Refuser quelque chose aux jeunes enfants et poser des limites sans que cela ne vire au drame !

Refuser quelque chose aux jeunes enfants et poser des limites sans que cela ne vire au drame !

Isabelle Filliozat écrit que les limites servent à protéger, plus qu’à limiter. Une limite est à voir comme une frontière qui entoure et définir un espace dans lequel l’enfant peut faire des choses.

En effet, le besoin principal d’un enfant de moins de 5 ans est d’éprouver les capacités de son corps par le mouvement et d’apprendre par les expériences. Par ailleurs, les attitudes des jeunes enfants sont compréhensibles étant donné le degré de développement de leur cerveau. Nous avons beau savoir que les enfants ne sont pas des adultes en miniatures, nous leur reprochons souvent de ne pas se comporter en adultes raisonnables ! Parce que le cerveau des enfants est en cours de développement, ces derniers ne voient pas et ne comprennent pas comme nous. Ils sont notamment submergés facilement par leurs émotions du fait que leur cerveau émotionnel n’est pas encore régulé par le cerveau rationnel. Par ailleurs, leur besoin de mouvement les empêche de tenir en place longtemps (par exemple, lors du repas). Méconnaître cela est source de nombreux conflits, punitions inutiles et exaspérations parentales.

Isabelle Filliozat rappelle que les caprices n’existent pas : seuls les besoins et le manque de maturité du cerveau infantile existent. Les crises des petits peuvent être liées directement à leur état physiologique (faim, soif, manque de sommeil, chaleur, excès de stimulation, envie d’aller aux toilettes, manque de mouvement…).  Faire une crise est alors la seule manière pour l’enfant de se calmer, de décharger les hormones de stress qui ont envahi son corps et d’attirer l’attention sur son besoin à combler.

De plus, entre 2 et 3 ans, les enfants confondent “je veux/ je pense à/ je reconnais/ je crois/ j’aime/ ça me plaît…”. Dans la bouche d’un jeune enfant, “je veux une glace” peut traduire une envie de glace mais aussi “je pense à une glace/ j’ai vu une glace/ hier, j’ai mangé une glace/ moi, j’aime les glaces/ je crois que tu vas me donner une glace au goûter…”.

Les envies n’ont pas besoin d’être comblées, elles ont en revanche besoin d’être reconnues. Cela nécessite de vérifier si les demandes des enfants sont des envies passagères (des désirs) ou alors si elles expriment des besoins sous-jacents légitimes qui, eux, sont à combler (besoins physiologiques, besoin d’affection, besoin de compréhension, besoin de reconnaissance, besoin d’autonomie, besoin de mouvement…).

Il peut également être utile de s’interroger sur la pertinence de nos demandes et de nos consignes :

  • mes attentes d’adultes sont-elles réalistes par-rapport à l’âge de mon enfant ?
  • mon enfant a-t-il été en capacité de comprendre mes attentes/ mes consignes ?

7 manières de refuser quelque chose à un jeune enfant avec bienveillance

1.S’exprimer avec des messages qui prennent en charge notre responsabilité individuelle

Quand on parle de soi à la 3ème personne, quand on accuse (tu es fou, tu ne peux pas te permettre cela, pour qui tu te prends ?, si tu pensais aux autres pour changer…) ou quand on utilise des tournures impersonnelles (il faut, on doit, c’est comme ça, les gens font ainsi, c’est pour ton bien…), il y a peu de chance que les enfants respectent nos limites et nos besoins.

Le langage personnel est le seul apte à établir un bon contact personnel. Des indications claires et personnelles (“je vois bien que mes lunettes sont très intéressantes pour jouer mais je ne le veux pas“) facilitent plus la coopération que des indications éducatives et impersonnelles (“les lunettes, ce n’est pas pour jouer, elles sont très chères. Maman ne veut pas que tu prennes ses lunettes“).

Même dans le cas d’un non personnel et authentique, on pourra s’attendre à une décharge de frustration et de déception de la part de l’enfant. Cette réaction émotionnelle est naturelle et nécessaire. Il s’agit alors de l’accueillir et de reconnaître cette frustration : “je vois que tu es déçu/ c’est difficile pour toi/ tu es triste car tu voulais tellement cette chose là“.

2.Agir concrètement

Il est important d’expliquer en mettant des mots simples sur la règle (“sur l’herbe, vous pouvez courir, sur le bord de la piscine, vous marchez”). Plus l’intervention est rapide, plus elle sera efficace. Elle peut être accompagnée de gestes : montrer les bons gestes, intervenir physiquement en redirigeant, en guidant les gestes doucement pour inscrire la consigne dans le corps.

Parfois, un seul mot suffit quand la consigne est connue de l’enfant mais oubliée (exemple : Casquette ! Chaussures ! Lumière !). Le ton et la posture feront toute la différence pour donner envie à l’enfant de coopérer (rappel bienveillant ou ordre hurlé comme à un chien). Un simple Stop ! exprimé de manière assertive passe le message que la demande ou la consigne est importante.

