Tous les enfants sont doués : un livre pour préserver les qualités innées des enfants et révéler leur plein potentiel

chronique tous les enfants sont doués

tous les enfants sont douésCe livre, paru en février 2019, est passé relativement inaperçu mais est pourtant un livre dense et accessible qui va donner matière à réflexion à toutes les personnes qui s’intéressent à la non violence éducative et à la liberté au sens large.

Ce livre n’est pas un manuel d’éducation positive avec des outils pour susciter la coopération ou favoriser la réussite à l’école.  Les auteurs (Gérald Hüther et Uli Hauser) proposent au contraire de repenser l’éducation au regard des découvertes des neurosciences pour ne pas se poser la question de “comment” éduquer les enfants mais plutôt de “pour quoi”.

Ils écrivent : “Les critères permettant d’apprécier ce qu’est un don dans une culture et à une période données varient en fonction du lieu et de l’époque. Ce qui est considéré comme un don dépend toujours de ce que les gens tiennent pour essentiel et précieux là où ils vivent, à un moment donné. Jadis, il importait de savoir cultiver un champ. Aujourd’hui, c’est plutôt de savoir faire fonctionner un ordinateur. L’importance accordée à un don ou à un talent n’a manifestement pas de valeur absolue. […] Nos représentations sont à revoir et nous devons d’abord nous poser cette question : quelle est l’incidence de notre conception du don ainsi marquée par l’esprit du temps, sur ceux que nous estimons par conséquent doués ou pas ? Pour les objets de ce genre d’évaluations, pour les enfants concernés, les deux étiquettes ont des effets tout aussi fâcheux : les uns se considèrent comme des membres plus précieux de notre société; les autres se sentent inférieurs et exclus. Et cela ne sert ni les uns ni les autres.”.

Gerald Hüther, neurobiologiste allemand, et Uli Hauser, journaliste spécialisé dans les questions d’éducation, ajoutent que tous les enfants sont doués, les uns pour ceci et les autres pour cela. Ce n’est pas un problème pour les enfants : seuls les adultes en créent un.

 

Le livre retrace le développement des enfants, de l’utérus à la fin de l’enfance, et rappelle ainsi l’importance des expériences, des stimulations, des encouragements, des récompenses dans le développement du cerveau. Hüther et Hauser insistent sur l’importance à la fois des relations chaleureuses et empathiques et de la liberté laissée aux enfants pour faire et expérimenter.

Ces deux conditions (lien d’attachement et possibilité de croissance via la liberté d’exploration) sont majeures. Quand un enfant ne peut pas vivre ces deux expériences primitives (à cause d’un amour conditionnel – ne pas être aimé tel qu’on est – ou d’un amour grappin – qui empêche l’autonomie et la croissance), le cerveau réagit comme s’il faisait face à des souffrances corporelles. Dans ces cas, les enfants sont contraints de trouver une solution pour mettre un terme à la souffrance. Ils prennent ce qu’ils arrivent à prendre et en viennent à s’en contenter.

 

Hüther et Hauser insistent sur le rôle de l’enthousiasme qui est un “engrais pour le cerveau” (en permettant la création de nouvelles connexions neuronales). Les humains souffrent d’un problème d’enthousiasme quand ils sont confrontés à des expériences négatives (et c’est d’autant plus dommageable dans l’enfance) : un humain ne peut pas être enthousiaste quand il essaie de s’intégrer, quand il cherche des occasions de montrer qu’il est capable mais qu’il reçoit critiques, empêchements, aide non sollicitée ou découragement.

C’est la raison pour laquelle Gérald Hüther et Uli Hauser regrettent que la plupart des enfants n’aient pas le choix que de supporter l’absence de réel amour inconditionnel, les injonctions et les conseils non sollicités, les attentes implicites (ex : je t’aime si…/ je ne t’aime plus quand tu…) et les réactions de rejet, voire de violence (physique et/ou verbale).

Toutes ces expériences s’ancrent dans le cerveau des enfants et prennent la forme, à l’âge adulte, des points de vue figés et vus comme la norme. C’est ainsi que nous vivons dans une société où l’amour est presque inexistant.

Les enfants qui sont marqués par ces expériences défavorables et se positionnent en conséquence sauront au moins faire une chose une fois adultes : supporter un monde sans amour et s’y débrouiller. Tout comme nous. – Gérald Hüther et Uli Hauser

Ce livre nous invite donc à prendre le temps de se pencher sur la définition du mot “amour” afin de comprendre à quel point ce mot a perdu son sens dans nos sociétés modernes occidentales.

Nombre de pères et de mères sont convaincus d’avoir été aimés par leurs parents. Parce qu’il doit en être ainsi, qu’il ne saurait en être autrement. Mais peut-être avions-nous oublié que nos peurs suscitaient plus de colère que de consolation et ne faisaient que nous rendre plus malheureux encore ? Que nous ne pouvions manifester notre fureur, que nous n’avions pas le droit de nous défendre et que nous n’osions pas protester ? Peut-être ne nous rappelons-nous plus le nombre de fois où nous avons entendu : “Qu’est-ce que tu veux encore ?” avant d’être menacés d’une fessée. Peut-être ne nous souvenons-nous plus que nous avons grandi sous les ordres, entre obéissance et sentiment de culpabilité, sans trop savoir le pourquoi du comment. Nul ne grandit sans connaître la vexation ou la déception. Mais jamais nous n’admettrons que nos parents ne nous ont pas aimés. C’est si douloureux que nul n’est prêt à se l’avouer. – Gérald Hüther et Uli Hauser

 

Les auteurs nous rappellent que les enfants ne vivent qu’une seule et unique enfance. En conséquence, ils n’ont pas besoin d’adultes qui “gagnent” du temps (en faisant plusieurs choses à la fois comme consulter le téléphone et jouer) mais rêvent d’avoir des parents qui en “perdent” avec eux et pour eux comme manifestations d’amour inconditionnel et authentique.

