Le cododo n’est pas une mauvaise habitude.

Les bienfaits du cododo

Personne n’a jamais décrété que les soins apportés aux bébés ne devaient être dispensés que pendant la journée, nous rappelle Rosa Jové, pédiatre et autrice du livre Dormir sans larmes.

Dans la plupart des cultures humaines (sauf en Europe et en Amérique du Nord), les enfants dorment avec leur mère, et même avec leurs deux parents. Le partage du lit est quelque chose d’habituel dans presque toutes les zones du monde et l’était chez nous aussi il n’y a pas si longtemps que ça. Étonnamment, les couples d’amoureux dorment ensemble même en Occident : on accepte donc que l’amour conjugal passe par le fait d’être ensemble y compris la nuit mais pas l’amour parental (peut-être par peur de l’inceste mais c’est une pensée perverse et issue de la psychanalyse). Et si les parents ont peur de ne plus avoir de relations intimes si l’enfant dort avec eux, rappelons que le lit n’est pas le seul endroit pour cela (et que les femmes qui viennent d’accoucher ont besoin de temps… et qu’il est hors de question que le conjoint les force même “gentiment” comme lu dans un livre de conseils aux jeunes papas).

Une fois de plus, les experts ont décidé qu’il n’y a qu’une seule façon satisfaisante d’élever les enfants, ce qui a eu pour effet de provoquer doutes et soucis chez les parents qui voulaient faire autrement. – Rosa Jové

Les règles du cocodo sécuritaire

Le cododo est recommandé selon certaines garanties :

  • ne pas faire dormir le bébé tête en bas
  • offrir une chambre sûre et propre
  • ne pas user de parfums d’ambiance, d’huiles essentielles ou d’insecticides
  • le matelas doit être assez ferme pour que l’enfant ne s’y retrouve pas piégé (pas de matelas à eau, ni de canapé-lit, ni d’aménagement qui risquerait de coincer le bébé entre le matelas et la paroi). Il existe des berceaux spéciaux dont la barrière peut se baisser et qui peut être accolé au lit; certaines familles choisissent de dormir à même le sol en posant un grand matelas par terre.
  • pas de draps munis de lacets ou de rubans dans lesquels le bébé pourrait s’entortiller
  • pas d’oreiller trop moelleux
  • ne pas couvrir exagérément le bébé (la proximité physique de ses parents suffit à la réchauffer)
  • les parents ne doivent pas être fumeurs (et il est interdit de fumer dans la chambre du bébé)
  • les parents ne doivent pas être sous l’emprise d’une drogue, de l’alcool ou de toute substance qui les empêcherait de réagit rapidement aux besoins et signaux de l’enfant
  • les parents ne doivent pas souffrir d’obésité morbide (qui empêche de se retourner ou de bouger aisément une fois que l’on est couché)

L’enfant va vouloir dormir toute sa vie avec ses parents, c’est une mauvaise habitude !

Une enquête menée en 2004 à Barcelone a porté sur des mères qui ont choisi, dès la naissance de l’enfant, de laisser dormir le bébé avec ses parents tant qu’il en manifesterait le besoin.

Résultat : la plupart de ces enfants cessent de dormir avec leurs parents entre 3 et 4 ans. Aucune mère d’enfant de plus de 6 ans n’a signalé qu’il dormait encore avec elle (sauf dans des circonstances exceptionnelles, comme une maladie).

Pour l’anecdote personnelle, j’ai fait moi-même du cododo… mais avec mon frère ! Je me souviens que nous dormions ensemble jusqu’à ce que j’entre au collège. Ma mère m’a dit que mon frère (plus jeune que moi de 2 ans) voulait tout le temps dormir avec mes parents mais qu’ils ne le voulaient pas avec eux donc qu’il avait trouvé refuge auprès de moi. Pourtant, je vous assure que nous sommes tout à fait normaux et que cette habitude a cessé de nous-mêmes vers 10/11 ans. De même, ma cousine a dormi avec ma grand-mère jusqu’à l’âge de 9 ans. Ses parents étaient divorcés et son père (mon oncle) était revenu vivre chez sa mère (ma grand mère). Du coup, ma cousine dormait avec notre grand-mère quand elle venait un week-end sur deux chez son père… et elle en garde un très bon souvenir (pour info, elle est mariée aujourd’hui et tout à fait indépendante puisqu’elle travaille à son compte).

