Cela fait plusieurs jours que cet article est dans les brouillons du blog et que je n’arrive pas à le publier (tristesse ? culpabilité ? honte ?). Pourtant, des échanges avec une maman qui s’est elle aussi engagée dans la voie d’une éducation bienveillante mais qui s’est retrouvée confrontée à des moments en totale contradiction avec ses valeurs et la relecture de “Parents efficaces” de Thomas Gordon m’ont définitivement convaincue de le publier. Des phrases comme “Les parents oublient qu’ils restent des humains qui commettent des erreurs, des personnes qui gardent leurs limites personnelles, du vrai monde avec de vrais sentiments”ou “Les parents peuvent être inconstants et ils le seront inévitablement” ont véritablement fait écho en moi.

J’ai récemment parlé du lâcher prise et de la réparation sur le blog. Aujourd’hui, je voudrais lever un coin de voile sur une expérience qui m’est difficile à raconter mais que je préfère voir comme une opportunité de progresser plutôt que comme un fardeau honteux (quoi que la culpabilité ne soit vraiment pas loin).

Ma fille a toujours eu beaucoup de mal à dormir. Je ne l’ai jamais laissée pleurer et on pratique le cododo de manière intensive depuis qu’elle est toute petite.

Malgré cela, il y a eu des nuits où j’ai vraiment craqué, épuisée nerveusement, à bout de forces.

Jusqu’à ses 4 ans, je me suis montrée patiente et bienveillante à chaque fois qu’elle se réveillait, on a fait beaucoup de cododo. J’avais bien intégré que c’est une couche tard (elle peut veiller jusqu’à minuit en semaine et 2h du matin le weekend sans problème) donc je respectais son rythme avec des histoires et des jeux calmes jusque tard dans la soirée (21h30,22h parfois). Je le faisais parce que je suis convaincue des bienfaits de l’éducation respectueuse du rythme de l’enfant mais aussi parce que je savais qu’elle avait eu des expériences qui avaient pu perturber son rythme nocturne (elle est née prématurée et nous avons passé 1 mois en néo-natalité, son papa et moi sommes séparés depuis ses 2 ans et demi).

Mais voilà, je suis devenue impatiente qu’elle dorme et ces derniers mois ont été plus qu’éprouvants. Elle peut s’endormir à 23h30 en semaine, se réveiller 3 à 4 fois dans la nuit et les matins sont forcément compliqués. Je m’épuise pour arriver à la coucher le soir et j’appréhende qu’elle se réveille la nuit… la qualité de mon sommeil est donc plus que médiocre depuis qu’elle est née (mais finalement, comme si j’avais eu plusieurs bébés en l’espace de 5 ans, ce qui est le cas de nombreux parents qui lisent notamment le blog).

Pourquoi un tel changement ces derniers temps alors que j’ai justement ouvert un blog qui traite d’éducation positive en parallèle ? Probablement l’épuisement dû au fait d’être maman solo, aux doutes suite à ma reconversion professionnelle, à une plus forte propension à être déstabilisée par les remarques insistantes du genre “Laisse la pleurer, elle est grande maintenant, elle te manipule !”, au craquèlement de ma carapace de personne forte (combien de fois j’ai entendu “Je m’en fais pas pour Caroline, elle s’en remettra facilement de la séparation, elle est forte !”).

Nous avons pourtant mis en place des rituels du coucher depuis son plus jeune âge avec lecture d’histoire et temps calme. Je suis passée par l’homéopathie, l’ostéopathie, les massages, l’EFT, la méditation de pleine conscience, des séances de psychologie (c’est à cette occasion qu’elle a été diagnostiquée précoce et le psychologue a tout mis sur le “dos” de la précocité car ces enfants-là sont de petits dormeurs…), la décoration faite maison d’une veilleuse choisie par elle et selon sa demande (“ça m’aidera à m’endormir maman”) et même le réaménagement de sa chambre. Ce fut efficace à court terme mais les couchers difficiles et les réveils nocturnes sont toujours revenus au bout d’une quinzaine de jours après chaque nouvelle tentative.

Alors certaines nuits, j’ai craqué : je suis restée à pleurer dans mon lit et je ne voulais pas aller la voir de peur d’être violente, je lui ai crié dessus en lui disant d’arrêter de pleurer, je l’ai suppliée de me laisser dormir, j’ai pleuré devant elle d’épuisement et d’impuissance.

Qu’est-ce qui s’est passé dans ma tête à ce moment ?

  • Une profonde colère parce que j’ai tout fait pour qu’elle soit bien mais que ce n’est pas suffisant.
  • Une impuissance menant au découragement, l’impression de ne plus avoir de ressources internes pour faire face à la situation.
  • Un sentiment de solitude profonde, d’abandon à mon sort sans personne pour m’aider, pour prendre le relais.
  • Un dérangement dans mon envie de dormir, presque une envie de vengeance parce qu’elle me prive de nuits paisibles et reposantes.
  • Un besoin de me défouler sur tout ce qui passe à proximité.
  • Une violence inouïe à son égard, une incapacité à supporter un pleur ou un appel de plus.

Dans ces cas-là, tous mes préceptes d’éducation positive et non violente volent en éclats. Je suis dans un tel état que je n’arrive pas à me contrôler : j’ai besoin de crier, de taper dans les coussins, de pleurer.

