Du bon usage de l’argent de poche ?

argent de poche enfants

L’argent de poche peut être un bon outil éducatif. Il s’inscrit dans une démarche globale d’accès à l’autonomie des enfants, de prise de décision collégiale au sein de la famille et de partage de valeurs (parler de ce que nous gagnons, de ce dont nous avons besoin pour vivre ensemble, de la juste place de l’argent dans le bonheur…).

Des précautions à prendre

L’argent n’est pas un moyen de pression

A partir du moment où l’argent de poche attribué à l’enfant a été présenté et accepté comme un droit de l’enfant dans la famille, cette attribution doit s’exercer en dehors de toute manipulation.

L’argent de poche ne doit pas être utilisé pour punir (retrait de privilège) ou récompenser (“si tu participe aux tâches ménagères, tu auras de l’argent de poche”) , ni être un moyen d’obliger les enfants à accomplir une tâche (“si tu ne fais pas ça, tu n’auras pas ton argent de poche”).

Pas de condition à l’attribution de l’argent de poche

Si les parents et les enfants se mettent d’accord sur le fait qu’une certaine somme d’argent sera donné par les premiers aux derniers à un rythme régulier, alors cette somme ne doit pas être conditionnée à des résultats scolaires ou à des attitudes positives ou négatives.

De la responsabilité des enfants dans la gestion de l’argent qui leur appartient

Disposer d’une somme d’argent régulière à gérer a des côtés très positifs à condition que les parents ne se mêlent pas de la manière dont est dépensé cet argent (qui est de fait la propriété des enfants).

Lire aussi au sujet du respect des affaires et propriétés des enfants : 6 points sur lesquels nous manquons (parfois) de respect envers les enfants

Les bienfaits d’une autonomie budgétaire

Le fait de disposer d’un argent de poche donne accès à :

  • une gestion de budget qui nécessite des compétences mathématiques,
  • une forme de pouvoir décisionnel,
  • une élaboration de stratégie (épargner pour acheter un objet cher, comparer des prix pour acheter moins cher, compter la somme d’argent disponible…),
  • une priorisation des besoins (ai-je vraiment envie de cela ? suis-je prêt.e à dépenser autant d’argent pour cela ?),
  • un sens de la responsabilité accru envers les objets payés (les enfants se montrent souvent plus responsables de leurs affaires quand ils ont participé à l’achat).

Par ailleurs, avoir de l’argent de poche élimine des négociations et des conflits autour de l’achat d’objets au profit de questions à valeur éducative : as-tu assez d’argent pour te l’offrir ? comment pourrais-tu mettre de l’argent de côté pour te l’offrir ?

Quand l’enfant a envie de quelque chose qui coûte cher et qui lui tient vraiment à coeur, c’est l’occasion de décider ensemble de ce que sera sa participation financière et de ce que sera la nôtre au montant global de l’achat.

Enfin, l’argent de poche peut permettre à l’enfant de participer au coût de réparation des dommages qu’il pourrait commettre en cassant ou abîmant ce qui ne lui appartient pas.

 

Des recommandations ?

Âge et montant

Catherine Dumonteil Kremer estime envisageable de donner chaque mois (voire chaque semaine proportionnellement) un euro par année d’âge aux enfants. A partir de 12 ou 13 ans, elle estime qu’on peut faire évoluer le montant différemment et peut-être laisser un adolescent gérer le maximum des dépenses qui le concerne.

Elle conseille malgré tout d’attendre que les enfants réclament par eux-mêmes de disposer de sommes d’argent régulièrement pour instaurer le principe d’argent de poche.

Avec l’âge, il parait concevable de laisser les enfants gérer de plus en plus l’argent que nous utilisons pour eux. Selon leur âge, nous pouvons les laisser faire leurs propres achats et en assumer les conséquences. Ils pourront ainsi disposer d’un compte avec carte de retrait adaptée.

Quoiqu’il en soit, c’est à chacun de voir comment gérer la manière de donner l’argent de poche. Ce qui est important est de le faire en conscience et avec le coeur, plutôt qu’avec des principes rigides, en s’autorisant des erreurs et des révisions de jugement.

Des alternatives et des approches complémentaires

Dans certaines situations exceptionnelles, on peut donner une somme précise en plus (par exemple, lors d’une sortie à la fête foraine ou au parc d’attraction).

On peut également aider les enfants dans leurs stratégies pour gagner de l’argent et pour réaliser un achat :

  • compter avec les plus jeunes et leur apprendre à faire leurs comptes, même sur des petites sommes,
  • fabriquer quelque chose et le vendre,
  • effectuer des petits travaux pour le voisinage ou la famille,
  • participer aux activités de l’entreprise familiale quand c’est possible,
  • soutenir les adolescents dans la recherche d’un premier emploi (en France, il est permis de travailler à partir de 14 ans pour une durée n’excédant pas la moitié des vacances scolaires).

 

De la souplesse (à chaque famille sa solution)

Catherine Dumonteil Kremer nous conseille de dire oui à toute demande qui parait gérable pour le budget familial et de refuser ce qui n’est pas gérable pour nous sans pour autant nous sentir coupable. Les enfants sont capables d’entendre un non qui vient du coeur. On pourra en revanche ouvrir sur des questions qui permettront aux enfants de penser à des stratégies pour accéder à leurs envies :

  • faire des listes de désirs et les relire pour voir si l’objet est toujours désiré plusieurs jours/ semaines/ mois après,
  • comment pourrais-tu gagner l’argent qui te manque ? qui pourrait t’en donner ou t’aider à en gagner ?

Dans cette question de la gestion budgétaire avec les enfants, nous avons toujours la possibilité de faire preuve de créativité (laisser la monnaie du pain aux jeunes enfants; faire des échanges s’ils sont fascinés par les billets : le montant échangé contre l’équivalent en pièces qui provient de leur tirelire…) et, surtout, de prendre des décisions de manière démocratique.

Une fois que l’enfant en émet le besoin, le montant de l’argent de poche peut être décidé au cours d’un Temps d’Echange en Famille en fonction des besoins des enfants et des parents (notamment en rapport avec le budget familial).

On gardera en tête que la vie est faite d’aléas et de situations imprévues et que la question de l’argent de poche peut revenir régulièrement à l’ordre du jour du Temps d’Echange en Famille si l’une ou l’autre des parties rencontre un problème dans sa gestion budgétaire.

Nous gagnerions également à travailler nos propres souffrances d’enfant en relation avec l’argent -> voir cet article : Ce que l’argent dit de nous : 4 types de relations problématiques qui reflètent notre relation à l’argent

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Source : La discipline positive de Jane Nelsen (éditions Marabout) et PEPS magazine n°11 (été 2015 – L’argent dans la famille)