La créativité, c’est quoi exactement ?
André Tricot, psychologue et professeur d’Université, définit la créativité comme la capacité à trouver une solution originale à un problème ouvert. Le problème est vu ici comme un but à atteindre sans solution immédiate et facile. Le fait qu’il soit ouvert suppose qu’il existe plusieurs solutions possibles et que la résolution du problème consiste à en choisir une parmi d’autres. La solution est bonne quand ce qui est conçu satisfait les besoins déclenchés par le problème. L’originalité tient au caractère original, pertinent, non commun et non spontané de la solution trouvée.
La créativité, ça s’apprend ?
André Tricot estime que la créativité s’apprend car on ne naît pas créatif (ou a contrario “incréatifs”, infertiles). On peut devenir créatifs. Il existe des techniques à maîtriser pour être plus créatifs et celles-ci peuvent être apprises, que ce soit à l’école ou à la maison.
Être compétent : nécessaire mais pas suffisante
Dans son intervention, André Tricot explique qu’être compétent facilite la résolution de problème. La compétence permet de :
- libérer des ressources intellectuelles pour réfléchir et ne pas aller au plus simple, au plus évident;
- bien poser le problème, se poser les bonnes question, la probabilité de trouver une solution originale résidant dans la qualité de la définition du but;
- connaître les solutions existantes, voir en quoi elles ne conviennent pas, éventuellement s’appuyer sur les lacunes ou les forces de ces solutions comme point de départ.
Le psychologue prend pour exemple Mozart et Einstein : c’est parce qu’ils étaient des experts dans leurs domaines qu’ils ont pu atteindre des sommets de créativité. Pour des enfants, la compétence ne s’entendrait pas forcément au sens d’expertise, de connaissances pointues dans un domaine mais plutôt au sens de découverte du monde et des gens, à leur niveau de compréhension.
Je pense à un exemple du type : “Fabriquer un arbre en Lego“. Il s’agit alors pour les enfants d’avoir diverses conceptions d’arbres en tête : cela peut être un sapin, un chêne, un palmier, un gros arbre centenaire ou un petit arbuste, un arbre vert au printemps ou un arbre nu en hiver, un arbre avec ou sans fruits… Plus l’enfant aura de représentations d’arbres en tête, plus il pourra se montrer créatif en fonction du matériel à disposition. Comment construire un arbre avec seulement des cubes oranges et rouges ? C’est seulement possible si l’enfant pense aux couleurs des feuilles d’un arbre en automne.
D’où l’importance de la lecture de toutes sortes de livres aux enfants, des sorties culturelles, des balades en nature, des activités manuelles et sensorielles, du sport et du mouvement, de la cuisine, de l’encouragement de l’expression orale et du questionnement, ou encore du jeu libre et de la lenteur. La lenteur permet d’observer, d’absorber, de rêver, d’imaginer, de (se) poser des questions, d’expérimenter, de faire des erreurs, d’apprendre.
9 techniques de créativité qui peuvent être appliquées et développées avec les enfants
1. Apprendre à lâcher prise et se défocaliser
André Tricot prend l’exemple du problème de la corde.
Il explique qu’il est difficile de se défocaliser quand plusieurs réponses sont imposées. Notre cerveau est comme bloqué; il a du mal à aller chercher ailleurs. En cela, il rejoint Ken Robinson qui critique les QCM (questionnaire à choix multiple) comme des “assassins” de créativité à l’école.
Etre créatif, c’est mettre de côté le chemin court pour prendre des chemins de côté.
Le chemin le plus court, le plus simple, le plus évident n’est pas toujours le meilleur. En ce sens, développer sa créativité, c’est apprendre à prendre du recul sur ce qu’on a tellement intégré qu’on a l’impression que ça vient tout seul. c’est apprendre à mettre en doute la ou les premières idées.
2. Générer un grand nombre de solutions possibles
On peut apprendre aux enfants dès leur plus jeune âge à ne pas se contenter d’une seule réponse à une question. On peut leur apprendre à imaginer plusieurs suites ou plusieurs fins à une histoire lue, à une film ou à un dessin animé. On peut leur apprendre à se poser la question “et si ?”.
