Repenser les bêtises des enfants et raisonner en termes de maladresse pour plus de bienveillance

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Les jeunes enfants (mais aussi les moins jeunes) peuvent faire preuve de maladresse plusieurs fois au cours d’une journée (renverser un verre, faire tomber leurs couverts, se tâcher de dentifrice le matin juste avant de partir, casser un objet qui nous tient à coeur…). Nous avons souvent tendance à nommer ces maladresses des “bêtises” et à mettre des étiquettes sur les enfants (“tu es maladroit“, “tu es un vrai Gaston Lagaffe”). Or ces réactions n’ont pas de valeur éducative : elles n’enseignent aucune compétence aux enfants et contribuent à détériorer le lien parent/enfant.

Nous gagnerions à repenser cette notion de bêtise pour vivre des relations plus harmonieuses avec nos enfants et cheminer vers plus de bienveillance :

  • raisonner en termes de développement moteur des enfants (les jeunes enfants coordonnent mal leurs mouvements parce que leur compétences motrices sont précisément en cours de développement),

 

  • prendre en compte notre propre niveau de fatigue (nous allons être plus irritables et enclins à réagir vivement à une maladresse si nous sommes stressés ou fatigués),

 

  • modifier notre vocabulaire et parler de maladresse plutôt que de bêtise pour passer d’une intention venant de l’enfant (la bêtise) à une acceptation (tous les enfants renversent à un moment ou un autre leur verre et tout le monde a droit à l’erreur),

 

  • voir ces maladresses comme des opportunités : opportunités d’apprendre à réparer (ex : j’ai besoin d’une éponge pour nettoyer), d’anticiper les conséquences des actions (ex : si je mets le verre ici, il a plus de risque de tomber que si je le mets derrière mon assiette), de développer les compétences motrices (ex : tiens bien ton verre avec les deux mains et prends ton temps pour le porter à ta bouche), d’adapter l’environnement si besoin (en cas de maladresses récurrentes, peut-être que l’environnement dans lequel évolue l’enfant n’est pas adapté : vêtements inconfortables ? meubles trop hauts pour lui ? couverts non adaptés ?…).

4 étapes pour réagir avec bienveillance en cas de maladresse (les “bêtises”)

Dans son livre Grandir heureux, une aventure en famille, Marion McGuinness propose quatre étapes pour agir avec bienveillance face aux maladresses des enfants :

1. Observer la situation avec l’enfant et la décrire.

Par exemple : « Le jus de pomme s’est renversé sur la table. »

2. Rassurer l’enfant en lui disant que les accidents arrivent et refléter ce qui est arrivé, ce qu’il ressent.

Par exemple : « Tu jouais et tu as mis un coup de coude dedans en passant à côté./ Tu as été surprise par le bruit que cela a fait quand c’est tombé. »

3. Inviter à réparer

Par exemple : « Il y a de l’eau sur la table, on a besoin d’une éponge. Elle est sur l’évier.»

Réparer peut également passer par des excuses. Forcer un enfant à présenter des excuses n’est pas efficace pour développer son sens de la responsabilité individuelle.

Les enfants vont avoir tendance à associer le mot “pardon” à une espèce de mot magique qui les libère de toute obligation morale : ils peuvent bien faire du mal aux autres, ne pas les respecter, leur passer devant, leur abîmer leurs affaires… il leur suffira de demander pardon après. Par ailleurs, simplement dire le mot pardon n’engage pas la réflexion sur la manière dont les autres sont affectés, sur ce qui serait utile pour réparer (la relation, les affaires…) et sur la manière de faire preuve de responsabilité individuelle (encore moins sur la manière de faire différemment la prochaine fois).

Les enfants étant de grands imitateurs, nous sommes donc leurs meilleurs modèles et nous pouvons montrer l’exemple en leur demandant nous-mêmes pardon dans un cas similaire (ex : quand nous renversons une de leurs tours en cube, quand nous rangeons un puzzle qu’ils n’avaient pas fini…).

Parfois, les enfants ont du mal à demander pardon et cela peut s’expliquer par plusieurs raisons :

  • ils ont peur des conséquences (les punitions reçues auparavant ayant conduit l’enfant à penser qu’il vaut mieux se cacher, mentir ou accuser quelqu’un d’autre que de prendre la responsabilité de ses actes).
  • ils ont appris à ne pas faire preuve d’empathie (à travers la manière dont ils sont éduqués à la maison, à travers des exemples d’adultes ou d’autres enfants à l’école, à travers des exemples vus à la télé…)
  • le stress peut submerger les enfants (le fait de ne pas pouvoir se dépenser physiquement, le fait d’être soumis à de trop grandes stimulations visuelles et/ou auditives, le fait de ne jamais avoir l’occasion d’avoir des comportements altruistes comme la responsabilité d’un animal de compagnie…).

Il peut arriver qu’un enfant à l’origine d’un incident parte loin (par peur de se faire gronder, par honte, par tristesse, par incompréhension de ce qui s’est passé…). Si cela arrive, il est possible de demander à l’enfant de revenir après lui avoir laissé un temps pour qu’il revienne au calme (“On a besoin de toi ici. C’est vrai que tu n’as pas fait exprès de…”).

