Mon enfant me coupe la parole : comment réagir ?
Des compétences de gestion de l’impulsivité non encore acquises
Un enfant qui coupe la parole a un message à faire passer ou alors n’a pas (encore) appris à attendre son tour. L’impulsivité, c’est agir sans réfléchir et sans délai. A l’inverse, l’inhibition de l’impulsivité, c’est se contrôler, retenir un geste ou une réponse automatiques, résister à la distraction et s’imposer un délai. Il est possible d’outiller les enfants avec des stratégies de régulation de leur impulsivité sans passer par des punitions ou des interventions coercitives. Eduquer est synonyme d’enseigner, non pas de punir.
On peut fournir des techniques d’auto-contrôle aux enfants, comme compter jusqu’à 5 ou respirer 3 fois avant de parler. Faire prendre conscience à l’enfant des techniques qui marchent leur permet de développer leur capacité à attendre : “C’était un effort pour toi de te retenir de parler tout de suite, mais tu as pris le temps de réfléchir et c’est une stratégie gagnante”
Pour aller plus loin : Education émotionnelle et relationnelle : 3 manières d’aider les enfants à réguler leur impulsivité
Voir la recherche de relation derrière la recherche d’attention
Peut-être qu’un enfant qui coupe systématiquement la parole a un besoin non comblé : une peur d’être mis de côté, de la jalousie envers l’interlocuteur, un besoin d’attention et de câlin, un besoin de passer un message important sans savoir comment l’exprimer avec des mots…
J’aime bien cette citation de Lawrence Cohen dans “Qui veut jouer avec moi ?” :
Cela me sidère d’entendre un adulte se plaindre qu’un enfant “n’a fait ceci ou cela que pour attirer l’attention”. Il me semble naturel qu’un enfant qui en manque fasse des pieds et des mains pour en obtenir. Pourquoi ne pas lui en accorder ?
Une solution dans ce cas peut être simplement de passer plus de temps seul(e) avec l’enfant, de jouer avec lui sans autre distraction, de lui accorder une attention pleine et entière à des moments prévus et dédiés. Isabelle Filliozat recommande de passer au moins 10 minutes par jour « d’exclusivité totale » avec chacun des enfants pour remplir leur réservoir affectif.
Lire aussi : Il/ elle cherche à attirer l’attention !
La préparation en amont : anticiper
Etablir des règles
Pour instaurer de la coopération à la maison, l’outil principal est la création des règles de vie en famille. Ces règle définiront le cadre du bien-être et de la sécurité de chacun.
Quand un enfant participe à l’élaboration de ses règles et sait qu’elles s’appliqueront à tous les membres de la famille (à moi non plus, on ne me coupera pas la parole quand je parle), il est plus enclin à la respecter.
Ces règles peuvent être établies lors d’un temps d’échange en famille ou lors d’une réunion de résolution des conflits.
Anticiper et prévenir
En amont, on peut aussi prévenir au maximum à l’avance si on a un rendez-vous, des invités ou un coup de téléphone à passer. On dira à l’enfant quand on ne sera pas disponible, pour combien de temps, éventuellement pour quelle raison.
Dans le cas d’un rendez-vous ou d’un coup de fil avec un temps défini, on peut symboliser le temps avec un minuteur. Ou alors dire à l’enfant qu’on fera un signal sonore quand on sera à nouveau disponible (avec une cloche, avec une chanson…).
Si on anticipe une situation compliquée, on peut même jouer à mimer la scène pour voir comment l’enfant peut réagir et faire des propositions d’alternatives dans le cadre du jeu.
Sur le coup : réfléchir aux compétences et à l’aménagement de l’environnement
Un environnement adapté
La préparation de l’environnement est chère à Maria Montessori et cela s’applique dans tous les domaines de l’éducation.
Si on anticipe un long moment pendant lequel on ne sera pas disponible ou alors pendant lequel on aura besoin de calme, on peut prévoir de quoi occuper l’enfant (coloriage, jeux de carte, jeux de construction, jeux sensoriels….). De nombreux sites proposent même la création de “busy bags” (ou jeux de poche) avec des petits jeux à créer soi-même et à mettre dans des sacs transportables (type sacs de congélation). L’enfant pourra alors choisir parmi plusieurs activités.
En voici quelques exemples en français :
Inspiration pour des jeux de poche faits-maison
On peut aussi opter pour la version classique mais efficace du jeu du roi du silence ou alors proposer un défi : “Cap ou pas cap de faire la statue pendant que je parle avec X ?”.
Des signes en communication non verbale
J’avais lu une astuce sur un blog américain : un message non verbal.
Vous pouvez apprendre à votre enfant à poser sa main sur votre avant bras pour vous signifier qu’il a envie de vous parler. Vous posez ensuite votre propre main sur la sienne pour signifier : je t’ai vu; dès que j’ai fini, je t’écoute.
Cette idée en particulier est une manière de communiquer avec des gestes parmi d’autres : on pourrait aussi imaginer un clin d’oeil, un pouce levé, un contact visuel avec un sourire… L’important est simplement de le mettre en place en amont et de se mettre d’accord avec l’enfant sur le geste en question.
La communication en message Je
La meilleure façon de faire comprendre avec des mots à l’enfant est de s’exprimer en message je : “j’ai besoin de calme et je n’aime pas être interrompue quand je parle avec d’autres personnes. J’ai entendu que tu as envie de me parler et je serai disponible pour toi dès que j’aurai fini”. Si la discussion dure trop longtemps, vous pouvez peut-être l’autoriser à jouer avec votre bracelet, à vous tenir la main, ou le prendre dans vos bras.
L’entraînement : développer des compétences dans un temps long
Savoir parler en attendant son tour n’est pas inné, cela s’acquière. Comme pour toutes les acquisitions de l’enfant, cela passe par l’exemple que lui montrent ses parents :-).
Par ailleurs, il est possible d’entraîner l’enfant à s’intégrer dans une discussion en respectant son tour (par exemple à table avec une consigne à respecter : chacun raconte sa journée ou, encore mieux, ses 3 kifs du jour).
On peut aussi imaginer des activités avec un bâton de parole : on a le droit de parler quand on est en possession du bâton.
Plus d’idées : 3 jeux pour l’impulsivité des enfants (maternelle et élémentaire)
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La lecture de mon livre La co-éducation émotionnelle : s’élever en même temps qu’on élève les enfants (éditions Hatier) vous donnera des pistes pour raisonner autrement face aux comportements des enfants qui nous mettent en difficulté (avant de chercher à plaquer des astuces et conseils au risque de constater que “l’éducation positive, ça ne marche pas”). Il est disponible en médiathèque, en librairie ou sur internet.
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