Pourquoi et comment supprimer le chantage dans l’éducation des enfants ?
Quel est l’intérêt de supprimer le chantage dans l’éducation des enfants ?
Les récompenses du type “Si… alors ” (“si tu as une bonne note, alors tu auras un cadeau”/ “si tu manges de la viande, alors tu auras le droit à un dessert”) sont rarement efficaces car les enfants ne se mettent pas en mouvement pour eux-mêmes dans ce cas, mais pour :
- faire plaisir,
- ne pas décevoir,
- avoir la paix
- recevoir une récompense.
On parle alors de motivation extrinsèque : on peut alors facilement tomber dans un système de punition/ récompense, de chantage, voire de menace. L’enfant obéira peut-être sur le court terme mais les “si…alors” ne participent pas à l’émergence d’un jeune acteur de sa vie, sachant s’engager en responsabilité individuelle et se mettre en mouvement pour ce qui lui tient à cœur.
Haïm Ginott, précurseur de la parentalité positive, écrit dans son livre Entre parent et enfant :
Cette approche sous forme de “si tu… alors” peut à l’occasion pousser l’enfant à atteindre immédiatement la récompense proposée. Mais elle ne l’inspire que rarement, ou même jamais, à fournir des efforts continus. Chacune de nos paroles lui laisse entendre que nous mettons en doute ses capacités à progresser. Il y a aussi quelque chose d’immoral à promettre des récompenses comme monnaie d’échange. Certains enfants en viennent à mal se conduire de façon intentionnelle afin d’obtenir une rémunération pour leur bonne conduite.
Pas si facile que ça !
Supprimer le chantage et les récompenses du type “Si…alors” n’est pas si facile que cela en a l’air. Parfois, nous ne nous rendons pas compte que nous y avons recours et nous manquons d’idées pour les remplacer.
Nous tous parents sommes tentés d’abuser du chantage du type :”si tu ne manges pas tes légumes, alors tu n’auras pas de dessert”, “si tu tapes ta sœur, tu seras punis dans ta chambre“, “si tu vas à la douche maintenant, alors on regardera un dessin animé après“.
Comment remplacer chantage et menaces dans l’éducation ?
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Laisser l’enfant faire l’expérience des conséquences de son comportement
Les conséquences peuvent être naturelles quand aucune intervention de l’adulte n’est nécessaire. L’expérience de la conséquence naturelle offre d’excellentes opportunités d’apprentissage à l’enfant (à condition de ne pas l’accompagner d’un « Tu vois, je t’avais prévenu; bien fait pour toi ! »).
Les conséquences logiques demandent l’intervention d’un adulte ou d’un autre enfant. Elles s’accompagnent parfois de la nécessité d’être énoncées à l’avance. Elles peuvent prendre la forme de
- choix (soit tu arrêtes de faire du bruit, soit tu quittes la pièce),
- redirection positive de l’action (pour faire du bruit, c’est dehors ou dans ta chambre),
- demandes non violentes (quand tu fais du bruit en jouant, cela me dérange. Or j’ai besoin de calme quand je lis et je te demande de jouer ailleurs ou de trouver une manière de jouer silencieusement si tu souhaites rester dans la même pièce que moi), de réflexion (qu’est-ce qui pourrait t’aider à jouer sans pour autant faire de bruit ?),
- résolution de problème,
- passage à l’acte : passer à l’action pour protéger les personnes, les biens, soi-même, la relation (des exemples ici).
Ginott expose une situation dans laquelle la mère a remplacé ses menaces (“si tu continues, tu seras puni/ tu ne reverras plus jamais ce pistolet”) par le recours aux conséquences logiques :
Un enfant de 7 ans tire sur son petit frère avec un pistolet à flèches en mousse. La mère dit : “Pas sur le bébé. Tire sur ta cible.” (redirection)
Le garçon tire de nouveau sur son frère. La mère retire le pistolet : “On ne tire pas sur les gens.” (passage à l’action)
Dans l’exemple ci-dessus, la mère ne recourt pas aux menaces et les règles, connues à l’avance par l’enfant, sont raisonnables et non humiliantes.
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Inviter les enfants à trouver leurs propres solutions, acceptables par toute la famille
L’adulte peut demander à l’enfant s’il a des idées pour
– réparer les dommages causés,
– éviter le problème à l’avenir.
Cela peut passer par des questions du type : « Est-ce que tu as une idée pour ne plus te retrouver dans telle situation/ réparer le mal que tu as causé à untel/ dédommager telle chose cassée ou volée ? »
Quand l’enfant manque d’idées, l’adulte peut lui proposer des suggestions afin de parvenir à un accord satisfaisant à la fois l’enfant et l’adulte.
Dans tous les cas, ne pas oublier d’encourager l’enfant :
– oralement : « Cela me semble une bonne idée ! »
– physiquement (par exemple, accompagner l’enfant chez le marchand qu’il a volé pour le soutenir moralement dans la présentation de ses excuses).
