que j’appréciais (comme à mes galas ou compétitions de GRS) quel que soit le résultat. J’aurais aussi aimé qu’ils me demandent comment j’allais m’approprier cette chambre, comment j’allais la personnaliser pour en faire mon petit coin à moi.

J’ai alors pris mon enfant intérieur dans mes bras en lui disant qu’il a souffert de ne pas être compris et d’être traité de capricieux alors qu’il y avait une vraie souffrance derrière. Je lui ai dit que je l’aimais pour ce qu’il était, qu’il n’avait pas besoin d’être tout le temps premier pour avoir de la valeur. J’ai reconnu sa tristesse, j’ai pleuré et j’ai respiré avec cette tristesse.

 

Le livre de Thich Nhat Hanh est très simple mais très puissant en même temps. Sa lecture m’a fait beaucoup de bien et me fait progresser en tant que personne en tant que mère. Je suis reconnaissante de l’avoir trouvée sur mon chemin. J’avais rencontré à plusieurs reprises le terme “d’éducation consciente” et je n’en avais pas tout à fait saisi le sens. Aujourd’hui, je l’ai saisi et je comprends mieux pourquoi on accole souvent le terme de consciente à celui de bienveillante: “éducation consciente ET bienveillante”.

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Source : Prendre soin de l’enfant intérieur de Thich Nhat Hanh (éditions Pocket). Disponible en médiathèque, en librairie ou sur internet.

J’ai beaucoup apprécié les récits de guérison à la fin de l’ouvrage. Ces histoires personnelles permettent de comprendre en profondeur les bienfaits de la pleine conscience.

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