Les bienfaits du cododo

Les bienfaits du cododo sur le sommeil

Rosa Jové liste les bienfaits du cododo sur le sommeil :

  • le cododo dans le respect des règles sécuritaires réduit les risques de mort subite du nourrisson
  • le cododo permet au bébé de passer plus facilement d’une phase de sommeil à la suivante parce qu’il peut se synchroniser sur la respiration de sa mère et, en cas d’apnée, la respiration de sa mère l’entraîne et lui permet de retrouver la sienne
  • le cododo fait bon ménage avec l’allaitement (la mère n’a pas besoin de se lever pour allaiter)
  • le cododo permet de bien réguler la température corporelle nocturne (la chaleur du corps des parents maintient une température stable et il est donc inutile de trop couvrir l’enfant qui dort accompagné)

Les bienfaits du cododo sur la relation

Les enfants ont constamment besoin d’avoir à leurs côtés la personne qui s’occupe d’eux. Cela est lié à notre nature de mammifère et aux besoins d’attachement. C’est la raison pour laquelle le portage des bébés est si important. Le cododo s’inscrit dans la même optique : combler les besoins de contact physique et de lien affectif des enfants.

Les bébés humains naissent déjà équipés pour détecter le moindre signe de l’absence de leur figure primaire d’attachement (la mère en général) et pour l’appeler aussitôt (par des pleurs notamment) : c’est un mécanisme de survie inscrit dans le patrimoine neurobiologique humain.

Ce “radar” permet à l’enfant de sentir la proximité ou non de ses parents, c’est cela précisément que nous interprétons à tort comme un moyen de nous faire marcher ou comme la preuve que bébé a pris de mauvaises habitudes. Mais il n’en est rien. Les mammifères souffrent d’une altération hormonale de leurs neurotransmetteurs, qui influe sur leurs fonctions vitales : c’est pour cette raison qu’ils ne se sentent pas à l’aise et réclament la présence de leurs géniteurs quand ils sont loin d’eux. – Rosa Jové

Pour aller plus loin : le cododo s’inscrit dans une démarche de proximité corporelle et émotionnelle

Rosa Jové s’étonne que nos sociétés cherchent à ce point à séparer les bébés de leurs parents, en particulier de leurs mères. J’ai envie de reproduire un passage de son livre que je trouve particulièrement éclairant :

Vous avez remarqué le nombre d’objets et de substances que l’industrie du sommeil infantile a mis sur le marché ? A y regarder de plus près, on se rend compte qu’il s’agit tout bêtement de substituts maternels – sauf qu’ils sont vendus en portions, en plastique… et à des prix déments.

En voici une liste :

  • poussettes, landaus, balancelles, berceaux… remplacent les genoux et bras maternels;
  • appareils reproduisant les battements du coeur et même les sons intra-utérins;
  • nounours, poupées, doudous : ça tient compagnie.

Heureusement qu’une mère n’a pas de prix ! Sinon, elle serait quasiment cotée en Bourse… Il suffirait pour juger de sa valeur, d’additionner le prix de toutes ces bricoles !

Et si toutes ces inventions fonctionnent… pourquoi ne pas se servir de l’original plutôt que de la copie ?

Je sais que ce type de discours peut mettre certains parents, et surtout les mères, mal à l’aise. Certaines personnes estiment ce type de discours “culpabilisants” et anti-féministes. Pourtant, la culpabilité est un sentiment personnel et attire notre attention sur une tension entre nos valeurs, nos aspirations profondes et la réalité, nos actes et nos choix. Quand on se sent coupable, cela peut être l’occasion d’aller creuser ce que cette culpabilité veut dire : mes actes sont-ils alignés avec mes valeurs, avec la vie à laquelle j’aspire profondément ? qu’est-ce que je peux faire pour réduire cet écart ? est-ce qu’il y a un deuil à faire (par exemple, le deuil d’un allaitement non poursuivi pour une raison ou une autre) ? Pour ma part, je suis reconnaissante que les biberons et le lait maternel aient existé parce que ma fille, née prématurée, en a eu besoin (avec le recul et les informations que j’ai maintenant, les choses auraient pu être différentes mais c’est un deuil que j’ai fait). Ma fille a donc eu le biberon dès ses 3 mois alors que je désirais un allaitement long mais je ne me sens pas pour autant culpabilisée par les discours qui rappellent les bienfaits de l’allaitement.

Toutes les informations sur ce qu’on appelle le “maternage proximal” nous interpellent parce que nous vivons dans des sociétés où la séparation est normale et même valorisée. Pourtant, cette organisation de la société est en contradiction avec notre nature neurobiologique… et il est donc normal que nous soyons traversés par des émotions douloureuses (émotions douloureuses que nous avons tous connues dès notre naissance… sauf pour celles et ceux qui ont eu la chance d’avoir des parents éclairés et, oserais-je dire, rebelles).

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Source : Dormir sans larmes : Les découvertes de la science du sommeil de 0 à 6 ans de Rosa Jové (éditions Les Arènes). Disponible en médiathèque, en librairie ou sur internet.

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