3.Proposer des idées et solliciter les enfants

  • Donner des informations et souligner les alternatives :
    • Vous ne pouvez pas monter en même temps avec la draisienne. Qu’est-ce que vous préférez : vous voulez continuer à faire de la draisienne ou vous voulez jouer à autre chose ?
    • Dans ce cas, on peut faire chacun son tour et je mets le minuteur ? Ou alors l’un fait de la draisienne et l’autre dessine pendant ce temps ? 

 

  • Gérer le chacun son tour :
    • avec empathie (“Tu as vraiment envie de faire de la draisienne maintenant“),
    • symboliser l’attente et sa fin (avec un minuteur, une chanson, un sablier…)
    • enseigner des compétences émotionnelles et sociales (que peux-tu faire pendant que tu attends ? par quelle idée veux-tu commencer ? si tu fais ça, comment tu vas te sentir ?)

4.Imaginer et rêver avec l’enfant

Isabelle Filliozat écrit :

Le plaisir d’imaginer ensemble satisfait l’enfant qui est décidément plus intéressé par le processus (imaginer) que par le contenu (glace). 

Petit souci toutefois, ces images dans sa tête ont beau être imaginaires, elles déclenchent des réactions physiologiques. Imaginez que vous portez une rondelle de citron à vos lèvres… Vous salivez instantanément. De la même manière, l’enfant se représente une glace… Ses papilles se préparent à goûter la glace, il salive. Il a créé le désir d’une glace.

Pour satisfaire l’envie d’un enfant sur le mode imaginaire, on peut rêver et rire avec lui :

-Tu aimes beaucoup les glaces, hein ?

-Oui :

-Moi aussi, j’adore les glaces ! Et ma préférée, c’est chocolat ! Et toi, est-ce que tu préfères fraise ou chocolat ?

-Vanille-fraise !

-Deux parfums, c’est vrai, il y a des glaces avec deux boules. Je suis sûre que si tu pouvais, tu prendrais au moins 10 boules tellement tu as l’air d’aimer les glaces. Moi, j’en prendrai 20 si je pouvais !

ou alors sur un mode ludique :

-Moi, j’ai déjà goûté les glaces aux asperges (ou alors encore plus rigolo : à la crotte de nez) ! C’est délicieux. Je suis sûre que tu vas aimer. Cela te dit de goûter si on en trouve ?

5.Accueillir l’émotion

Face à un refus, un enfant a le droit d’éprouver de la colère. C’est justement l’émotion naturelle de la frustration. Et il a le droit d’exprimer cette colère à la personne par laquelle cette frustration est arrivée. Il n’y a pas de solution miracle pour refuser quelque chose à un enfant sans générer de frustration chez lui : c’est notre responsabilité d’accueillir l’émotion de colère liée à la frustration sans nous-même nous mettre en colère.

Pour que l’enfant soit libre de ressentir et d’exprimer sa colère, et ainsi d’apprendre à accepter la frustration, il est nécessaire que son parent ne se vive pas détruit par cette colère. Quand le parent a peur de la colère de l’enfant, l’enfant le perçoit et soit rentre en lui ses colères, soit devient violent. La violence n’est pas de la colère, c’est de la peur mêlée à de la rage impuissante. – Isabelle Filliozat

Exemples :

Tu aurais aimé pouvoir faire encore du toboggan. C’est trop nul de devoir déjà partir. 

C’était tellement bien de jouer que tu aurais voulu rester encore une heure et même deux ! Cela te rend triste de laisser tes copains. 

Ah oui, ça, c’est frustrant de ne pas pouvoir manger de bonbons quand on en a une grosse envie ! Tu aimerais en manger au moins cent, ou même mille, je parie !

6.Rendre explicite ce qui est attendu 

La négation oblige à deux gestes mentaux : l’évocation (la construction d’une image mentale) et la négation de cette représentation. On simplifie alors la vie du jeune enfant (et on augmente les chances qu’il comprenne la consigne et donc qu’il coopère) quand on indique ce qu’il peut faire plutôt que ce qu’il ne doit pas faire.

En ce qui concerne l’établissement d’un cadre, les permissions et les informations sont plus efficaces que les interdit car on rend explicite ce qui est attendu (dire ce qu’on ne veut pas ne rend pas forcément clair ce qu’on veut).

consignes positives éducation bienveillante

7.Poser des questions, faire réfléchir

Avec des enfants plus grands (3 ans et plus) et qui ont déjà expérimenté les consignes en question, il peut être efficace de leur demander quelle est la règle à respecter dans telle ou telle situation :

  • qu’est-ce que tu dois faire quand… ?
  • est-ce que tu te rappelles la règle pour utiliser… ?
  • comment faire pour…  ?

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Source : J’ai tout essayé – Opposition, pleurs et crises de rage : traverser sans dommage la période de 1 à 5 ans d’Isabelle Filliozat (édition Poche Marabout). Disponible en médiathèque, en librairie ou sur internet.

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