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Permettre à l’enfant d’éprouver son autonomie
Dans Parler pour que les enfants écoutent, écouter pour que les enfants parlent, Faber et Mazlish conseillent de donner un choix à l’enfant dans les situations conflictuelles.
Si un enfant court dans un supermarché, plutôt que lui dire “Si tu continues à courir, alors pas de télé pour toi ce soir”, elles suggèrent de :
- lui indiquer une façon de se rendre utile (choisir les tomates ou aller chercher une brique de lait par exemple),
- lui proposer des alternatives (“Tu peux marcher ou plutôt t’asseoir dans le chariot”).
- lui indiquer des moyens de redresser la situation parmi lesquels il pourra choisir.
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Remplacer “Si” par “Dès que” et compléter avec des questions
Jane Nelsen dans son livre La discipline positive écrit
Dès que tu auras rangé tes jouets, nous pourrons aller au parc est plus efficace que Si tu ranges tes jouets, nous irons au parc. L’approche “dès que.. on…,” implique que le choix d’aller au parc n’est pas vraiment un enjeu pour nous. Le ton utilisé lors de la formulation doit indiquer que l’adulte n’interviendra pas tant que la condition n’est pas remplie. L’enfant fera ainsi l’expérience des conséquences de ses choix. A l’enfant de s’acquitter de sa responsabilité s’il a vraiment envie d’y aller.
L’idée est de remplacer la notion de condition par une notion de temps : quand, aussitôt que, dès que.
Par contre, si, pour une raison ou une autre, nous devons nous rendre au parc, nous choisirons plutôt de procéder avec des questions de curiosité : Qu’est ce qu’il faut faire pour être prêts à partir ? – Jane Nelsen
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Remplacer les récompenses par des surprises inattendues et ponctuelles
Dans son livre Entre parent et enfant, Haïm Ginott écrit :
Certains parents ont été à ce point conditionnés par leurs enfants qu’ils n’osent plus revenir des courses sans rapporter un cadeau. Les enfants les accueillent non par un bonjour mais par un “que m’as-tu rapporté ?“.
Les marques d’affection sous forme de surprises sont plus efficaces et plus agréables quand elles ne sont pas prévues à l’avance ou ne font pas l’objet d’un marchandage. Les surprises reprennent alors leur signification : reconnaissance et appréciation.
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Pratiquer l’écoute empathique et le reflet des émotions
Le parent essaie de comprendre ce que ressent l’enfant, de saisir le message caché derrière un comportement inapproprié. Ensuite, le parent transforme sa compréhension dans ses propres mots et retourne le message à l’enfant pour vérification. Mais le parent devra être attentif à ne pas transformer son propre message en évaluation, en opinion, en conseil, en raisonnement, en analyse ou encore en question. L’écoute empathique aide l’enfant à en dire plus, à approfondir, à mieux développer sa pensée. Finalement, l’écoute empathique aide l’enfant à trouver ses propres solutions à ses problèmes.
Tu aimerais pouvoir/ tu aimerais mieux… / tu n’aimerais pas…
Tu détestes sûrement…
Tu as l’air/ tu sembles/ j’ai l’impression que tu es…
Tu veux dire que…/Tu crois que…
Cette chose/ cet événement/ cette décision te paraît injuste.
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Faire preuve de gratitude
Pour un enfant qui ne met jamais son linge au sale ou qui ne débarrasse jamais la table, c’est littéralement un exploit le jour où il le fait spontanément. Mais pensons-nous à lui faire remarquer comme cela nous fait plaisir ? A lui faire part de notre satisfaction ?
Dire à l’enfant quelques mots positifs dans ces cas-là, dans ces tout petits riens, c’est lui donner envie de reproduire cette situation positive et valorisante pour lui. Il éprouvera une immense satisfaction.
La manière de valoriser les petits exploits du quotidien par un renforcement positif est très importante. Il ne s’agit pas de faire de l’ironie ou de se moquer de l’enfant mais bel et bien de :
1. exprimer de la gratitude pour son attitude qui facilite le quotidien : dire merci
- Merci de m’avoir aidé à…
- Merci d’avoir fait…. parce que cela signifie que nous pouvons maintenant…
- Ça rend les matins/ repas/ sorties plus agréables quand tu… et je t’en remercie
2. partager nos sentiments et expliquer pourquoi nous sommes reconnaissants envers notre enfant
- Je suis content(e) quand tu…
- Je suis fier(e) de toi
- ça me fait plaisir/ chaud au cœur quand tu…
- J’apprécie vraiment quand tu…
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Passer par le jeu (imagination et humour)
Je vous invite à lire ces deux articles :
Les bienfaits de l’humour dans l’éducation en 6 exemples