Et si nos enfants vivaient plus souvent l’expérience optimale… pour être plus heureux ?
Expérience optimale, une définition
Les personnes qui atteignent fréquemment cet état de développent un soi plus fort, plein de confiance et efficace parce que leur énergie psychique a été investie avec succès dans la réalisation des objectifs qu’ils avaient l’intention de poursuivre.
Quand une personne est capable d’organiser sa conscience de façon à vivre cette expérience optimale le plus souvent possible, la qualité de sa vie s’améliore inévitablement parce que […] même les routines habituelles du travail deviennent intentionnelles et plaisantes. Dans cet état, la personne contrôle son énergie psychique et maintient ou améliore la maîtrise de sa conscience. – Mihály Csíkszentmihályi
L’expérience optimale possède plusieurs composantes :
- buts et règles clairs
- rétroaction
- sentiment de contrôle
- concentration sur la tâche en cours
- motivation
- défi.
Les personnes autotéliques sont caractérisées par la joie de vivre, la curiosité, l’harmonie et l’enthousiasme. Quand on lit la définition que Mihály Csíkszentmihályi donne des personnes autotéliques, on pense à celle que Ken Robinson donne de l’Élément ou à l’état d’esprit de croissance de Carol Dweck.
Les obstacles à l’expérience optimale
Selon Csíkszentmihályi, il existe des obstacles internes et externes au fait de connaître l’expérience optimale :
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Obstacles internes :
- l’inaptitude à contrôler le contenu de la conscience (comme dans la schizophrénie ou le TDA) : des stimuli non pertinents sont traités de manière non volontaire
- une conscience de soi excessive (une personne trop centrée sur ce que les autres peuvent penser d’elle ou qui craint de faire quelque chose d’inadapté, les personnes égocentriques) : l’énergie psychique est prisonnière du soi et il devient difficile de s’intéresser à une activité pour elle même, de trouver une récompense intrinsèque.
- des éléments neurobiologiques : certaines personnes naitraient avec un avantage génétique pour ce qui a trait au contrôle de la conscience. Ces personnes peuvent trouver de l’intérêt dans une situation où les autres s’ennuieraient.
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Obstacles externes :
- les conditions de vie inhospitalières (désert, banquise, manque de nourriture, manque d’eau…) restreignent les possibilité de jouir de la vie
- les conditions sociales négatives (esclavage, oppression, exploitation, destruction de valeurs culturelles) : l’anomie (absence de règles par exemple suite à une crise économique, un changement de culture dominante…) et l’aliénation (les gens sont forcés par le système social à agir à l’encontre de leurs buts intrinsèques) rendent l’expérience optimale quasiment impossible. Les exploiteurs contrôlent l’énergie
- les croyances négatives (par exemple croire que les humains sont mauvais par nature)
- les influences familiales : le type de relation et d’interaction parents/enfants a un impact sur ce que deviendra l’individu
Pourtant, il n’y a pas de pur fatalisme. Les personnes atteintes de TDA peuvent par exemple connaître des moments d’expérience optimale.
Comment favoriser l’éclosion d’une personnalité autotélique chez les enfants ?
Les familles qui créent un contexte autotélique permettent à leurs membres d’épargner beaucoup de l’énergie psychique qu’il devient possible de consacrer à des activités plaisantes. Les enfants savent ce qu’ils peuvent faire ou non car ils n’ont pas à disputer au sujet des règles et ne sont ni préoccupés ni écrasés par les attentes de leurs parents.
Leur attention est libérée des tiraillements, des négations et des luttes de pouvoir si bien qu’elle peut se concentrer sur des activités susceptibles de favoriser l’accroissement de soi.
Csíkszentmihályi écrit qu’il est permis de penser que les enfants victimes de mauvais traitements ou menacés de perdre l’amour parental (la parentalité conditionnelle) seront si préoccupés par la sauvegarde de leur propre soi qu’ils disposeront de bien peu d’énergie pour poursuivre des activités autogratifiantes. Au lieu de chercher la complexité de l’expérience optimale, l’enfant maltraité devenu adulte pourra fort bien se lancer à la poursuite de plaisirs immédiats.