Une nuit, je l’ai laissée pleurer plus d’une heure car je savais que si j’allais dans sa chambre, j’aurais été capable de la taper (je ne l’ai jamais fait mais je me suis vue le faire). Je me disais que je n’en pouvais plus, que je ne supporterai pas une nuit de plus comme celle là.

Une autre nuit, j’ai tempêté et grondé tellement fort qu’elle m’a dit que je lui faisais peur.

Paradoxalement, ces deux nuits ont été salvatrices dans le sens où je me suis dit : “Plus jamais ça !”.

Je me suis excusée le lendemain matin en lui expliquant que parfois je sens la colère monter en moi à cause de la fatigue, que je ne veux plus jamais lui faire peur et que je vais trouver une solution pour maîtriser ma colère.

Je sais qu’elle est capable de s’endormir seule dans son lit puisque cela a déjà été le cas. Je me dis que c’est son rythme de s’endormir tard et qu’elle a besoin de dormir avec moi, qu’elle est en maternelle et qu’elle peut manquer l’école le lendemain matin si elle s’endort vraiment trop tard le soir, que je finirai bien par trouver une solution et que cette situation de durera pas jusqu’à ses 18 ans. Quoiqu’il en soit, je ne souhaite pas entrer dans une relation conflictuelle et violente avec ma fille, je l’ai éprouvé et ce n’est pas ce que je souhaite.

Ces dernières semaines, j’ai réussi à force d’ingéniosité et d’écoute à trouver des rituels qui nous conviennent mieux.

Elle sait qu’elle a le droit de rester près de moi le soir quand je suis sur l’ordinateur et qu’elle n’arrive vraiment pas à dormir. Elle peut dessiner jusqu’à ce qu’elle se sente fatiguée mais je lui ai expliqué que, pour ma part, je travaillais, que ce n’était pas un moment de jeu.

Elle sait qu’elle n’est pas obligée de dormir tout de suite après le coucher mais qu’elle a le droit de jouer à des jeux calmes (poupées, inventer des histoires…) ou de regarder un livre un moment au lit.

On se raconte chacune nos trois meilleurs moments de la journée pour terminer la journée sur une note positive.

Elle aime qu’on invente des rimes avant de se coucher : on dit chacune 3 ou 4 phrases humoristiques (Zoé aime les araignées, Le chat de papa mange du chocolat…). Elle apprécie ce moment de détente et de complicité.

Elle sait aussi qu’elle pourra toujours me rejoindre dans mon lit si elle en éprouve le besoin (elle commence et/ou finit sa nuit plus que régulièrement avec moi).

On se dépense beaucoup après l’école pour la fatiguer physiquement (marche, foot, vélo…). Parfois, on reste plus de deux heures dehors après l’école… Je mets aussi à sa disposition des activités diverses et variées pour nourrir sa “machine à penser”.

Je pense à réessayer le CD de Calme et attentif comme une grenouille (elle n’avait pas franchement accroché il y a quelques mois en arrière).

Alors voilà, je me pose parfois en donneuse de leçons avec mes “faites ci ou ça”, mes “j’ai lu ça dans tel livre”, mes “et si vous essayiez ça ?”, mes petites histoires positives avec ma fille. J’ai tendance à parler de mes réussites sans parler de mes échecs sur le blog.

Mais oui, j’ai déjà dit “dépêche toi” à ma fille, oui j’ai déjà eu recours au chantage, oui ça m’arrive de crier sous le coup de l’impatience ou de la colère, oui j’ai consulté un psychologue pour enfants il y a une dizaine de mois parce que je ne m’en sortais pas toute seule.

Pourquoi je vous dis ça ?

Parce que je ne veux pas que ce blog soit vu comme une leçon de morale géante à propos de l’éducation.

Je l’envisage plutôt comme une grande boîte à outils dans laquelle chacun(e) peut venir piocher des idées, en adopter ou en rejeter, les tester puis les abandonner, se les approprier et les modifier, les partager et les enrichir mais aussi poser des questions.

Je ne suis pas toujours les “conseils” que je donne et je fais des erreurs. Et c’est important pour moi de les partager avec vous. Parce que je pense que c’est aussi rendre service aux parents de (re)dire qu’on ne peut pas toujours être constant, de ne pas se contenter de montrer la face facile et jolie en occultant les difficultés que même les parents s’engageant dans une voie bienveillante rencontrent.

Parce que j’ai lu un livre au sujet de la vulnérabilité et que je me suis rendue compte que je ne me suis jamais laissée aller à la vulnérabilité… Or “ressentir, c’est être vulnérable. Etre humain, c’est être vulnérable.” Ce passage m’a beaucoup marquée :

“Ne pas accepter sa vulnérabilité, ne pas se montrer vulnérable pour ne pas risquer de ressentir des émotions négatives, pour ne pas risquer d’être jugé et rejeté, c’est aussi fermer la porte aux plus belles émotions positives. On ferme la porte à l’amour vrai, à l’empathie, à l’authenticité, à la joie profonde, à la créativité, à la seule possibilité de partager, de donner, de recevoir.” Maud Simon –Le laboratoire du bonheur

J’ai encore du chemin à parcourir pour apprendre à maîtriser ma colère et pour apprendre à éduquer. Mais j’ai quand même l’impression d’avancer (un peu).