Interview : une spécialiste des troubles de l’apprentissage nous parle de pédagogie et d’outils pour aider les enfants en difficulté

 

– Camille, pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?

Bonjour, Camille Benoit, je suis co-fondatrice de psyadom.com, service de soutien scolaire psychopédagogique à domicile.

J’ai créé ce service avec mon associé Louis Vera, face au constat que nombre d’ élèves éprouvent une souffrance dans leur scolarité, liée à des angoisses, à une perte de confiance… ou à des troubles cognitifs tels que les troubles « dys » ou le déficit d’attention avec ou sans hyperactivité (TDA/H).


– Comment déterminer le profil d’apprentissage d’un enfant ?

Plus que de déterminer le profil d’apprentissage, ce qui me parait essentiel est d’amener l’élève à s’interroger sur son fonctionnement, sur ses difficultés, ses atouts et son investissement de l’école.

Cela passe par l’échange avec l’élève mais aussi par l’observation :

  • Qu’en est il de son désir d’apprendre, de son vécu de l’école, de sa relation à ses pairs?
  • Qu’en est il de ses capacités d’organisation, de son autonomie?
  • Présente-t-il des difficultés en faveur d’un TDA/H, un trouble dysexécutif, un dyslexie, dyspraxie, dyscalculie (…), n’ayant pas été repéré à ce jour?

Il est essentiel d’accompagner l’élève vers une démarche « méta-cognitive » : l’aider à prendre conscience des mécanismes qu’il met en oeuvre pour apprendre.

Certains peuvent assez facilement repérer qu’ils mémorisent mieux les informations visuelles, d’autres qu’il apprennent mieux en marchant, d’autres au café, avec une enveloppe sonore qui les « protègent” de leurs propres pensées parasites….

Une fois ce travail fait, il s’agit d’évaluer avec l’élève si les stratégies d’apprentissage qu’il met en oeuvre sont efficaces ou non. En aucun cas ce profil d’apprentissage ne sera gravé dans le marbre. Même si chacun peut conserver un certain « style » d’apprentissage, celui-ci évolue et dépend de l’âge (on n’apprend pas de la même manière à 6 ans et à 40 ans), de ses émotions (qui peuvent favoriser ou au contraire empêcher les apprentissages), des contraintes environnementales (exigences des enseignants, contraintes liés à la matière étudiée…).


– Quels leviers activer pour remotiver un enfant à l’école ?

Seligman, psychologue américain, propose dans les années 1970, l’expression « impuissance apprise » pour désigner le découragement engendré par la répétition d’échec dans une situation donnée malgré les efforts accomplis pour remplir cette tâche. Je pense que de nombreux élèves sont dans cette situation.

En effet, bien souvent, lorsqu’un élève n’arrive pas à répondre aux exigences d’un adulte (et notamment de son enseignant), alors qu’il en a le désir et qu’il redouble d’effort pour y arriver, il est confronté à des appréciations négatives telles que « ne fait pas d’effort », « doit mieux faire », « doit travailler davantage »…. Or justement, cet élève A TRAVAILLÉ, il A FAIT DES EFFORTS, il S’EFFORCE DE MIEUX FAIRE. Lorsque l’élève échoue malgré ses efforts, et que la difficulté responsable de cet échec n’est pas reconnue par l’adulte, l’élève se retrouve dans cette situation « d’impuissance apprise ». Il n’a plus confiance dans ses capacités à réussir en mobilisant ses efforts, et pire, il perd confiance en la capacité des adultes à repérer ses besoins et à y répondre.

Or pour l’enfant, l’école est une promesse faite par ses parents et enseignants. Lorsque l’enfant rentre à l’école, il y va avec cette promesse des adultes en tête : à l’école, tu vas apprendre beaucoup de choses et te faire des copains. Pour certains, cette promesse est loin d’être tenue : non seulement ils n’apprennent pas et ont des difficultés à s’intégrer au groupe des élèves, mais parfois même, ils subissent le rejet de leurs camarades et le regard négatif de leurs enseignants.

