Quand les adultes communiquent leurs peurs aux enfants et minent leur confiance en soi

Et si nous réapprenions à faire confiance aux enfants ?

Dans son livre Comment l’enfant échoue, John Holt raconte une anecdote au sujet des peurs que les adultes peuvent communiquer à leurs enfants et qui minent leur confiance en soi.

Il fait référence à une grande aire de jeux au Holland Park à Londres pleine d’arbres à escalader, de cordes auxquelles se balancer et autres aménagements considérés comme dangereux. Holt a demandé aux personnes en charge de cette aire de jeux si beaucoup d’enfants s’y étaient blessés. Leur réponse a été négative… sous condition : “Non, pas depuis que nous disons aux adultes qu’ils ne peuvent pas entrer”. Les animateurs avaient en effet remarqué que, quand les parents (en particulier les mères) pouvaient entrer, ils passaient leur temps à prévenir les enfants de ne pas faire ci ou ça, de faire attention, de pas aller dans les endroits trop dangereux.

Ce type de discours alarmiste a plusieurs effets pervers sur les enfants :

  • certains se sentent tellement humiliés par l’absence de confiance que leurs parents leur montrent qu’ils adoptent une attitude de défiance sur le mode : “On va voir ce qu’on va voir !” et se mettent à escalader une structure qu’ils n’auraient pas escaladée s’ils avaient pu eux-mêmes évalué leurs compétences et le niveau de risque qu’ils étaient prêts à prendre;
  • une fois que les enfants s’étaient mis en danger, alors les avertissements des parents (“attention, tu vas tomber”) deviennent des prophéties auto-réalisatrices car les enfants sont déstabilisés par les cris des adultes et se sont embarqués dans des activités par défi sans prendre en compte leurs propres limites ou élaborer des stratégies de sécurité
  • dire à un enfant “ne fais pas ça” ou “fais attention” ne rend pas clair ce qu’il est supposé faire et n’apprend pas aux enfants la planification de leurs actions (que vérifier avant de s’engager dans une action ? que faire après ?)

Les responsables de l’aire de jeux londonienne ont donc pris la décision de ne plus laisser les parents entrer dans la zone de jeux et de les laisser patienter dans une zone d’attente où les parents ne pouvaient pas voir leurs enfants. Avec cette mesure, la blessure la plus grave avait été une simple foulure de cheville.

Quand on les laissait tranquilles, les enfants faisaient des choix très prudents sur le genre de risques qu’ils allaient prendre – puisqu’ils aimaient l’aventure, bien sûr qu’ils voulaient prendre certains risques. En même temps, ils apprenaient comment garder leur sang-froid et rester concentrés dans une situation à risque. – John Holt

Un profond manque de confiance de la part des adultes dans les enfants traverse la société

Holt estime que le profond manque de confiance dans les enfants (“ce sentiment qu’à chaque seconde, ils peuvent faire quelque chose de terriblement stupide ou destructeur”) empoisonne presque tous les établissements qui reçoivent des enfants pour des activités structurées (crèches, écoles, aires de jeux, clubs de sport…).

Pour John Holt, tous les enfants – dès le plus jeune âge – ont envie d’essayer des choses nouvelles mais ils ont un sens de ce qu’ils peuvent faire ou pas et ce discernement personnel s’améliore avec l’âge à condition que les adultes ne les surprotègent pas. Les petits enfants sont en effet très prudents quand ils abordent un escalier pour la première fois : monter par l’avant ou ramper vers l’arrière ? continuer ou renoncer ? Holt estime que les enfants trop protégés ou soumis à des avertissements incessants deviennent soit trop timorés pour tenter quoi que ce soit, soit trop imprudents pour connaître leurs propres limites, pour prendre connaissance du terrain au préalable et pour prendre des risques mesurés en élaborant des stratégies efficaces.

Pourtant, rappelle Holt, il faut se faire confiance pour donner un sens au monde. La façon dont nous regardons les enfants, dont nous nous occupons d’eux, leur apprend soit à se faire confiance (et à faire confiance aux autres et à la vie), soit à se défier d’eux-mêmes donc à ne pas se connaître véritablement eux-mêmes (et à se méfier des autres, en particulier des adultes).

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Source : Comment l’enfant échoue de John Holt (éditions L’Instant Présent). Disponible en médiathèque, en librairie ou sur internet (site de l’éditeur).

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