Parler d’éducation positive/ bienveillante/ non violente : une manière de provoquer la culpabilité des parents ?
Il est un sujet qui revient souvent quand on aborde le thème de la parentalité positive, bienveillante ou encore non violente : ce serait une manière de faire culpabiliser les parents.
Si je ne pratique pas la parentalité positive, alors je suis un parent négatif et donc mauvais ?
Si je ne pratique pas la parentalité bienveillante, alors je suis un parent malveillant ?
Si je ne suis pas à la lettre les préceptes de l’éducation non violente, alors je suis un parent violent ?
On risque de créer une fissure entre les parents (les “bienveillants” et les autres) et même de créer une fissure parmi les parents qui (essaient de) pratiquer la bienveillance (ceux qui y arrivent et ceux qui n’y arrivent pas).
Or le sujet n’est pas là : il s’agit plutôt de comprendre que les enfants n’ont pas de mauvaises intentions dans leurs interactions avec nous. Une professionnelle de l’accompagnement parental définit la parentalité positive comme “le fait de chercher l’intention positive du comportement “négatif ” de l’enfant“. Par négatif, on entend le comportement qui nous dérange, qui nous rend impuissant, que l’on considère inapproprié.
Un des piliers de l’éducation telle que j’en parle sur le blog est également la bienveillance envers soi-même. Dans son livre “Il n’y a pas de parents parfaits”, Isabelle Filliozat écrit :
Un enfant n’a pas besoin de parents parfaits, il a besoin de parents suffisamment bons. Un enfant veut rencontrer non un rôle en face de lui, mais une personne, une vraie personne, avec ses émotions et ses propres besoins, ses pensées et ses valeurs, ses compétences et ses limites.
Isabelle Filliozat ajoute que si nous arrivions à moins culpabiliser, nous chercherions moins à nous voir parfaits et nous pourrions davantage assumer nos responsabilités. J’aime beaucoup ce passage de son livre :
On ne peut pas toujours être au top. Quand on n’a pas beaucoup dormi, quand on traverse une période difficile, crier est somme toute humain. Personne, et surtout pas nos enfants, n’attend que nous soyons parfaits. Mais parce-que nous mêmes portons cette exigence de perfection, parce que nous voulons être une bonne mère, un bon père, d’une part nous justifions nos comportements en les nommant éducatifs et, d’autre part, nous n’osons pas demander de l’aide, comme si c’était avouer notre incompétence. Pourtant, introduire un tiers diminuerait notre stress. Pourquoi toujours chercher à tout assumer seul(e) ? Non seulement il n’y a pas de honte à se faire aider, mais le vrai courage est là : cesser de se voiler la face et oser demander !
La culpabilité saine est celle qui nous permet d’être en rapport direct avec nos enfants et pas avec nos certitudes éducatives. C’est elle qui nous permet de ne pas blesser autrui.
Or quand on cherche trop à être parfait, on peut devenir exaspéré de ne pas y arriver (surtout si on a l’impression que les autres y arrivent) et finir par en vouloir à l’enfant de nous empêcher d’atteindre cet idéal de perfection. Je reprends une autre formule d’Isabelle Filliozat :
Toutes les mères sont de mauvaises mères… et de bonnes mères. En fait, elles seraient de meilleures mères si elles ne cherchaient pas tant à être bonnes.
Oui, on peut chercher à faire du mieux qu’on peut sans vouloir être culpabilisé ni se faire imposer une conduite : des études scientifiques vont dans le sens de l’éducation bienveillante, des outils de communication existent, des ressources pour amorcer un travail sur soi sont disponibles, des personnes sont formées pour accompagner et soutenir les parents sur le chemin de la bienveillance… il suffit d’y voir des occasions de progresser et de se les approprier pour qu’ils nous correspondent à chacun.
D’ailleurs, ce sont seulement les blessures refoulées de l’enfance qui provoquent des comportements perturbés plus tard. Quand les parents trouvent le courage d’avouer leurs fautes à l’enfant (je t’ai battu/ hurlé dessus/ puni et je suis désolé de l’humiliation et des douleurs que je t’ai infligées), cette honnêteté a un effet libérateur sur l’enfant.
Devenir bienveillant transforme soi-même et transforme la relation avec les autres. Cet effort sera d’autant plus récompensé que le plus important facteur de résilience (la faculté de surmonter les traumatismes) est la rencontre de personnes bienveillantes, soutenantes, aimantes, aussi bien dans la vie familiale que sociale. Le cerveau humain étant plastique, l’avenir des enfants n’est pas tout tracé : des modifications positives dans les relations familiales quel que soit l’âge de l’enfant pourront « arroser » le cerveau de l’enfant :-).
Pour continuer sur le chemin de la bienveillance, je vous propose
- cette vidéo : Etre bienveillant envers soi-même avant de pouvoir être bienveillant envers ses enfants
- cet article : L’éducation bienveillante, une philosophie et une pensée à incarner avant d’être un ensemble de recettes miracles
Je terminerai sur ces mots de Jesper Juul qui pourraient nous servir de ligne de conduite quand nous sommes confrontés à des parents qui ne sont pas (encore) engagés sur le chemin de la bienveillance :
Beaucoup plus de parents que nous ne l’aurions imaginé sont prêts à entendre et apprendre, mais cela exige naturellement que nous (professionnels, voisins, membres de la famille, partenaires) soyons soucieux de ne pas les aborder avec les mêmes critiques, les mêmes regards réprobateurs, la même négation de leurs compétences que ceux avec lesquels eux-mêmes abordent leurs enfants. Nous devons être prêts à les aborder avec la même écoute personnelle et humaine que celle avec laquelle nous voudrions qu’ils abordent leurs enfants. C’est une éthique applicable et civilisée ! Leurs souffrances sont les mêmes que celles de leurs enfants. Cela fait seulement plus longtemps qu’ils souffrent.
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Source : Il n’y a pas de parent parfait : l’histoire de nos enfants commence par la nôtre d’Isabelle Filliozat (édition Pocket Marabout).
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