Parents, enseignants, formateurs : adoptons le “growth mindset” pour développer le potentiel des enfants et des adolescents
Carol Dweck est chercheuse en psychologie. Elle a conçu le concept de “growth mindset” (ou état d’esprit de développement en français) pour expliquer que les seules capacités et le talent ne suffisent pas pour réussir. Le plus important pour relever et réussir des défis est de les aborder avec un état d’esprit de développement. Il s’agit de penser en termes non seulement d’efforts et de travail mais également de stratégies.
Les personnes avec un état d’esprit de développement ne pensent pas que l’intelligence est fixée à la naissance et qu’il y a des gens doués et d’autres peu doués; elles ne se sentent pas supérieures aux autres; elles croient en leurs progrès personnels; elles prennent les échecs comme des occasions d’apprendre et de développer des stratégies plus efficaces.
Chacune de nos paroles et chacun de nos gestes d’adultes en contact avec les enfants participent à ancrer une tendance à l’état d’esprit de développement ou, à l’inverse, à l’état d’esprit fixe. Un message d’état d’esprit fixe ressemble à : “Tu as de traits permanents et je porte un jugement de valeur sur eux” tandis que le message d’état d’esprit de développement (growth mindset) ressemble à : “Tu es une personne qui se développe et je m’intéresse à ton développement“.
Comment cultiver l’état d’esprit de développement (growth mindset) chez les enfants ?
Valoriser les efforts et le processus
Cultiver l’état d’esprit de développement des enfants passe par des alternatives aux compliments sur le talent et l’intelligence. Quand on utilise des compliments orientés sur le niveau d’intelligence, les enfants craignent de ne pas être à la hauteur des attentes, de décevoir les adultes et de montrer des faiblesses. Cela peut anesthésier la prise de risque.
Plutôt que dire à un enfant ou un adolescent qu’il est “brillant” parce qu’il a eu une bonne note, nous pourrions dire “Tu as cherché des stratégies, tu as persévéré, essayé toutes sortes de solutions et fini par surmonter la difficulté”.
Nous pouvons les complimenter autant que nous voulons pour le processus qui les oriente vers le développement – ce qu’ils ont accompli par la pratique, la persistance dans l’étude et les bonnes stratégies. Et nous pouvons nous informer sur leur travail de manière à admirer et à apprécier leurs efforts et leurs choix. – Carol Dweck
Attention à la manière dont nous parlons des autres
Parfois, nous serons soucieux d’utiliser des compliments orientés vers le développement avec les enfants mais nous les anéantiront ensuite par la façon dont nous parlons des autres ou de nous-mêmes (exemple : “Elle a un cerveau de pois chiche”, “Il est nul”, “Je suis bête”, “Ce mathématicien est un génie”).
Quand les enfants nous entendent porter des jugements fixes sur les autres, cela leur transmet un état d’esprit fixe… et ils risquent de se demander : serai-je le suivant à subir ce type de jugement ?
Par exemple, pour parler des personnes célèbres, nous gagnerions à insister sur leurs parcours et leur engagement plutôt que sur leurs dons innés et leurs facilités naturelles.
La vitesse et la perfection ne sont pas les priorités
Carol Dweck nous met en garde contre des compliments du type “Tu l’as fait si vite ! Bravo !” ou “Tu n’as fait aucune erreur”. Avec ces paroles, nous envoyons le message que la vitesse et la perfection comptent plus que les choses apprises.
Quand un enfant effectue un travail rapidement et parfaitement, nous pourrions nous montrer un peu taquins et dire : “Oups, je suppose que c’était un peu trop facile pour toi. Faisons quelque chose qui te fera vraiment apprendre !”.
Les messages à propos de l’échec
Ne portez pas de jugement. Enseignez. C’est un processus d’apprentissage. – Carol Dweck
Carol Dweck rapporte plusieurs exemples de réactions face à des échecs d’enfants :
- à une jeune fille qui a perdu une compétition de gymnastique alors que son entraîneuse et elle même l’estimaient douée, le père a dit ” Je sais comment tu te sens. C’est si décevant d’avoir de hautes espérances, de faire de son mieux mais de ne pas gagner. Mais, tu sais, tu ne l’as pas encore vraiment mérité. Il y a avait là beaucoup de filles qui font de la gymnastique depuis plus longtemps que toi et qui ont travaillé beaucoup plus dur que toi. Si c’est une chose à laquelle tu tiens vraiment, alors c’est une chose pour laquelle tu devras vraiment travailler.”,
- à un garçon qui a fait tomber des clou et qui s’est traité de maladroit, le père a dit : “On dit : j’ai renversé les clous, je vais les ramasser. Seulement ça.”
Parents, enseignants, formateurs : comment cultiver notre propre état d’esprit de développement (growth mindset) ?
En tant que parents, enseignants et entraîneurs, nous avons la charge des vies d’autres personnes. Ils sont notre responsabilité et notre héritage. Nous savons maintenant que l’état d’esprit de développement a un rôle clé à jouer pour nous aider à réaliser notre mission et pour les aider à réaliser leur potentiel. – Carol Dweck
Ecouter nos propres messages
Carol Dweck nous conseille d’écouter ce que nous disons aux enfants pour nous mettre à l’écoute de la nature des messages que nous leur transmettons. S’agit-il de messages qui favorisent l’état d’esprit de développement (growth mindset) ou l’état d’esprit fixe ?
S’entraîner à utiliser les encouragements des processus et des stratégies (plutôt que des talents et des réalisations)
Complimenter l’intelligence et les talents des enfants et des adolescents renvoie un message d’état d’esprit fixe. Ces messages fragilisent leur confiance et leur motivation.