Permettre à l’élève de retrouver le goût de l’école, c’est avant toute chose entendre sa souffrance et la reconnaitre. Lorsque l’enfant perçoit que l’adulte a compris qu’il avait voulu y arriver, qu’il avait fait des efforts, mais qu’il n’y arrivait pas car il n’arrivait pas à se concentrer, ou à tenir en place (TDA/H), ou qu’il avait du mal à lire, à orthographier correctement les mots (dyslexie-dysorothographie), ou à prendre des notes rapidement (dyspraxie)…lorsque l’enfant perçoit  que l’adulte a compris, l’alliance se créer et à nouveau, l’investissement de la scolarité est possible.


– Quels sont les signes qui devraient alerter pour dépister un/des troubles de l’apprentissage chez un enfant ?

Les troubles spécifiques des apprentissages (troubles « dys ») sont des troubles neurologiques, chroniques, qui persistent d’une année à l’autre et d’un environnement à l’autre (ils sont aussi bien présents à l’école qu’à la maison).

Pour autant, d’une classe à l’autre ou d’une discipline à l’autre, ils peuvent s’exprimer plus ou moins intensément.

Bien souvent, un jeune, grâce à son volonté de bien faire, va pouvoir compenser ses difficultés, mais au prix d’un coût cognitif important (efforts intellectuels). Imaginez-vous devoir travailler sur un dossier complexe et urgent en plein métro aux heures de pointe ; vous y parviendriez peut-être mais au prix d’un effort majeur et pénible! Il en est de même pour ces élèves, qui arrivent à compenser jusqu’à un certain point. C’est pour cela que ces troubles sont souvent diagnostiqués tardivement.

Pour autant, la répétition au fil de la scolarité, de certaines appréciations des enseignants dans les bulletins scolaires doit faire suspecter :

  • un trouble « dys » ou un TDA/H : -TDA/H : « travail irrégulier », « ne se concentre pas », « dans la lune », « travail superficiel », « oubli ses affaires », « bavardages », « gigote sans cesse »
  • une dyslexie-dysorthographie (plus facile à repérer) : difficultés dans le déchiffrage des mots, lecture lente, fautes d’orthographe (écrit en phonétique).
  • une dyspraxie visuo-spatiale : «cahier mal tenu », « écriture illisible », difficultés en géométrie
  • des troubles des fonctions exécutives : « travail superficiel », « difficultés à restituer ses connaissances », « difficultés à comprendre les consignes »
  • une dyscalculie : difficultés en arithmétique (trouble du sens du nombre, des quantités).

 

– Quels aménagements prioritaires prévoir à la maison et à l’école pour les enfants atteints de TDA ?

L’accompagnement des troubles neuro-développementaux (TDAH et « dys ») comprend 4 grands axes :

1. Avant tout, prendre en charge les facteurs aggravants : les troubles du sommeil, une mauvaise hygiène de vie (alimentation, sport) peuvent majorer un trouble neuro-developpemental. Concernant le TDAH, les troubles du sommeil peuvent même être un diagnostique différentiel. Chacun sait que son attention baisse lorsqu’il manque de sommeil, et que ce manque peut également induire une irritabilité et une nervosité s’accompagnant d’une certaine agitation. Ainsi, dans un premier temps, il s’agit d’évaluer le sommeil et l’hygiène de vie de ces élèves.

2. Ensuite, il s’agit d’aider l’élève à « compenser » ses difficultés. Dans le cas du TDA/H, il s’agit de lui inculquer des routines et rituels afin de lui permettre d’éviter les oublis ; il s’agit de l’aider à prendre conscience de son « empan attentionnel » (temps pendant lequel il peut rester concentrer) et de lui apprendre à faire de courtes pauses lorsqu’il fait ses devoirs; il s’agit de mettre en place avec lui un environnement favorable à la concentration, sans « distracteurs » (ne pas installer son bureau devant une fenêtre, éviter la collection de posters face au bureau…).

