Coup de coeur pour Maresi : un livre inspirant, porteur de valeurs humanistes (une dose de féminisme, d’aventures et de spiritualité pour éveiller l’imagination des filles et des garçons)
Présentation de l’éditeur
Cette terre d’asile, cette terre de femmes, est placée sous la protection de la Déesse, la Mère Originelle, et les hommes ont interdiction d’y poser le pied.
Mais un jour, une nouvelle fille vient demander l’asile. Qui est-elle ? Et qui la poursuit ?
J’ai aimé
Simone de Beauvoir écrivait dans le livre Le deuxième sexe II :
Tout contribue à confirmer aux yeux de la fillette cette hiérarchie [entre hommes et femmes]. Sa culture historique, littéraire, les chansons, les légendes dont on la berce sont une exaltation de l’homme. Ce sont les hommes qui ont fait la Grèce, l’Empire romain, la France et toutes les nations, qui ont découvert la terre et inventé les instruments permettant de l’exploiter, qui l’ont gouvernée, qui l’ont peuplée de statues, de tableaux, de livres. La littérature enfantine, mythologie, contes, récits, reflète les mythes créés […] par les hommes.
Suite à la lecture du livre manifeste de Simone de Beauvoir, j’ai rédigé un article sur l’importance de proposer des livres aux filles dans lesquels les personnages féminins sont présents et forts. En conséquence, je me suis procurée plusieurs livres pour inspirer ma propre fille en proposant des héroïnes porteuses de valeurs humanistes, de courage, de force de caractère et d’indépendance. En cela, le livre Maresi de (Rageot Editeur) remplit parfaitement tous ces critères.
Maresi est une jeune fille courageuse, travailleuse, curieuse, intelligente et un brin étourdie. Elle porte un lourd passé comme la plupart des jeunes filles qui peuplent l’abbaye Ecarlate. L’abbaye Ecarlate est un lieu plein de charme sur une petite île perdue au milieu de l’océan sur laquelle seules les filles et les femmes sont acceptées pour vivre dans une communauté minimaliste, charitable et savante.
L’autrice, Maria Turtschaninoff, a beaucoup de talent pour décrire des paysages qui nous transportent sur cette île méridionale : on voit les reflets sur l’océan, on voit les chèvres gambader sur les rochers, on sent les odeurs des fleurs champêtres, on goûte les plats parfumés en même temps que les locataires de l’abbaye, on entend les jeunes femmes rire et chuchoter.
Les portraits des femmes et des filles sont parfaits. Chacune a son caractère, les “défauts” des unes se révèlent être des forces, un véritable esprit d’équipe transpire de cette histoire où chacune est valorisée pour ses compétences, une vraie solidarité lie les femmes, quel que soit leur âge et leur origine (les aînées – les soeurs – forment les jeunes femmes – les novices – qui elles-mêmes s’occupent des plus jeunes).
L’autrice fait de nombreuses références à la nature avec une certaine spiritualité qui met en avant la force des femmes (notamment à travers leurs cheveux) et les pouvoirs des cycles naturels. De nombreux rituels sont décrits pour célébrer les changements de saison, les éléments naturels, les fondatrices originelles de l’abbaye (la jeune fille, la mère et la vieille). L’océan, le vent, la lune, les animaux ou encore le soleil jouent un rôle prépondérant dans ces rites.
Les livres et le savoir ont également toute leur place dans la manière de vivre de la communauté : ils sont valorisés au même titre que la nature, pourvoyeuse de nourriture corporelle. De la même manière, les livres apportent de la nourriture spirituelle dont chaque membre de la communauté bénéficie.
Le suspense monte tout au long du livre : on sent bien à l’arrivée de la jeune Yaï qu’elle a en elle beaucoup de souffrances et qu’elle est potentiellement porteuse d’une grande menace pour l’ensemble de la communauté. Or la solidarité de la communauté ne fissure jamais, même au coeur du danger. C’est justement cette solidarité qui va permettre de convoquer les forces qui permettront aux femmes de surmonter l’épreuve. Au cours de cette épreuve, les jeunes femmes se dévoilent : le courage des unes, la ruse des autres, l’aplomb des aînés, la sollicitude des novices envers les plus jeunes…
La fin nous permet de nous interroger sur l’essence même de la connaissance : vaut-il mieux accumuler des connaissances pour les garder secrètes au sein d’une communauté ou vaut-il mieux prendre le risque de les partager pour en faire profiter le plus grand nombre ? Maresi fait preuve d’une grande sagesse et de beaucoup de courage en choisissant la deuxième option…
Simone de Beauvoir nous prévenait déjà au siècle dernier : Prenons garde que notre manque d’imagination dépeuple toujours l’avenir. Une dose de féminisme, d’aventures et de spiritualité : avec le livre Maresi, l’imagination de nos filles (et de nos garçons) est mise en éveil et en appétit !
Un livre pour les enfants à partir de 8 ans (plus tard en lecture autonome). Quelques scènes décrites peuvent être choquantes pour des enfants sensibles (attaque de l’abbaye par les hommes, description de la crypte…).
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Maresi de Maria Turtschaninoff (édition Rageot) est disponible en médiathèque, en librairie ou sur internet.