Nous ne pouvons aimer sans rien changer à nos habitudes. Nous devrions, plutôt, nous demander comment faire autrement, sachant que rien ne changera si nous ne changeons pas nous-mêmes. Il nous faudra pour cela remettre en question nos certitudes quant à ce qui compte dans la vie et nous efforcer de sortir des sentiers battus de nos chères habitudes. – Gérald Hüther et Uli Hauser

Nos premières expériences déterminent ce que nous pensons et la manière dont nous agirons dans notre vie. Ainsi, l’enfant qui s’est senti aimé transmet cet amour. L’enfant dont les attentes ont été déçues doit essayer de trouver autre chose sur quoi s’appuyer dans la vie. Cette autre chose est un moyen de compensation mais ces moyens sont toujours décevants (ex : nourriture, écrans, cigarette, drogue, sport, sexe, violence…).

En parallèle, quand les besoins d’attachement, d’amour inconditionnel, d’acceptation ne sont pas comblés, les enfants vont essayer de voir s’ils peuvent utiliser certains sentiments perçus chez leurs parents ou éducateurs pour imposer leurs propres intérêts dans l’objectif de servir ces besoins affectifs insatisfaits. Les enfants ont toujours une “bonne” raison d’agir comme ils le font (“bonne” dans le sens où elle sert la vie). Par ailleurs, ce type de comportement ne tombe pas du ciel : les enfants manipulent leurs émotions et les émotions des autres s’ils en ont eu l’exemple. Ainsi, les enfants ne naissent pas manipulateurs mais peuvent le devenir.

Nous avons le pouvoir (et le devoir) de briser ce cercle négatif.

 

Chaque enfant commence son voyage dans la vie doté d’une multitude de possibilités et le rôle de l’éducation consiste dès lors à offrir un environnement riche et ouvert dans lequel les enfants prennent plaisir à explorer et découvrir. Cet environnement va de pair avec une attitude d’acceptation inconditionnelle de la part des adultes : les enfants ont besoin de sentir qu’ils sont acceptés et, osons le dire, aimés tels qu’ils sont et d’être regardés avec l’ensemble de leurs dons (ces dons pouvant aussi bien être le dessin, le fait de grimper aux arbres ou de prendre soin des animaux, que la résolution de problèmes mathématiques ou la rédaction de dissertations).

En complément de ce lien d’attachement, les enfants ont besoin de tâches et défis qui leur permettent d’acquérir leur propres compétences. Ce n’est pas en suivant des directives qu’ils apprennent à prendre des décisions et à développer leurs dons : c’est au contraire en prenant des initiatives personnelles dans la liberté. Le livre Tous les enfants sont doués nous invite à être moins interventionnistes dans la vie des enfants.

L’imagination florissante des enfants s’éteint quand des adultes (notamment parents et enseignants) donnent continuellement des consignes sur ce qu’il faut faire (et surtout ne pas faire), comment le faire, s’agacent des questions hors propos et deviennent des briseurs de rêves (par exemple, quand les découvertes des enfants – qui sont réellement des prouesses dignes de fierté aux yeux des enfants – sont minimisées, relativisées, comparées ou notées, voire punies quand elles entravent le bon déroulement du cours).

Plus un enfant se conforme à ce que les adultes attendent de lui à l’école, moins il se réjouit de tout ce qu’il peut découvrir par lui-même et, pire, moins il cherche à découvrir des choses par lui-même (n’estimant pas utile d’apprendre ce qui n’importe pas aux adultes et donc ce qui ne sera pas utile dans sa vie future). L’enfant sera alors de moins en moins curieux et de moins en moins confiant. En effet, il ne sera plus capable de faire confiance à ses élans d’enthousiasme (et donc à ses émotions). Il ne suivra plus ses goûts en fonction de ce qui déclenche de la joie chez lui mais se contentera d’apprendre ce qui au programme scolaire.

Gérald Hüther et Uli Hauser regrettent que peu d’enfants et d’adolescents (ceux qui sont qualifiés de rebelles) conservent leur ouverture d’esprit originelle.

Il arrive qu’ils deviennent des enfants “difficiles”, “impossibles à éduquer”, “insolents” et “têtus”, de ceux dont, plus tard, les autres diront qu’ils leur tapent sur les nerfs avec leur enthousiasme débridé pour tout ce qu’il leur reste à découvrir : sur eux-mêmes et autour d’eux.

Or c’est justement d’eux, de ces cabochards invétérés, dont toute communauté a besoin, si elle ne veut pas courir le risque de s’enliser dans ses modes de pensée rodés par l’habitude.

Pour Gérald Hüther et Uli Hauser, talents et bonnes notes ne doivent plus être confondus, de même qu’une bonne moyenne ne devrait plus être la seule variable prise en compte pour intégrer telle ou telle filière (la créativité, l’intelligence émotionnelle et relationnelle, la pensée critique, la capacité à travailler en groupe ou encore les excellentes notes dans une matière précise signalant un don particulier ont autant de valeur).

Vivre, c’est plus que courir après les bonnes notes. Vivre, c’est plus que préparer des examens. Les enfants savent faire autre chose que loucher sur un bulletin. C’est les humilier que réduire ce dont ils sont capables aux seules notes obtenues à l’école. – Gérald Hüther et Uli Hauser

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Tous les enfants sont doués de Gérald Hüther et Uli Hauser (éditions Les Arènes) est disponible en médiathèque, en librairie ou sur internet.

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