Regrouper les enfants d’un même âge dans une classe va à l’encontre des besoins humains fondamentaux.
Même âge = mêmes besoins et même immaturité = problèmes
Nous sommes tellement habitués à voir les enfants d’un même âge regroupés dans une classe que nous oublions que ce rassemblement par âge va à l’encontre des besoins humains fondamentaux.
Quand nous réunissons des enfants du même âge, nous réunissons des enfants avec les mêmes besoins qui entrent dès lors en compétition, avec des cerveaux au même stade de développement (et donc d’immaturité).
Multi-âge = tout le monde y trouve son compte
Avant la massification de l’école telle que nous la connaissons aujourd’hui, les enfants de tous les âges jouaient ensemble. Tous les enfants y trouvaient un environnement propice :
- les plus grands, au cerveau plus mature, encadraient les petits et pouvaient être sollicités par eux (comblant leurs besoins d’utilité et de reconnaissance);
- les plus petits pouvaient apprendre des plus grands et les solliciter comme médiateurs ou sources de réconfort (comblant les besoins d’apprentissage et de sécurité);
- tous les enfants pouvaient combler leur besoin d’appartenance à un groupe et gagnaient en compétences.
De nos jours, les enfants sont cantonnés à ne rencontrer que d’autres enfants de leur âge (à un ou deux ans près), y compris dans les activités extra-scolaires. C’est d’autant plus vrai avec la disparition progressive des classes uniques multi-âges, y compris dans les petites écoles de campagne.
Nous sommes si habitués à ce modèle que nous oublions qu’il n’est pas naturel et qu’il induit forcément des problèmes. – Isabelle Filliozat
La responsabilité des adultes : proposer un cadre sécurisant et stimulant
Des classes multi-âges
C’est bel et bien le cadre que les adultes mettent en place (ou “l’ambiance” selon les termes de Maria Montessori) qui influencent la qualité des relations et les apprentissages des enfants.
Selon le cadre que nous mettons en place, les enfants pourront ou non établir entre eux des relations où solidarité et empathie priment sur les jeux de dominance. – Isabelle Filliozat
De nombreux pédagogues se sont penchés sur le multi-âge et l’importance du cadre. Ainsi, Peter Gray (chercheur et universitaire américain, professeur de recherche en psychologie au Boston College) milite en faveur de classes multi-âges, dans lesquels des enfants de tous âges se cotoyeraient. Selon lui, le “mélange” d’enfants de tous âges profitent aussi bien aux petits qu’aux grands.
Une communauté stable et démocratique
Les enfants d’un même âge n’ont pas forcément grand chose à s’apprendre mutuellement : les interactions sont plus riches quand les écarts d’âge sont plus grands. Toutefois, l’immersion dans un groupe multi-âge est bénéfique quand ce groupe est une communauté stable et démocratique.
Les enfants ont besoin de reconnaissance et d’appartenance : les communautés dans lesquelles chaque enfant sait que ses idées et ses actions sont prises en compte et débattues par les autres membres de sa communauté comblent ces deux besoins fondamentaux. Les enfants se sentent à la fois responsables d’eux mêmes mais aussi des autres. Ils apprennent à s’auto gérer, à établir des règles en fonction des besoins de chacun et des problèmes rencontrés au fur et à mesure qu’ils émergent dans la vie en collectivité. Les interactions façonnent le fonctionnement de la communauté.
Des adultes bienveillants et émotionnellement alphabétisés
Ce type de groupe requiert des encadrants adultes bienveillants. Les adultes aidant le développement des enfants ne peuvent pas être des juges ou des censeurs. Une personne qui évaluerait, qui ferait des remarques (comme “mais tu ne sais pas encore ça !”) est la dernière personne à qui les enfants voudraient demander de l’aide (et ils ne lui feraient pas confiance). Ils se sentent plutôt nerveux, angoissés, et même stressés, au contact de ce type de personnes. Par ailleurs, les adultes efficaces sont des adultes émotionnellement alphabétisés capables d’utiliser les conflits comme des occasions pour cultiver des compétences émotionnelles et relationnelles (sans passer par un système de punitions/ récompenses).
Nous pourrions utiliser chaque conflit pour enseigner des compétences sociales, en les accompagnant dans la découverte des sentiments et des besoins des autres et en les aidant à trouver des idées pour résoudre les conflits. Des enfants qui se disputent n’ont que faire d’un arbitre. Ils ont besoin d’un médiateur qui ne juge ni interprète mais les aide à s’écouter et se comprendre. Un conflit bien accompagné permet de découvrir les sentiments et les motivations de l’autre, et de se rencontrer à un niveau plus profond. – Isabelle Filliozat
Les adultes bienveillants, qui n’émettent pas de jugement en fonction de normes, de paliers par âge, sont ceux vers lesquels les enfants pourront se tourner en cas de difficultés, et auxquels ils pourront se confier : “Je ne sais pas du tout comment faire. Je me suis trompé. J’ai besoin d’aide.”
Le multi-âge n’est pas une utopie
Ces types d’organisation ne sont pas des utopies et existent déjà un peu partout dans le monde. En voici 2 exemples en France :
– L’école dynamique à Paris (inspirée par l’école démocratique Sudbury aux Etats Unis)
– L’école du 3° type de Bernard Collot (des écoles publiques « sans cahiers, sans leçons, sans programmes, sans évaluations, sans horaires, sans emploi du temps, ouvertes aux enfants et aux adultes même pendant les vacances »).
L’importance des phénomènes de harcèlement doit nous alerter sur le fait que l’institution scolaire est loin d’être toujours un lieu de socialisation positive. – Isabelle Filliozat
Pour aller plus loin : L’école mutuelle, une pédagogie trop efficace ? de Anne Querrien (éditions Empécheurs de penser rond)
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Inspiration : L’amitié – Se faire des copains et les garder – Les cahiers Filliozat de Isabelle Filliozat (éditions Nathan). Disponible en médiathèque, en librairie ou sur internet.
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