Les émotions désagréables sont normales : apprenons aux enfants à vivre avec

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Dans son livre Adapter la thérapie ACT pour les enfants, les adolescents et leurs parents, Mehdi Liratni, docteur en psychologie et formateur « habiletés sociales » auprès d’enfants et adolescents, rappelle que le fait de désigner une émotion désagréable comme un phénomène « normal » va avoir un impact apaisant sur les enfants. Par exemple, le simple fait que les parents puissent dire « je vois que tu as peur, je comprends, c’est désagréable et c’est normal la peur » a un effet bénéfique, autant chez les jeunes enfants que chez les adolescents. De même, valider l’émotion de colère chez un enfant frustré fait diminuer l’intensité de la colère : « c’est tout à fait ok que tu ressentes la frustration et la colère, et on voit que ça fait mal quand ça arrive ». Dans ce cas, l’enfant arrête de se sentir « jugé » sur ses émotions, mais uniquement sur son comportement.

En fonction des familles, des cultures et des vécus parentaux, les émotions des enfants peuvent être vécues comme indésirables, voire dangereuses. Dans certains cas, les parents vont chercher à s’en débarrasser ou à empêcher l’enfant de souffrir et ce dernier est protégé du moindre inconfort. Dans certaines familles, exprimer ses émotions est honteux ou déplacé. Dans d’autres familles, les émotions sont réprimées dans l’objectif d’endurcir les enfants car on ne vit pas dans un monde de bisounours. Pourtant, Medhi Liratni écrit que c’est souvent tout l’inverse qui se crée : un enfant à qui l’on interdit de souffrir, de ressentir des émotions et d’en parler peut aller jusqu’à tenter de se suicider à l’adolescence ou l’âge adulte pour la simple et bonne raison que le seul cadrage relationnel qui existera autour de sa souffrance sera celui de se taire et de surtout ne pas demander d’aide.

Ne dites surtout pas « c’est pas grave ! », « n’aie pas peur ! », « ne t’inquiète pas », « ne pleure pas » … Dans le doute, ne dites rien ! – Mehdi Liratni

Valider les émotions douloureuses

La validation des émotions désagréables (colère, peur, tristesse, anxiété) passe par le fait de :

  • reconnaître le vécu émotionnel (nommer l’émotion et dire explicitement que cette émotion est normale)
  • valider la douleur que cela occasionne (dire que c’est douloureux et désagréable, décrire que c’est difficile).

Des phrases qui contiennent les mots « je vois et je comprends… » sont particulièrement intéressantes pour la reconnaissance et la validation émotionnelle des enfants à partir de 7/8 ans. Pour les enfants plus jeunes, il peut suffire de dire “Oh, tu as peur” ou “Oh, tu es triste”, tout en adoptant une expression faciale émotionnelle qui signifierait « je vois que tu souffres et je comprends que tu souffres, c’est difficile ! » (sans prononcer cette phrase). Si cela est possible, l’adulte peut s’approcher de l’enfant en proie à des émotions douloureuses et établir un contact physique : lui tapoter le dos, lui caresser le dos ou la tête, le prendre dans les bras, le câliner.

Imaginons un jeune enfant qui a peur du noir le soir dans son lit. Cet enfant ne pourra rien faire pour contrer les pensées qui alimentent sa peur, les images mentales qui lui viennent en tête (comme l’image d’un monstre ou celle de la mort par exemple) et les sensations éprouvées dans son corps (accélération du rythme cardiaque, difficulté à respirer, envie de pleurer…). Pensant bien faire, le parent va souvent dire à l’enfant de ne pas avoir peur, qu’il n’y a pas de monstre sous le lit et qu’il n’a aucune raison de pleurer. L’enfant réalise alors un apprentissage à cette occasion : il classe la sensation de peur comme quelque chose qu’il ne doit « pas avoir » (parce que les adultes lui disent « n’aie pas peur »). Mieux vaut dire « je vois que tu as peur, je comprends » au lieu de l’habituel « c’est pas grave, tu n’as aucune raison d’avoir peur. »

Il en est de même pour les phrases du type « c’est pas grave », « tu fais du cinéma », « ce sont les bébés qui pleurent », « tu te fais des films »… tout ceci dans un contexte souvent un peu culpabilisant pour l’enfant qui se pense « idiot » de ne pas parvenir à contrôler sa souffrance. Pas étonnant, donc, que nous fuyions ces expériences intérieures indésirables ! Si nous pouvions ressentir à nouveau la même intensité émotionnelle que les enfants, dont le cerveau rationnel (cortical) n’est pas encore assez abouti pour tenter d’« apaiser » le cerveau émotionnel (sous-cortical), nous changerions peut-être de manière d’accompagner leurs émotions. Mais il n’en est rien… Nous persistons dans notre volonté à « résoudre » le problème de l’émotion ou de la pensée douloureuse. Nous pouvons passer de longues minutes à raisonner l’enfant avec des arguments rationnels, mais rien n’y fait. Nous pouvons le punir, cela s’aggrave. Toute tentative de lutte contre la souffrance est vaine. Mais si nous parvenons à comprendre que rien ne peut contrer la souffrance et que nous ne pouvons que l’accompagner, nous commençons à gagner un temps fou et renvoyons l’enfant à un savoir fondamental et peu intuitif : on peut cohabiter avec sa souffrance ! – Mehdi Liratni

Cet accompagnement émotionnel demande beaucoup de patience de la part des parents et ce n’est pas toujours facile car nous n’avons pas appris cette manière de valider les émotions. Pourtant, la validation des émotions ouvre une nouvelle voie dans laquelle parents et enfants apprennent à vivre avec les émotions désagréables.

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Source : Adapter la thérapie ACT pour les enfants, les adolescents et leurs parents de Mehdi Liratni (éditions Dunod). Disponible en médiathèque, en librairie ou sur internet.

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