On peut leur apprendre à ne pas se limiter en les guidant avec des questions ouvertes : “Qu’est-ce qui t’a fait penser à ça ?”, “A quoi ça te fait penser d’autre ?” et leur dire qu’on fera le tri une fois toutes les solutions considérées.
3. Résister à la pression majoritaire
Etre créatif, c’est aussi accepter de sortir de la soumission et de la pensée dominante. Devenir créatif, c’est apprendre à ne pas être simple imitateur et conformiste, mais à se penser en inventeur.
4. Faire des analogies
Faire des analogies profondes et pertinentes avec d’autres domaines nécessite une ouverture d’esprit avant d’avoir des connaissances et de la culture générale. Plus on est ouvert, plus on peut faire d’analogies, plus on ouvre le champ des possibles. De nombreuses inventions sont nées du mariage de deux idées qui appartiennent a priori à des univers différents (comme le kitesurf à partir d’un surf et d’une voile). Pour les enfants, il propose de combiner deux images au hasard et d’imaginer quelles innovations pourraient naître de ces rencontres. Par exemple, un chat et une bague : des bijoux pour animaux ? ou encore une bague en forme de chat qui ronronne quand on la caresse ?
5. Dépasser la peur de l’erreur
Vous pouvez répéter des phrases encourageants comme celles-ci à votre enfant :
Il n’y a jamais d’échec, il n’y a que des expériences.
Les enfants ont le droit de se tromper, ils en ont même le devoir.
Il n’y a pas d’erreurs bêtes, il n’y a que des erreurs intelligentes.
Apprends à échouer ou tu échoueras à apprendre.
Si tu n’es pas prêt(e) à te tromper, tu ne trouveras rien d’original.
L’important est que les choses soient faites, pas parfaites.
Réfléchir, c’est au moins autant se poser des questions qu’apporter des réponses.
Échouer, c’est apprendre !
Le succès, c’est d’aller d’échec en échec sans perdre son enthousiasme.
6. En tant qu’adultes, ne pas intervenir, guider ou s’introduire dans le processus créatif
Si on fait comprendre à l’enfant qu’on sait tout mieux que lui, qu’on a déjà tout fait avant lui, qu’on intervient systématiquement dans ses entreprises, nous le privons de l’expérimentation active et nous risquons de saper sa confiance en lui, son envie d’essayer, de faire seul.
7. Se concentrer sur le processus
L’enfant qui a le goût du processus, de l’action, du ressenti sera plus créatif et épanoui que l’enfant qui agit par volonté de faire plaisir ou de créer un objet beau ou du moins qui ressemble à quelque chose validé par les adultes. En tant que parents et adultes, nous pouvons encourager les enfants de manière à ce qu’ils accordent plus d’importance au processus de réflexion qu’au résultat. Un encouragement efficace porte sur :
- les efforts mis par l’enfant dans son travail (“tu as beaucoup travaillé et tu t’es concentré fort”, “cela t’a demandé des efforts”)
- la description du résultat sans jugement de valeur (“je vois du bleu, je vois des triangles, ça me fait penser à…” plutôt que “c’est beau”, “c’est bien”)
Je vous propose ces deux articles pour aller plus loin :
30 propositions pour encourager efficacement les enfants
Quand l’attention et la présence sont plus efficaces que les compliments
8. Montrer l’exemple par nos actes et notre être
Les enfants prennent exemple sur nous, sur ce que nous sommes : notre façon d’être, notre vision de la vie, la place que nous accordons à nos passions, le regard que nous portons sur eux.
9. Donner le goût de la différence
L’enfant est une combinaison unique au monde de chromosomes, comme le sera la destinée qu’il se choisit.
Pour aller plus loin, une sélection de livres avec des activités de pensée créative pour les enfants :
Libérons la créativité de nos enfants de Marie Gervais (éditions de la Martinière)
Manuel de pensée géniale de Philippe Brasseur (éditions Casterman) : MA référence sur le sujet
L’Élément : Quand trouver sa voie peut tout changer ! de Ken Robinson (éditions PlayBac )