8 pistes pour allier fermeté et bienveillance
Voici 8 pistes pour allier fermeté et bienveillance dans l’éducation, inspirées du livre Entre parent et enfant de Haïm Ginott.
1. Ecouter, un préalable.
Haïm Ginott explique que c’est la manière dont les parents réagissent aux vérités qui leur déplaisent qui détermineront le niveau de confiance que les enfants leur accorderont. Sans ce climat de confiance, les enfants ne diront pas leur vérité. Des commentaires qui nient la réalité, le vécu ou les sentiments de l’enfant découragent les enfants de se confier :
“Quelle idée insensée !” (rejet)
“Tu sais bien que tu ne me détestes pas.” (négation)
“Tu es toujours prêt à te battre.” (critique)
“Qu’est-ce qui te fait croire que tu es si formidable ?” (humiliation)
“Je ne veux plus rien entendre à ce sujet.” (colère)
L’écoute empathique pourrait passer par des messages comme :
“Oh, je vois. J’apprécie quand tu me fais part de ce que tu ressens vraiment. C’est donc ce que tu penses vraiment. Merci d’attirer mon attention.”
Pour autant, accueillir ne veut pas dire être d’accord. C’est une manière respectueuse d’ouvrir le dialogue, en prenant au sérieux ce que raconte l’enfant. On reflète les paroles de l’enfant en cherchant à savoir ce qu’il cherche à exprimer. Haïm Ginott parle de “miroir émotionnel” : sa fonction consiste à refléter les sentiments, tels qu’ils sont, sans distorsion.
“Tu as l’air en colère”
“J’ai l’impression que tu le détestes”
“Tu sembles dégoûté de toute cette affaire”
Pour aller plus loin sur le sujet de l’écoute empathique, je vous invite à lire cet article : 5 clés pour une écoute efficace entre parents et enfants.
2. Ne pas nier les perceptions de l’enfant et ne pas contester ce qu’il ressent.
En tant que parent, nous avons tendance (même involontairement) à :
- nier les perceptions de l’enfant (non, l’eau de la mer n’est pas froide)
- contester ce que l’enfant ressent (non, la soupe n’est pas trop salée, je n’ai presque pas mis de sel)
- désavouer ce que l’enfant souhaite (c’est pour les bébés, tu es un grand maintenant)
- se moquer de ses goûts (tu ne vas pas mettre un maillot rose, c’est pour les filles)
- dénigrer ses opinions (tu n’as pas aimé ce film, c’est que tu n’as rien compris, il est très bien)
- se plaindre de son caractère (tu fais toujours des caprices)
- lui reprocher une expérience vécue (tu n’aurais pas dû réagir comme ça)
On peut prendre les paroles de l’enfant au sérieux sans le blâmer. On ne fait alors qu’exprimer du respect pour l’opinion de l’enfant : “Ah oui, tu trouves que c’est trop chaud/ ah mince, tu trouves que c’est trop froid/ tu n’aimes pas quand c’est trop salé à ton goût”.
3. Guider au lieu de critiquer.
Quand nos enfants rencontrent des problèmes, nous pouvons les aider à :
- identifier le problème (“la date de retour de ton livre est passée”)
- proposer une solution (“quand peux-tu passer à la bibliothèque ?”)
En tant que parents, nous pouvons utiliser les questions ouvertes pour aider les enfants à résoudre leurs problèmes. Voici des questions proposées par Isabelle Filliozat (psychothérapeute) dans son livre Il me cherche dans le cadre de la résolution de problème :
– Décrire la situation (qu’est-ce qui s’est passé ?)
– Décrire ce qu’il a ressenti (qu’est-ce que tu as ressenti ?)
– Décrire ce qu’il s’est dit (qu’est-ce que tu t’es dit ?)
– Décrire ce qu’il a fait (et après, qu’est-ce qui s’est passé ? qu’as-tu tenté de dire ou de faire ? comment ça a fonctionné ? comment tu t’en es sorti ?)
– Prendre conscience de ce que les autres protagonistes ont dû ressentir (comment X s’est-elle sentie à ton avis ?)
– Comprendre les enchaînements (maintenant que tu m’as raconté tout ça, comment comprends-tu ce qui s’est passé ?)
– Trouver des pistes/ des solutions (de quoi as-tu besoin ? que pourrais-tu faire ? si on essayait de trouver 3 manières différentes de réagir ? qu’est-ce que tu décides de faire ?)
– Evaluer les résultats (on en reparle dans 2 jours pour voir comment ça a fonctionné)
4. Décrire au lieu de se fâcher.
Si vous êtes en colère, vous pouvez décrire
1. ce que vous voyez (quand tu… – description objective de la situation observée),
2. comment vous vous sentez (je me sens…),
3. quelles sont vos attentes (j’ai besoin de… et je te demande de…/ serais-tu prêt à…?).
