Bébé crampon, bébé pot de colle, bébé ne veut que maman et fait des caprices… une profonde mécompréhension de notre nature de mammifère et une ignorance de la théorie de l’attachement

On trouve sur internet tout un tas d’articles qui expliquent quoi faire pour séparer le bébé “crampon” de sa maman (du type “Bébé ne veut que maman, que faire ?”). Cette idée du “bébé crampon” et la critique du fait que le bébé “se méconnaît” (vers 9 mois en général) sont bien ancrées dans les mentalités. Pourtant, cette manière d’aborder le sujet témoigne d’une profonde mécompréhension de notre nature de mammifère et de l’ignorance de la théorie de l’attachement.

Dans son livre Attachement et théorie de l’esprit, Grazia Attili décrit la théorie de l’attachement en détail et rappelle que la tendance du bébé à instaurer un lien affectif avec une figure spécifique (sa mère la plupart du temps) est innée, indépendante de tout autre apprentissage et de toute tentative de manipulation de la part du bébé qui saurait “bien s’y prendre”.

Pleurer, s’agripper, se rapprocher et suivre peuvent être considérés comme des comportements innés chez les petits humains, car c’est la manière dont ces derniers arrivent à maintenir ou à provoquer le rapprochement de leur mère (synonyme de survie).

L’enfant est motivé à garder le contact avec sa figure d’attachement car c’est précisément ce contact qui lui permettra de survivre. Il a, par conséquent, besoin de maintenir la proximité avec quelque chose qui, pour les mammifères et les primates, possède les caractéristiques de la mère. – Grazia Attili

Les étapes de la construction de l’attachement chez les humains

Il existe plusieurs étapes dans la construction du lien d’attachement entre le bébé et sa figure primaire d’attachement (la mère en général car c’est elle qui s’occupe le plus souvent de l’enfant).

De la naissance jusqu’à la fin du deuxième mois

De la naissance jusqu’à la fin du deuxième mois, l’enfant montre un intérêt envers les humains mais ne montre aucune discrimination entre ces différents humains qui gravitent autour de lui. Les comportements d’attachement sont bien là (pleurs, recherche de contact, babillage…) mais ils ne sont pas dirigés vers une personne spécifique et ils ne sont pas encore produits de manière intentionnelle (dans l’intention de s’assurer les soins d’une figure d’attachement principale).

De la fin du deuxième mois jusqu’à six-huit mois

C’est pendant la période qui va de la fin du deuxième mois jusqu’aux six/huit mois qu’apparaissent l’orientation et la production de signaux vers une ou plusieurs personnes discriminées parmi toutes celles qui entourent l’enfant.

Parmi celles-ci, le bébé commence à identifier et choisir la personne qui dispense des soins de façon constante et continue. C’est en effet celle qui est le plus à même de soulager sa douleur en cas de stress.

Généralement c’est la mère qui va être progressivement fixée et suivie du regard et c’est avec elle que le bébé maintient le contact à travers les signaux tels que les pleurs, les babils, l’agrippement ou le sourire (ce qui est défini comme effet maintien du contact). Le petit commence à avoir un contrôle actif des interactions avec sa figure d’attachement.- Grazia Attili

La période entre cinq et sept mois, en particulier, marque un tournant : s’il se trouve dans une situation de désagrément émotif et physique le bébé accepte le réconfort essentiellement si c’est la figure primaire d’attachement (la mère, rappelons-le, la plupart du temps) qui intervient pour le câliner.

Cependant, pendant cette phase, il n’y a pas encore ce que les psychologues appellent « la protestation à la séparation » (et ce que le langage commun appelle “caprice”). Le bébé pleure parce qu’il est laissé seul, pas parce qu’il anticipe la douleur de la séparation. Du point de vue cognitif, en effet, l’enfant, bien qu’ayant acquis la capacité à anticiper mentalement les événements, ne maîtrise pas encore les relations de cause à effet existant entre eux et il n’a pas atteint le « stade de la permanence des objets » (et des personnes) qui se trouvent en dehors de son champ visuel.

Entre six/huit mois et le début de la deuxième année

Pendant la troisième phase, entre six/huit mois et le début de la deuxième année, le bébé cherche le maintien du contact préférentiel avec sa mère par la locomotion (quatre pattes puis marche) ou l’utilisation d’autres signaux à défaut de la marche. Ainsi, le petit à partir de 6/8 mois suit à quatre pattes sa figure primaire d’attachement et pleure si elle s’éloigne.

C’est à ce moment-là que les adultes disent que les enfants “se méconnaissent” et qu’il n’y en a plus que pour la mère (voire que c’est la faute de la mère sur-protectrice). En effet, vers les huit-neuf mois, les comportements d’attachement s’organisent autour d’une figure spécifique, la mère donc le plus souvent.

Cela s’explique par le fait que l’enfant de cet âge est sur le point d’apprendre à marcher : il a besoin de s’attacher à une “base de sécurité” avant le début de la locomotion, parce que la marche lui donne la possibilité de s’éloigner et donc de rencontrer des dangers (éventuellement mortels). L’évolution ayant bien fait son travail, l’organisation du cerveau des petits humains possède les prérequis pour que cela soit possible (s’aventurer sans risquer de mourir en sachant qu’on s’est attaché les services d’une base de repli et de sécurité totalement disponible).

Il s’aventure à explorer l’environnement immédiat, commence à utiliser la mère comme base sécure alors que la peur de l’étranger apparaît. Pendant cette phase les comportements d’attachement s’organisent autour d’un adulte spécifique – qui, à partir de ce moment, sera la véritable figure d’attachement – et se structurent en véritable lien d’attachement. – Grazia Attili

 

…………………………………………………….

Source : Attachement et théorie de l’esprit de Grazia Attili (éditions Fabert). Disponible en médiathèque, en librairie ou sur internet.

Commander Attachement et théorie de l’esprit  sur Amazon, sur Decitre, sur Cultura ou sur la Fnac

Crédit illustration : onlyyouqj sur freepik.com