Les encouragements efficaces se concentrent sur les stratégies, les efforts, les choix effectués.
Par ailleurs, mettre une étiquette sur un enfant (maladroit, lent, nul en maths…) ou l’excuser (voire faire à sa place) ne sont pas des messages constructifs.
Chaque jour, en fin de journée, nous pouvons mettre par écrit les encouragements que nous avons formulés à l’égard des enfants.
Fixer des objectifs sur l’expansion des compétences des enfants et adolescents (plutôt que sur des notes ou un résultat)
Valoriser le fait d’avoir un talent ou une bonne note sont des marques de l’état d’esprit fixe. L’expansion des connaissances et des compétences est une marque de l’état d’esprit de développement.
Maintenir les exigence en donnant des conseils sur les stratégies
Abaisser les exigences n’augmente pas la confiance en soi des élèves. Mais l’augmentation des exigences non plus si on ne donne pas aux enfants des moyens pour les atteindre.
Il est utile de présenter les matières scolaires dans un cadre de développement et de donner des feedbacks sur les processus utilisés par les élèves.
Identifier les freins à la compréhension et se concentrer sur le processus d’apprentissage
L’objectif des adultes doit toujours être de trouver ce que les enfants ne comprennent pas et quelles stratégies d’apprentissage ils n’ont pas. Les enseignants avec un état d’esprit de développement croient dans le développement des talents et de l’intellect : ceux des enfants mais également les leurs propres !
Les “bons” enseignants sont passionnés par le processus d’apprentissage aussi bien chez eux que chez les autres.
Demander un engagement total dans un projet, un match, une compétition, un examen
Au lieu de demander des copies ou des matchs sans faute, nous pouvons demander un engagement total et de véritables efforts.
Au lieu d’évaluer les joueurs, nous pouvons leur donner du respect et les stratégies dont ils ont besoin pour se développer.
Mise en garde contre une mauvaise compréhension de l’état d’esprit de développement
Depuis quelques années, Carol Dweck s’alarme pourtant à la simplification de son message. Aider les enfants à acquérir un état d’esprit de développement n’est pas seulement mettre l’accent sur les efforts plutôt que sur le résultat. Carol Dweck met en garde contre un “faux” état d’esprit de développement :
Personne n’a un état d’esprit de développement en toute chose et en tout temps. Tout le monde est un mélange d’état d’esprit de développement et fixe en même temps. Vous pouvez tout à fait avoir un état d’esprit de développement dans un domaine mais présenter des traits qui vous maintiennent dans un état d’esprit fixe dans certains autres domaines.
Le travail sur l’état d’esprit de développement consiste donc plutôt à déterminer les déclencheurs de l’état d’esprit fixe et à comprendre le mécanisme qui fait passer de l’état d’esprit de développement à l’état d’esprit fixe.
Comment s’assurer de cultiver efficacement l’état d’esprit de développement des enfants et adolescents ?
Il est de notre ressort d’adulte (et encore plus en position d’enseignement) de mettre en place un environnement qui permettent aux enfants d’adopter un état d’esprit de développement. Il ne s’agit pas seulement de reconnaître les efforts et les progrès des enfants mais également d’avoir une foi inébranlable dans les capacités et le potentiel de l’enfant et de mettre en place des stratégies pour les aider à déployer leur plein potentiel.
Il ne s’agit pas tant d’encourager les efforts que les stratégies utilisées dans le cas d’une réussite et d’orienter vers des stratégies plus appropriées et efficaces dans le cas d’un échec.
Carol Dweck écrit : “Les enseignants efficaces dont les classes sont remplies d’enfants avec un état d’esprit de développement encouragent en permanence les stratégies d’apprentissage et montrent comment ces stratégies ont mené au succès.”
Quand un élève est bloqué, ses efforts ne suffisent pas ! Il ne s’agit pas d’encourager les élèves à redoubler d’efforts avec des stratégies inefficaces. Il s’agit plutôt de leur apprendre à demander de l’aide quand ils en ont besoin et de savoir où chercher les bonnes ressources au bon moment.
La manière dont on réagit à un échec d’un enfant va forger son état d’esprit. Même quand on met l’accent sur les efforts alors que l’enfant a échoué (par exemple, une note en dessous de la moyenne en maths), le fait de s’arrêter sur la notion d’efforts et de ne pas enchaîner sur ce qui peut être appris de cet effort a tendance à favoriser un état d’esprit fixe (exemple : “Tout le monde ne peut pas être bon en maths, tu as de bonnes performances dans d’autres matières” vs. “Comment peut-on améliorer ce résultat ? De quoi a-t-on besoin ? Qu’est-ce qui pourrait t’aide à progresser ?”).
En résumé :
Encourager un état d’esprit de développement peut se faire à tout âge : chez les plus jeunes enfants, chez les adolescents et même chez les adultes. Cela peut passer par plusieurs étapes :
- présenter la neuroplasticité : l’intelligence n’est pas fixe et on peut apprendre à tout âge !
- mettre l’accent sur les stratégies utilisées, sur le “comment” et guider vers l’autonomie intellectuelle (quelles ressources chercher ? où ? quand ? comment ? auprès de qui ? quelles méthodes d’apprentissage ?…);
- engager la tête et le coeur : “grâce à mon intelligence et mes efforts, je peux contribuer au monde. Comment puis-je utiliser mon cerveau pour rendre le monde meilleur ?”
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Source : Changer d’état d’esprit : Une nouvelle psychologie de la réussite de Carol Dweck (éditions Mardaga)