Faire face aux grosses crises explosives des enfants
Les marques d’une crise explosive
Les crises explosives sont difficiles à supporter pour les parents, souvent démunis face aux émotions fortes des enfants, mais sont surtout l’expression d’une souffrance chez l’enfant. Les crises explosives sont caractérisées par :
- la longueur (les crises explosives durent un certain temps, en général de quelques minutes à 45/50 minutes)
- l’agressivité (les comportements agressifs peuvent se manifester par le fait de taper, pousser, casser, mordre, jeter des choses…)
- les cris (les paroles prononcées sont violentes comme des menaces ou des injures et le volume est élevé)
- la dangerosité (les actes de l’enfant peuvent être dangereux pour lui-même et/ou pour les autres)
Ces crises peuvent avoir lieu à tout endroit et à tout moment (maison, supermarché, école…), mais sont souvent plus fréquentes et plus fortes en présence des parents (et notamment de la mère qui est la plupart du temps la figure d’attachement primaire) parce que l’enfant décharge ses tensions en présence des personnes qui sont supposées l’aimer de manière inconditionnelle et capables d’accueillir ses souffrances avec amour.
Les causes d’une crise explosive
Tous les comportements des enfants sont une manière de communiquer. Un enfant en crise n’est pas un enfant difficile mais est un enfant qui vit une difficulté. En général, il n’y a pas une raison unique à une crise émotionnelle forte mais les enfants susceptibles de “faire des crises” de manière régulière et disproportionnée présentent des traits communs :
- des difficultés dans l’accueil et la gestion des émotions
- un manque de ressources internes pour faire face aux difficultés
- l’incapacité à communiquer les besoins et les émotions
- manque d’auto régulation (self control)
Ainsi, on comprend que les enfants qui sont souvent en proie avec des crises émotionnelles sont souvent submergés par leurs émotions et manquent d’outils pour les exprimer. Ces enfants ne cherchent pas à manipuler ou embêter les parents mais bel et bien à communiquer. Quand on adopte cette manière d’envisager les crises explosives, il devient évident que ces enfants ont besoin d’accompagnement et de mise à disposition d’outils et de ressources pour les aider à dépasser leurs difficultés.
Des pistes pour agir avec bienveillance
Pendant la crise émotionnelle
Conserver son calme
Myla et Jon Kabat Zin, auteurs de Etre parent en pleine conscience, conseillent aux parents de jeunes enfants de se garder des temps formels de pratique de la pleine conscience aussi souvent que possible (via des cours, des ateliers, des méditations guidées à la maison…) car ces moments de conscience nourrissent le corps et l’âme.
Quand nous sentons revenir des vieux schémas destructeurs (par exemple, un ton de voix dur, du mépris, des critiques, des mots blessants, des gestes brusques annonciateurs de violence…), une occasion précieuse se présente de faire un choix et ce choix est facilité par la pratique de la pleine conscience :
- se laisser aller à ce qui est familier et facile
- tenter de voir clair derrière nos réactions intenses
- Qu’est-ce que je suis en train de faire?
- Pourquoi ai-je une réaction aussi forte à cette situation ?
- Si je continue dans cette direction, où cela va-t-il me mener ?
- De quoi mon enfant a-t-il vraiment besoin en ce moment ?
- Quels sont mes choix ?
En prenant le temps de respirer, de situer l’émotion et la tension qui l’accompagnent dans le corps, nous nous donnons au moins une chance de comprendre que nous sommes victimes d’un vieux sortilège, et nous pouvons peut-être nous en réveiller, avec une réponse plus imaginative, en pleine conscience. – Myla et Jon Kabat Zin
Donner des occasions de décharger l’émotion à fond
Il faut faire sortir le stress avant de chercher à calmer l’enfant :
- sauter,
- crier (crier vers le ciel mais pas crier sur quelqu’un),
- lancer les bras vers le ciel,
- sortir la tension par le mouvement,
- respirer si la charge n’est pas trop forte.
Donner de la tendresse pour remplir le réservoir émotionnel
L’enfant a besoin de carburant dans son réservoir affectif. Pour expliquer l’attachement des enfants aux parents, Lawrence Cohen, psychologue américain, utilise l’image du réservoir d’amour à remplir chaque fois qu’il se vide. La figure primaire d’attachement de l’enfant est la station d’essence auprès de laquelle l’enfant a besoin de s’approvisionner.
Le réservoir de l’enfant est vidé par la faim, la fatigue, l’isolement, la séparation, le stress, les disputes, des blessures, des écorchures… Et une personne dont le réservoir affectif est vide aura tendance à être plus sensible, à chercher de l’affection et de l’attention par des moyens plus ou moins efficaces, à être plus irritable, moins coopérative.
La réponse en urgence face au stress est donc la tendresse : idéalement un câlin pour déclencher la sécrétion d’ocytocine, mais un regard attentif, empathique et tendre peut déjà commencer à calmer l’enfant.
Des outils en prévention
Ecrire les faits pour déterminer l’enchaînement des événements et prévenir les prochaines crises
Il peut être utile de mettre par écrit les étapes et les manifestations de la crise. L’idée est de repérer des similitudes dans les crises afin de déterminer des éléments déclencheurs communs (par exemple, la faim à 11h30 ou le stress à la sortie de l’école). Il est possible de noter l’heure de la crise, sa durée, le lieu, les gestes de l’enfant, les déclencheurs identifiés, les interventions qui ont fonctionné et celles qui n’ont pas fonctionné, l’état de l’enfant (mauvaise nuit ? évaluation à l’école ?…).