Quand vous commencez votre phrase par le pronom Je, vous éviterez d’attaquer l’enfant. Si l’enfant n’est pas prêt à répondre aux attentes, on peut alors entendre les besoins et attentes de l’enfant avant de trouver une solution qui convienne aux deux parties.
5. Encourager en étant descriptif.
Pour exprimer de la gratitude à notre enfant, on n’a pas besoin de passer par des éloges ou des récompenses. La gratitude sincère est le fait de célébrer le comportement de quelqu’un qui a enrichi notre vie.
Marshall Rosenberg (fondateur de la communication non violente) propose de partir d’une énergie sincère qui souhaite célébrer ce que nous apprécions ou admirons chez l’autre. La gratitude sincère exprime 3 choses clairement :
- ce que la personne a fait, en évitant les adjectifs ou adverbes de valeur (excellent, bien, bonne)
Les assiettes et les verres sont tous en ordre maintenant. C’était beaucoup de travail et tu l’as fait.
- comment nous nous sentons par rapport à cela
Je suis contente, ça va me faciliter la vie.
- quels sont nos besoins comblés par ce comportement
Je pourrai facilement retrouver ce dont j’ai besoin. Je te remercie.
Face à ces paroles de reconnaissance, l’enfant pourra tirer de lui même ses propres conclusions : “Ma mère aime ce que je fais. Je travaille bien.”
6. Adoucir la réalité par l’imaginaire.
Si vous êtes incapables d’accorder réellement quelque chose à l’enfant, accordez-le lui par l’imaginaire. C’est une façon de dire non sans faire mal. C’est moins blessant si on accueille au moins les désirs de l’enfant. – Haïm Ginott
On peut le faire en décrivant les désirs des enfants tels qu’on les comprend : “C’est vrai qu’il est beau ce vélo avec ses flammes bleues/ son gros klaxon. Je sais que tu aimerais te promener au parc et te rendre à l’école en vélo. Comme la vie serait plus amusante/ facile! A l’heure actuelle, notre budget ne nous le permet pas/ je n’ai pas prévu de t’acheter un vélo. Par contre, on peut le mettre sur ta liste de Noël/ d’anniversaire. Je l’écris ou tu l’écris ?”
Lire aussi cet article sur l’imagination au service de l’éducation pour plus d’exemples.
7. Accorder un droit de parole.
Haïm Ginott explique que la dépendance engendre de l’hostilité. Accorder plus d’autonomie réduit l’hostilité.
Laisser l’enfant prendre des décisions dans certains domaines qui affectent sa vie, c’est lui donner la conviction qu’il est important et compétent. Par exemple : “L’heure du coucher, c’est entre 20h et 21h. Tu décides quand tu es assez fatigué pour aller te coucher.”
8. Faire une nette distinction entre désirs, émotions et actes.
On pose des limites aux actes, on ne restreint pas les sentiments. Haïm Ginott explique que la plupart des problèmes disciplinaires comportent 2 parties :
-
les émotions de colère
On doit identifier les émotions grâce au miroir émotionnel (voir point 1.) et aider l’enfant à passer de la colère explosive à la colère exprimée avec respect (voir cet article pour des réactions bienveillantes face à un enfant en crise).
L’identification des émotions de l’enfant suffit à désamorcer certaines crises.
-
les gestes de colère
Un comportement destructeur ne doit être toléré en aucun cas. En tant que parent, on ne laissera pas l’enfant taper ou insulter quiconque ou se faire mal à lui-même. Haïm Ginott écrit :
Si un comportement destructeur se produit, les parents interviennent et l’orientent vers des exutoires verbaux et d’autres canaux symboliques. Les exécutoires symboliques permis sont : faire des dessins “méchants”; courir autour de la maison; composer des poèmes satiriques…
Il prend des exemples dans son livre Entre parent et enfant :
Quand Margot, 4 ans, veut couper la queue du chat pour voir ce qu’il y a dedans, son père a accueilli sa curiosité scientifique mais il a limité son geste en termes non ambigus : “Je sais que tu veux savoir à quoi ça ressemble à l’intérieur. La queue doit rester où elle est. On peut essayer de trouver une image qui montre comment c’est fait à l’intérieur.”
Quand Théo, 5 ans, dessine sur le mur du salon, sa maman dit : “Non, Théo. Les murs ne sont pas faits pour dessiner. Le papier, c’est fait pour ça. Voici trois feuilles de papier.” Puis elle peut inviter Théo à nettoyer avec elle.
Lire aussi : 6 manières d’utiliser le jeu pour canaliser l’agressivité des enfants
Le fait de poser des limites aux pulsions des enfants et de répondre sans colère excessive à leurs comportements inacceptables délivre aux enfants le message qu’ils sont en sécurité avec leurs parents car ces derniers ne les laisseront jamais aller trop loin.
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Source : Entre parent et enfant de Haïm Ginott (éditions L’Atelier des Parents). Disponible en médiathèque, en librairie ou sur internet.
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