Csíkszentmihályi nous conseille d’appliquer les conditions de l’expérience optimale à la vie de famille.
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un but commun
Pour connaître l’expérience optimale, la famille doit avoir un but intrinsèque (les raisons extrinsèques comme “les autres se marient”, “on a l’âge d’avoir des enfants” ne suffisent pas).
Il s’agit d’abord de buts généraux à long terme (trouver son style de vie, construire la maison idéale, transmettre des valeurs, élever des enfants heureux…), puis de l’apport constant d’objectifs concrets à court terme (préparer un pique nique, prendre le temps de jouer à un jeu de société, planifier des vacances…).
Le but commun doit permettre de favoriser la réalisation des projets individuels et de les harmoniser en trouvant des solutions qui conviennent à chacun et qui satisfassent les besoin des uns et des autres.
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rétroaction
La communication entre les différents membres de la famille ne peut se maintenir qu’à condition que l’activité familiale fournit un retour clair sur les attentes des uns et des autres, sur leurs goûts, sur leurs besoins. Seule une communication ouverte et constante permet l’harmonisation des intérêts.
Cette rétroaction permettra de trouver ensemble des activités qui maintiennent l’unité de la famille.
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équilibre défi/aptitude
Cet équilibre entre défi (nouveauté, challenge) et aptitude (quelque chose dont on se sent capable, qui est à notre portée) permet de casser la routine. Pour retrouver l’enchantement du début du couple ou de la petite enfance, il faut trouver ensemble de nouveaux défis. Ces défis peuvent être simples : varier les habitudes quotidiennes ou hebdomadaires, visiter de nouveaux endroits, trouver de nouveaux sujets de discussion, se connaître mutuellement plus en profondeur.
La famille qui a des projets communs, des canaux de communication ouverts et qui fournit constamment des possibilités d’action dans une atmosphère de confiance crée une vie agréable et fait surgir l’expérience optimale.Mais la famille, comme toute autre interaction humaine, a besoin d’un investissement psychique constant pour assurer sa survie et son bien être.
5 caractéristiques d’une famille qui favorise l’expérience optimale chez ses membres
La clarté
Les enfants savent ce que leurs parents attendent d’eux. Les buts, les règles et les conséquences ne sont pas ambigus.
L’intérêt
L’enfant perçoit que ses parents se préoccupent de ce qu’il fait, pense, aime et ressent.
Le choix
L’enfant sent qu’il a une gamme de possibilités parmi lesquelles il peut choisir sans craindre de reproche ou sans ordre de supériorité.
La confiance
L’enfant à qui on fait confiance dès la petite enfance (motricité libre, participation aux tâches du quotidien, valorisation des efforts…) met de côté les boucliers de défense de son intégrité, il peut être plus authentique et s’impliquer dans ce qui l’intéresse.
Le défi
Les parents s’efforcent de fournir des possibilité d’action de difficulté croissante à mesure que l’enfant grandit.
On pourrait ajouter que l’expérience optimale peut être dirigée vers des activités variées et n’assure pas la vertu. Elle a besoin d’être encadrée par des principes éthiques ou des valeurs morales. Une sixième caractéristique pourrait donc être ajoutée :
Le sens moral
Quand les parents ont eux-mêmes un sens éthique, les enfants sont plus susceptibles de s’orienter vers des actions vertueuses.
L’expérience optimale est importante non seulement parce qu’elle rend l’instant présent plus agréable, mais aussi parce qu’elle favorise la confiance en soi, l’acquisition d’aptitudes et permet des réalisations qui ont un sens pour l’humanité. – Mihály Csíkszentmihályi
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Source : Vivre de Mihály Csíkszentmihályi (édition Pocket). Disponible en médiathèque, en librairie ou sur internet.