9 manières d’accueillir la colère sans céder à la violence
Dans son livre Prendre soin de soi et de ses enfants dans le calme, Sarah Napthali explique qu’il est possible de traiter la colère comme un état d’esprit en visite. Elle donne plusieurs pistes pour retrouver une tranquillité d’esprit plus propice à des relations constructives et chaleureuses avec nos enfants. En effet, si nous laissons libre cours à notre colère, nos réactions colériques se transforment en habitude et, par le jeu des neurones miroir, la colère devient une habitude chez nos enfants également.
Chaque fois que nous choisissons de réagir par la colère, nous nous conditionnons à récidiver.
1. S’arrêter et prendre conscience
Pour être conscients de nos émotions, nous devons prendre du recul et les observer sans chercher à les faire taire ou à nous critiquer pour les ressentir. Ce qui est est, c’est ainsi. Nous pouvons remarquer les pensées à l’origine de la colère ainsi que les sensations et tensions corporelles qui les accompagnent. Cela peut être : une façon de monologuer en ressassant les mêmes pensées, des épaules tendus, des froncements de sourcils, une envie de taper dans tout ce qui vient, une respiration saccadée.
A partir de ce moment là, on peut nommer les expériences intérieures en faisant des constats comme “épaules tendues”, “respiration artificielle”…
Que ce soit en méditation ou dans la vie quotidienne, le fait de nommer un phénomène est une manière de rester observateur, d’être assis à la place du conducteur plutôt que de devenir un passager emporté par des émotions échappant à son contrôle.
Si nous sentons que nous nous crispons, nous pouvons le noter mentalement “tension”, puis noter la détente quand nous nous relâchons “détente”. Nous pouvons aussi nommer une émotion qui surgit en répétant lentement “colère… colère… colère”.
Sans porter aucun jugement, positif ou négatif, nous observons l’émotion naître, exister et disparaître – comme toutes les émotions finissent par le faire.
Comprendre que l’état d’esprit négatif ne peut que saboter nos efforts pour améliorer une situation nous fait adopter instantanément une alternative plus positive.
2. Prêter attention aux manifestations corporelles et physiques
Dans une situation qui risque de dégénérer, nous prêterons attention à ce que nous ressentons dans notre corps, dans notre estomac, dans notre gorge ou encore dans notre poitrine.
Nous pourrons alors nous rendre compte qu’il y a une grosse colère qui monte en nous. C’est le moment de passer à l’étape 3.
3. Saluer la colère comme un visiteur de passage
Nous pouvons accueillir la colère avec hospitalité : il s’agit de l’accepter et de lui accorder du temps sans l’éviter. On prendra alors du recul sur la fluctuations de nos émotions sans les prendre trop au sérieux car nous avons déjà survécu à ce visiteur par le passé. Nous survivrons cette fois-ci encore car toutes les émotions sont passagères, elles s’en vont comme elles sont venues à la manière d’un visiteur.
On peut alors saluer mentalement la colère avec le même ton qu’on utiliserait pour saluer des visiteurs sur la porte d’entrée : “Ah, colère, c’est toi“, “Salut impatience, te revoilà“, “Oh, agacement, c’est ton tour“. Sarah Napthali écrit que considérer les émotions désagréables comme des visiteurs nous permet de garder en mémoire qu’elles ne s’attarderont pas définitivement.
Nous agissons probablement plus sagement en étant conscients de nos visiteurs les plus détestables qu’en les niant.
Par ailleurs, ressentir pleinement nos émotions ancre notre compréhension des émotions des autres.
4. Respirer
La respiration profonde aide au lâcher prise car elle apporte plus d’oxygène au corps et accroît le niveau d’énergie. L’effort fourni pour respirer davantage en profondeur fait prendre conscience qu’on retient habituellement sa respiration. On a souvent tendance à retenir la respiration parce que c’est une manière efficace d’enfouir des sensations et émotions qu’on ne veut pas voir. En effet, contrôler la respiration apparaît comme une défense inconsciente contre des émotions perçues comme dangereuses.
La cohérence cardiaque peut être une approche utile pour réduire le niveau de stress. La cohérence cardiaque est un état physiologique qu’on peut atteindre en suivant une règle simple de respiration. Six respirations par minute à intervalles réguliers suffisent à mettre le corps en cohérence. Idéalement, 3 à 5 cycles sont recommandés, 3 fois par jour.
Une vidéo pour pratiquer la cohérence cardiaque à ce lien.
5. Ecrire
Ecrire permet d’être plus conscients de nos pensées et réduit ainsi le risque que ces dernières s’emparent de nous et dictent nos actes de manière irraisonnée.
Par écrit, on pourra par exemple :
- répondre à des questions comme : quels comportements de nos enfants suscitent notre colère ? celle-ci est-elle accrue par des attentes irrationnelles ? de quels besoins non assouvis nos colères sont-elles l’expression ?
- mettre des mots sur nos sentiments, nos peurs, nos regrets, nos attentes de manière
- rédiger des demandes claires en fonction de nos besoins
- dresser la liste du pour et du contre avant de prendre une décision
6. Changer nos perceptions
La colère peut être la résultante d’une attention inadéquate : nous choisissons de ne percevoir que la portion la plus étroite de la réalité, nous l’exagérons et nous nous y complaisons.