Si l’enfant n’a pas envie de revenir, il est possible d’avoir recours à l’écoute active et empathique en reflétant les émotions de l’enfant à l’origine de l’incident : “Tu n’as pas envie de revenir parce que tu as peur que je te gronde/ Tu n’a pas fait exprès de casser le vase et tu te sens coupable”.

4. Discuter avec l’enfant de la manière de prévenir un accident futur.

Les enfants, à partir de 5/6 ans, sont capables de trouver des solutions pour les prochaines fois. Il est possible de leur demander : “Comment vas-tu faire la prochaine fois ?”, “Que peux-tu faire la prochaine fois pour que cela se passe mieux ?”.

Il est aussi possible demander aux enfants de reformuler des suggestions, formulées par d’autres enfants ou par l’adulte.

Par exemple : « Il faut que je rapporte mon verre dans la cuisine » ou « Il faut que je joue plus loin dans le salon. »

Quand l’objet cassé nous tenait particulièrement à cœur

Un temps de pause pour l’auto empathie

Quand un enfant casse un objet auquel nous tenons particulièrement, nous pouvons prendre un temps de pause pour nous accorder de l’auto empathie. Ce temps d’introspection nous permettra de nous relier à nous-mêmes avec bienveillance dans ce moment difficile. Ce temps d’auto empathie servira à clarifier nos émotions, nos besoins et de les valider comme le ferait un.e ami.e : “Oui, je suis en colère car je l’avais prévenu. Il ne m’a pas écouté et voilà maintenant que c’est cassé. J’ai le droit d’être en colère ! Et je suis triste aussi parce que c’est un souvenir de ma grand mère et j’y tenais tellement. J’ai envie de pleurer.” Il est à noter que souvent la peur et la tristesse se cachent derrière la colère et ce temps d’auto empathie permet d’y voir plus clair.

La colère, une deuxième émotion

Dans son livre Parents efficaces, Thomas Gordon explore le rôle de la colère dans la relation parents-enfants. Il explique que la colère du parent dirigée contre l’enfant conduit l’enfant à éprouver un sentiment de culpabilité et/ou de dévalorisation. Or Thomas Gordon écrit que les parents produisent eux-mêmes la colère après avoir éprouvé un premier sentiment avant que la colère ne prenne sa place. La colère n’est donc qu’une deuxième réaction.

Il donne cette exemple :

Je conduis mon auto sur la grande route : tout à coup, un autre conducteur me coupe la route en voulant me doubler et il me frôle dangereusement. Ma première réaction est la PEUR : son comportement m’a fait PEUR. En conséquence de la frousse qu’il m’a causée, quelques secondes plus tard, je klaxonne et “j’agis comme une personne en colère”; je vais même jusqu’à lui crier : “Imbécile, va donc apprendre à conduire !” […]. La raison de mon comportement colérique est de punir l’autre conducteur ou de l’amener à se sentir coupable de m’avoir fait peur, afin qu’il ne recommence plus.

Cet exemple amène à réfléchir aux notions de premier message et de deuxième message : la première émotion ressentie est la peur mais elle est vite remplacée par la colère. Il s’agit de comprendre que la colère arrive toujours en deuxième et masque la première émotion. Toute la difficulté consiste à :

  • identifier cette première émotion,
  • l’exprimer sans chercher à culpabiliser l’enfant ou à lui faire la morale.

Gordon insiste sur le fait que l’expression du sentiment premier sera toujours plus efficace avec un “message-je”.

Les messages-je

Un message-je consiste à dire à l’enfant de quelle façon son comportement nous a affecté, sans jugement mais de manière objective. Ainsi formulée, l’enfant ne pourra pas remettre en cause l’information. Il s’agit de dire à l’enfant ce que nous ressentons à l’intérieur (“Je n’aime pas qu’on me donne des coups de pied !” au lieu de “Arrête de me taper” ou “C’est interdit de taper”, “J’ai eu peur qu’il te soit arrivé quelque chose !” au lieu de “Je t’ai dit de rentrer à l’heure” ou “Je suis en colère contre toi car tu es rentré trop tard!”). Les “messages-je” indiquent à l’enfant :

  • qu’on lui fait confiance afin de trouver un moyen de faire quelque chose à ce sujet,
  • qu’on le considère capable de respecter nos besoins.

Les messages-je sont des occasions d’être sincères avec les enfants et de leur révéler nos sentiments positifs d’affection. Passer en messages-je authentiques et exprimant la réaction première (l’inquiétude, la déception, l’embarras…) est un moyen de dire à nos enfants que nous les aimons plus que tout. Les messages-je favorisent la coopération familiale.

 

Si on punit, si on crie, si on fait peur, l’enfant apprendra à mieux dissimuler ses erreurs, à ne pas les partager, à accuser un autre, même, pour se protéger lui-même. La confiance qui vous lie pourrait se briser.- Marion McGuinness

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Sources :
Grandir heureux, une aventure en famille de Marion McGuinness (éditions Mango).
Commander Grandir heureux, une aventure en famille sur Amazon, sur Decitre, sur Cultura ou sur la Fnac

Parents efficaces: Les règles d’or de la communication entre parents et enfants de Thomas Gordon (éditions Poche Marabout)

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