Le retour de l’école est particulièrement propice aux crises explosives pour plusieurs raisons :
- l’enfant a été séparé de sa figure d’attachement pendant une longue période,
- la vie en collectivité peut être éprouvante et génératrice de stress (conflits, chute dans la cour de récréation, couchette bruyante lors de la sieste…),
- les besoins de mouvement sont peu satisfaits (nécessité de rester assis, d’aller aux toilettes à des moments précis…),
- les enfants doivent se contrôler en permanence (interdiction de parler en classe, gros effort de concentration…)…
Prévoir des temps de décharge et de créativité dans la routine quotidienne
Le jeu libre est au cœur du développement des enfants. Il est utile de prévoir dans la routine des temps et des espaces de mouvements et de jeux libres afin de prévenir les crises en permettant la décharge émotionnelle et physique.
Par ailleurs, le besoin de créativité est un besoin fondamental des humains. Les enfants ont besoin de créer librement sans contrainte ou guide (dessiner, peindre, écrire, faire tous types de constructions, chanter, danser, jouer de la musique…).
Accorder de l’attention aux besoins physiologiques (sommeil, alimentation, aménagement de l’environnement)
La non satisfaction des besoins physiologiques peut entraîner des crises explosives (faim, manque de sommeil…). Avant de craquer, il est préférable de prendre un temps de pause pour réfléchir aux besoins fondamentaux : un besoin non satisfait ou une émotion forte et désagréable peut conduire l’enfant à un comportement inadapté.
Est-ce que mon enfant :
est en Colère ?
n’a Rien dans le ventre ?
se sent Abandonné ?
est Crevé ?
Un environnement adapté peut également être un outil de prévention efficace. L’idée est de redonner du pouvoir aux enfants en leur permettant de faire par eux-mêmes (mettre les serviettes de toilette à hauteur d’enfant, avoir du matériel créatif en libre disposition…)
L’ambiance matérielle peut être adaptées aux proportions du corps des enfants, de la chambre à la cuisine en passant par la salle de bain : un tour d’observation pour accompagner les gestes quotidiens, un petit lavabo à la salle de bain, des commodes basses à portée de main.
Une ambiance adaptée permet à l’enfant de se dépenser en vue d’une série de buts intéressants, canalisant son activité dans l’ordre et vers le perfectionnement.
Adapter nos attentes en fonction du développement physique et émotionnel de l’enfant
Connaître les étapes de développement physique et émotionnel permet d’avoir des demandes et des attentes réalistes. Comprendre les étapes de la maturation émotionnelle et affective aide à comprendre l’enfant. Le cerveau des petits enfants est immature et ils ne peuvent pas réagir comme des adultes à la frustration, à la difficulté, à la peur…
Repenser l’emploi du temps familial pour intégrer des pauses et des moments de qualité
Raisonner en termes d’aménagement de l’emploi du temps peut aider à prévenir les crises explosives. Ralentir, prévoir des temps pour se reposer, accorder du temps de qualité à chaque membre de la famille participe à la bonne santé mentale. Le contact physique est également essentiel. Tous les moments de pause sont bons à prendre, en dehors de toute visée pédagogique (faire apprendre quelque chose à l’enfant, le stimuler) :
- Des câlins
- Des caresses
- Des massages
- Des jeux en commun
- Des livres lus ensemble
- Des moments et activités partagés
- Des repas pris ensemble le plus souvent possible
- Des tâches quotidiennes réparties équitablement et faites dans la joie
- Du respect mutuel (adultes/ adultes, adultes/ enfants, enfants/ adultes, enfants/ enfants)
- Des besoins prise en compte
- Des moments de résolution de conflits et de médiation
- Des petits mots laissés à l’intention de l’autre
- Des surprises
- Du temps d’attention exclusif
- Des règles et limites exprimées avec respect
- Des recherches de réparations et des excuses
- Des solutions trouvées ensemble
- Des sorties dans la nature
Etre un modèle d’intelligence émotionnelle
Montrer l’exemple est par ailleurs le meilleur moyen d’inciter les enfants à gérer leurs états émotionnels : quand nous sommes énervés (voire franchement excédés), pensons à réagir de la manière dont nous aimerions que nos enfants réagissent.
Par ailleurs, il est important de savoir accueillir les émotions primaires des enfants pour éviter qu’elles ne s’accumulent en tension et dégénèrent en crise explosive.
Enseigner des techniques de gestion émotionnelle et de retour au calme
La parentalité positive, c’est fournir des ressources pour que les enfants sachent les utiliser en situation. – Isabelle Filliozat
On peut enseigner des techniques de retour au calme aux enfants. Cet enseignement se fait toujours en dehors des crises et cela prend du temps ! On peut par exemple proposer aux enfants pendant quelques temps de jouer à souffler dans une paille, puis dans un ballon, puis sur une bougie imaginaire. L’idée est d’enseigner aux enfants à maîtriser leur souffle et de leur offrir une palette de possibilités qu’ils pourront solliciter en cas de besoin.
Par ailleurs, l’acquisition d’un meilleur contrôle de soi peut se faire par le jeu et des responsabilités individuelles à portée des enfants.
Explorer d’autres pistes explicatives
Tous les comportements des enfants n’ont pas de cause émotionnelle. Il est possible d’explorer d’autres pistes avec des professionnels (un médecin généraliste peut orienter vers des professionnels ressources ou renseigner sur les centres locaux d’accompagnement) :
- Trouble de l’attention avec ou sans hyperactivité,
- Anxiété,
- Troubles spécifique de l’apprentissage,
- Hyper ou hyposensibilité,
- Troubles moteur ,
- Troubles du comportement,
- Trouble de la vue, troubles neurovisuels…