Cette sixième proposition est difficile à mettre en oeuvre. Il s’agit d’élargir notre esprit et de mettre en questionnement nos raisonnements :
- pourquoi est-ce que je pense ainsi ?
- qu’est-ce qui m’y a conduit(e) ?
- existe-t-il une façon de penser différente qui ferait que ma vie s’écoulerait avec moins de heurts ?
- existe-t-il une autre façon d’interpréter la situation ?
- cette situation mérite-t-elle un si grand investissement émotionnel ?
- la colère est-elle la réponse inévitable ?
Par exemple, au lieu de gronder un enfant sur le point de toucher un objet interdit “ne touche pas ça !”, proposer une séance de chatouilles est une autre façon de penser la situation.
7.Exprimer la colère dans un langage authentique et personnel
La colère est une émotion secondaire à une blessure, un manque, une frustration, une peur, une déception. Il s’agit alors d’exprimer ces sentiments premiers pour témoigner à l’autre comment on se sent et partager les besoins à l’origine des actions et réactions.
L’authenticité passe par le fait de dire quelque chose sur nous-mêmes. Le langage personnel de l’autorité personnelle s’exprime par le JE (je suis fatiguée plutôt que tu me fatigues, je suis à bout plutôt que tu me pousses à bout, je te demande/ je veux plutôt que fais ci/ dépêche toi de… ). Le langage personnel est l’essentiel du message. Prendre en charge nos besoins et fixer nos limites personnelles (plutôt que des limites) peut se faire sans agresser les enfants.
Toute la question réside dans ces quelques mots : Sommes-nous suffisamment courageux et prêts à nous montrer vulnérables, humains et imparfaits ?
On ne peut changer les autres dans leur personne, mais si on sait les respecter dans leur être, ils sont souvent prêts à modifier leurs comportements pour la relation. – Isabelle Filliozat
8. Décoder les émotions sous-jacentes à la colère et s’autoriser les pleurs de réparation
Souvent, la colère est une deuxième émotion. Dans son livre Parents efficaces, Thomas Gordon explore le rôle de la colère dans la relation parents-enfants. Il explique que la colère du parent dirigée contre l’enfant conduit l’enfant à éprouver un sentiment de culpabilité et/ou de dévalorisation. Or Thomas Gordon écrit que les parents produisent eux-mêmes la colère après avoir éprouvé un premier sentiment avant que la colère ne prenne sa place. La colère n’est donc qu’une deuxième réaction.
Il donne cette exemple :
Je conduis mon auto sur la grande route : tout à coup, un autre conducteur me coupe la route en voulant me doubler et il me frôle dangereusement. Ma première réaction est la PEUR : son comportement m’a fait PEUR. En conséquence de la frousse qu’il m’a causée, quelques secondes plus tard, je klaxonne et “j’agis comme une personne en colère”; je vais même jusqu’à lui crier : “Imbécile, va donc apprendre à conduire !” […]. La raison de mon comportement colérique est de punir l’autre conducteur ou de l’amener à se sentir coupable de m’avoir fait peur, afin qu’il ne recommence plus.
Cet exemple amène à réfléchir aux notions de premier message et de deuxième message : la première émotion ressentie est la peur mais elle est vite remplacée par la colère. Il s’agit de comprendre que la colère arrive toujours en deuxième et masque la première émotion. Toute la difficulté consiste à :
- identifier cette première émotion,
- l’exprimer sans chercher à culpabiliser l’enfant ou à lui faire la morale.
Ainsi, la colère peut être envisagée comme une sorte de garde du corps d’émotions plus vulnérables, comme la peur, la tristesse ou encore la honte. Quand une personne lâche prise et se met à pleurer profondément, elle peut se laisser traverser par ses émotions vitales (la peur, la colère et la tristesse de ne pas être comprise, considérée ou reconnue comme compétente, d’avoir dû changer et s’adapter dans l’espoir de recevoir de la valorisation). Dans ce cas, les pleurs ne proviennent pas du désespoir mais du soulagement. La souffrance n’est pas niée, mais les pleurs sont justement le mécanisme le plus efficace que possède le corps pour soulager tension et douleur.
9. Utiliser le mouvement pour décharger les tensions mentales et émotionnelles
Décharger les tensions mentales et émotionnelles régulièrement et faire attention aux sensations corporelles (sensations de contraction, douleurs, nervosité) sont des facteurs de prévention de l’épuisement. Chaque mouvement ou déplacement peut être l’occasion de décharger :
- ouvrir une fenêtre et respirer plusieurs fois profondément,
- pratiquer un sport dans la douceur en abandonnant l’idée qu’il faut souffrir (sans rechercher la douleur),
- tondre la pelouse,
- jouer avec les enfants,
- pétrir une pâte (à pain, à tarte, à pizza…),
- rentrer chez soi à pied en passant par un parc ou une forêt,
- rire,
- pleurer,
- sauter/ s’étirer,
- décharger par plusieurs expirations profondes…
La télévision comme un faux-ami car certaines émissions surchargent en informations, en émotions et éloignent de la satisfaction des besoins physiques.
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Pour aller plus loin, je vous conseille la lecture du livre “S’occuper de soi et de ses enfants dans le calme : bouddhisme pour les mères” de Sarah Napthali (éditions Payot).
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