Le déni de la censure émotionnelle dans les familles est très puissant.

La censure émotionnelle en famille est un objet de déni particulièrement puissant.

La censure des émotions des enfants est une forme de violence

Dans son livre Je peux la taper, elle est de ma famille (éditions L’Instant Présent), Jean-Pierre Thielland, ex enseignant et psychopédagogue, affirme que la violence intra-familiale est un objet de déni particulièrement puissant. Il entend la violence au sens large, comme un continuum couvrant les coups (y compris les fessées) et la maltraitance verbale (censure des émotions, humiliations, culpabilisations,  chantage, menace, ultimatum…).

C’est là chose curieuse que de constater combien d’adultes intelligents pensent que la seule alternative à laisser un enfant n’en faire qu’à sa guise est de lui infliger des châtiments… Que le châtiment constitue un moyen de contrôle efficace est pour moi une des plus grandes illusions de la civilisation occidentale. – John Bowlby (concepteur de la théorie de l’attachement, cité par Jean-Pierre Thielland )

La censure des émotions est une forme de violence dans le sens où elle prive l’enfant de l’accès à sa force intérieure. Les actes de l’enfant dont les émotions sont systématiquement censurées (avec des mots comme “Arrête de pleurer”, “T’es pas beau/ belle quand tu es en colère”, “Va dans ta chambre tout de suite”, “C’est pas grave” ou encore “Mais non, ça fait pas peur, vas y”) voient leurs demandes être considérées comme des agressions ou des manifestations de faiblesse par leurs parents.

Si, quand un enfant est triste ou en colère, il est envoyé dans sa chambre, alors il reçoit le message que ses émotions ne sont pas les bienvenues dans la famille. Parfois, l’enfant reçoit même des coups (fessées, claques, pincement d’oreille, tirage de cheveux…), mais on lui fait croire que c’est sa faute en lui répétant qu’il est borné, qu’il exagère et qu’il l’a bien mérité, qu’il est de mauvaise volonté et que s’il cherche les limites, il va finir par les trouver.

Le problème que  l’enfant envoyé dans sa chambre quand il dit non, quand il se plaint ou se met en colère reste seul avec ses colères et ses larmes. Il ne peut montrer que ce qui est attendu ou supporté par ses parents (le calme, l’obéissance). Pour se protéger de la souffrance d’être rejetés lorsqu’ils expriment leur colère, leurs désaccords ou leurs désirs, certains enfants se taisent, ils mettent au secret leurs émotions et leur soi véritable, ils n’expriment que ce qui est autorisé par les parents.

Les conséquences de la censure émotionnelle

Quand les réactions émotionnelles d’un enfant telles que la déception, la tristesse ou la colère ne sont ni acceptées ni accueillies, ce dernier :

  • ne bénéficie d’aucun appui pour organiser et réguler ses émotions et ses comportements et peut devenir violent pour enfin se faire entendre ou alors complètement effacé car résigné;
  • intègre qu’il est inefficace dans ses efforts pour obtenir ce dont il a besoin;
  • ne peut pas se fier à ses propres émotions pour se repérer et s’orienter (qu’est-ce qui fait oui ? qu’est-ce qui fait non ?;
  • manque de sécurité intérieure et de confiance en soi pour explorer l’inconnu et affronter sereinement les situations nouvelles rencontrées, notamment dans le cadre scolaire.

Pour aller plus loin : Lien entre attachement insecure et échec scolaire : la dimension affective, souvent négligée dans les raisons de l’échec scolaire

La fonction des émotions est vitale

L’expression des émotions n’est ni de la désobéissance ni de la faiblesse

Les émotions sont de précieux indices pour se repérer dans la vie et les enfants doivent pouvoir s’appuyer dessus, doivent pouvoir exprimer de la colère ou de l’indignation sans crainte de rejet, de retrait d’amour, de privation de relation. Jean-Pierre Thielland rappelle que l’injonction au silence peut mettre à mal le besoin d’exister comme sujet. En effet, l’enfant censuré risque de se résigner : pleurer sans personne pour accueillir le chagrin, avec la possibilité d’un redoublement de colère du parent, représente une nouvelle violence dont l’enfant se protège en verrouillant ses émotions.

La théorie de l’attachement accorde une place essentielle à la libre expression des émotions afin que l’enfant puisse s’appuyer sur ses émotions comme un baromètre fiable de ce qui est bon ou mauvais pour lui. L’enfant doit se sentir autorisé à manifester de la tristesse, de la frustration et du désaccord avec ce qui lui est imposé et qui n’a pas de sens pour lui. Ce n’est pas de la désobéissance ou de l’affront ni même de la faiblesse que d’éprouver de la colère, du dégoût, de la peur ou encore de la tristesse.

La manière dont les parents accueillent les émotions façonnent le rapport des enfants au monde

Les enfants puisent leur force intérieure et leur capacité à l’entraide dans l’accueil chaleureux de leurs émotions naturelles. Un enfant qui bénéfice à la maison d’une bienveillance envers ses émotions peut orienter ses choix en lien avec sa richesse émotionnelle qui lui sert de boussole. Par modèle, il apprend également à prendre en compte les limites personnelles des autres.

La façon dont les émotions, les besoins, et les limites personnelles de l’enfant sont reconnues façonnent son rapport au monde.

Un enfant qui voit les adultes agir avec intelligence émotionnelle acquiert des certitudes sur lui-même, sur les autres et sur le monde :

  • “je peux éprouver de la colère sans être rejeté et je sais que les autres peuvent aussi éprouver de la colère sans me sentir attaqué personnellement”,
  • “je sais que je peux être là pour les autres comme les autres sont là pour moi”,
  • “mes parents croient en moi donc je peux le faire”,
  • “j’ai de la valeur et les autres ont de la valeur aussi”.

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Source : Je peux la taper, elle est de ma famille : Attachement et violence éducative ordinaire de Jean-Pierre Thielland (éditions L’Instant Présent). Disponible en médiathèque, en librairie ou sur internet (site de l’éditeur).

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