3. Le troisième axe est la prise en compte du fonctionnement de l’élève dans son mode d’apprentissage. Pour nombre d’élèves avec TDA/H, l’hyperactivité permet de stimuler la veille cérébrale et de compenser le défaut de contrôle attentionnel. Ainsi, certains de ces élèves se concentrent mieux lorsqu’ils sont en mouvement (gigotent sur leur chaise, apprennent en marchant…). Il est important de respecter ce besoin à la maison (lui permettre d’apprendre debout ou en bougeant); bien évidemment, cela n’est pas possible en classe car l’élève dérangerait le reste de ses camarades. Mais on eut proposer en classe des cousins (hoptoys) qui permettent à l’élève de bouger tout en diminuant le bruit induit (les grincements de chaise).

4. Le quatrième axe est la prévention/prise en charge des complications du trouble : angoisses de performances, démotivation et décrochage scolaire secondaire aux difficultés d’apprentissages et aux échecs répétés dans la scolarité ; prises de risque et consommations de toxiques à l’adolescence. Pour cela, il est indispensable d’être à l’écoute de l’élève et de l’amener à verbaliser ses déceptions et souffrances. Il est également crucial de valoriser ses efforts, ces élèves étant bien souvent critiqués, et taxés de « flemmards », de « mauvais élèves », alors qu’il s’agit d’élèves qui ONT fait des efforts mais qui se sont découragés avec le temps.

C’est grand axes de prises en charge sont valables à l’école comme à la maison. Quelques exemples en classe :

-distractibilité : installer l’élève au premier rang, seul ou à côté d’un élève calme.

-difficulté pour rester attentif et pour écouter: demander à l’élève de répéter l’information importante que vous avez dicté afin de vérifier qu’il a bien écouté; utiliser des supports visuels.

-oublis: tolérer les oublis, l’aider à s’organiser (instaurer des rituels : à chaque fin de cours, vérifie le contenu de son cartable, élément par élément : lui proposer une « check list »).

-besoin de bouger : lui permettre de ramasser les copies, d’effacer les tableaux …. (double intérêt, valorisant l’élève au passage).

-se disperse, joue avec ses affaires : lui apprendre à ne garder que le minimum sur son bureau (la trousse reste dans son sac!)

Et bien d’autres mesures mais voici quelques exemples.

-Ces mesures peuvent faire l’objet d’un PAP (projet d’accueil personnalisé), mis en place par le médecin scolaire et l’équipe pédagogique.

-Encourager les parents à parler des difficultés scolaire de leur enfant à leur médecin ou à un psychologue ou pédopsychiatre.

Quelques exemples à la maison :

-apprendre à l’élève à s’organiser et à se ritualiser : préparer son cartable le soir avec une check-liste.

-organiser un environnement de travail propice à la concentration : sans « distracteurs »: le bureau ne doit pas être face à une fenêtre ou à une myriade de photos/posters! La porte de la chambre doit être fermée lorsqu’il travaille….

-permettre à l’élève d’apprendre ses leçons debout ou en marchant si cela l’aide (l’agitation stimule chez ces élèves « l’éveil cérébral » et favorise la concentration).

-surveiller son hygiène de vie :

  • plusieurs études montrent l’impact positif d’une activité physique régulière sur la mémoire et la concentration.
  • encourager l’enfant à manger des omégas 3, reconnus comme ayant un impact positif sur la gestion de l’impulsivité (on les trouve notamment dans les poissons gras).
  • éviter les écrans le soir car ils perturbent l’endormissement (la lumière bleue des écrans est perçue par le cerveau comme la lumière du jour, et empêche la sécrétion de mélatonine qui permet l’endormissement).

-valoriser ses efforts et ses progrès (remarquer ce qui est fait correctement, pratiquer le renforcement positif) !

Et bien d’autres mesures mais voici quelques exemples.

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Si vous habitez dans la région parisienne, vous pouvez faire appel aux services de Camille. Elle a fondé Psyadom avec son collègue Louis. Ils sont tous deux diplômés en médecine, spécialisés dans le champ de l’enfance et de l’adolescence et anciens internes et assistants spécialistes des hôpitaux de Paris. Avant de se lancer dans cette aventure, ils ont rencontré des parents, enseignants, psychologues, orthophonistes et psychomotriciens afin de réunir leurs témoignages et expériences dans le but de créer un soutien scolaire prenant en compte les élèves dans leur globalité.