L’instinct de contrevolonté : les jeunes enfants sont allergiques à la contrainte

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Un constat largement partagé : plus les adultes insistent pour qu’un jeune enfant fasse quelque chose, plus l’enfant va faire le contraire.

Tous les parents l’ont constaté : plus ils disent à leur enfant de se dépêcher, plus ce dernier va se mettre à traîner, voire à partir se cacher. Autrement dit, plus les adultes insistent pour qu’un enfant fasse quelque chose, plus l’enfant va faire le contraire. Tout se passe comme si un mode par défaut de résistance était enclenché.

Deborah Macnamara explique ce comportement par l’instinct de contrevolonté. Cet instinct se déclenche chaque fois que les jeunes enfants (2 à 5/6 ans) se sentent contrôlés ou contraints par d’autres. Il se manifeste le plus ostensiblement chez les enfants autour de 2 ans dont le mot favori est “non“. Leur première réponse à presque tout est non même si ce non peut se changer en oui plus tard, le non vient en premier.

Les jeunes enfants peuvent facilement devenir préoccupés avec les interdits, alors quand on leur dit de ne pas utiliser des mots grossiers, ils ont tendance à continuer de les répéter. Sans aucun avertissement, ils peuvent devenir désobéissants, obstinés, têtus, résistants, querelleurs, critiques, belliqueux, incorrigibles, défiants et refuser de collaborer. […] Les parents se demandent parfois ce qui est arrivé à leur enfant agréable, complaisant et facile à vivre qui commence à exploser en défiance et en opposition. – Deborah Macnamara

La capacité à dire non des jeunes enfants est épuisante pour les parents mais elle est avant tout une réussite développementale à célébrer car elle joue un rôle critique dans la préservation du soi et dans le fait de devenir une personne distincte.

Cette capacité à dire non s’accompagne d’une volonté de faire tout seul. Deborah Macnamara écrit que les jeunes enfants sont allergiques aux plans des autres personnes parce qu’ils sont encore en train d’essayer de comprendre le leur… ce qui donne leur phrase favorite : «Moi tout seul !». La bonne nouvelle est que, plus un enfant développe sa propre volonté, moins il a besoin de résister et s’opposer à la volonté des autres.

Une explication par l’instinct de contrevolonté

Deborah Macnamara définit l’instinct de contrevolonté comme “une réaction défensive à ce qui est perçu comme du contrôle et de la coercition“. La contrevolonté et l’attachement ont une relation complémentaire : plus l’attachement est fort, moins la contrevolonté est forte. Ainsi, un enfant s’opposera avec plus de force à une personne avec laquelle il n’a aucun ou peu de lien (c’est une façon de se protéger) et un enfant s’opposera plus fortement à ses parents si ces derniers ne font pas l’effort de créer de la connexion émotionnelle, de l’empathie lors de leurs demandes ou consignes.

Si un parent donne une instruction ou une directive sans engager les instincts d’attachement de l’enfant, celui-ci peut se sentir contraint et contrôlé, pavant ainsi la voie à une réponse de contrevolonté.

Par ailleurs, les jeunes enfants n’ont ni la maturité émotionnelle ni le vocabulaire pour dire qu’ils sont en plein milieu de leur individuation et de leur  différenciation en tant qu’être distinct. Au lieu de déclarer “Ta volonté empêche la mienne de se développer plus loin“, ils vont utiliser n’importe quel moyen à leur portée pour passer leur message de contrevolonté.

Comme tout comportement humain, l’instinct de contrevolonté a donc une fonction positive du point de vue du développement :

  • il favorise l’attachement aux personne proches (parents en priorité) en protégeant contre les influences et les demandes extérieures(par exemple d’un grand-parent peu fréquenté, d’une tante trop autoritaire ou encore d’une personne étrangère dans un magasin)
  • il favorise le développement en préparant le terrain pour un fonctionnement distinct (la première étape pour trouver sa propre volonté étant de contrer et de résister à la volonté des autres, y compris des parents).

 

Notre défi de parents : ne pas insister à tout prix au risque de mener à plus de résistance (enfants) et à la violence (adultes)

Dire que les jeunes enfants qui résistent aux indications de leurs parents sont dans une phase de développement normale (l’âge de l’autonomie) permet de mieux comprendre les “non” et oppositions… mais la patience des adultes peut être sacrément mise à l’épreuve malgré tout. Les risque de luttes de pouvoir et de violence sont élevés quand le parent est sous stress (départ pour la crèche ou l’école par exemple, regards culpabilisants de spectateurs, peur de passer pour un parent laxiste) ou s’accroche à l’idée que sa demande est ce qu’il “faut” faire (se laver, se brosser les dents, se coucher tôt, dire bonjour ou merci…).

Deborah Macnamara regrette que certains parents réagissent fortement à la défiance d’un enfant croyant que s’ils ne le font pas, cela ne fera que mener à plus de désobéissance. Pourtant, un adulte qui  insiste pour qu’un enfant obéisse tout de suite passe à côté des raisons émotionnelles, développementales (et donc instinctives) qui mènent l’enfant à l’opposition. L’enfant réagit en demeurant inconscient de son instinct de contrevolonté.

Avec suffisamment de force, un adulte peut faire capituler un enfant à ses demandes, mais cela mène souvent à la rancœur et à la confusion en plus d’éroder l’attachement.

Nous pouvons alors, en tant que parents d’un jeune enfant, nous connecter à l’idée que :

  • le fait d’avoir sa propre opinion (donc différente de la notre) est un bénéfice développemental pour l’enfant;
  • la coopération de l’enfant peut être obtenue sans recours aux punitions ni aux récompenses mais par la connexion et l’empathie;
  • la résistance peut aussi être le résultat de la curiosité, de l’oubli ou du manque de compréhension d’une consigne.

Comment faire face à l’opposition des jeunes enfants ?

Deborah Macnamara estime que le plus important est de ne pas réagir en utilisant plus de force ou de manipulation pour contrôler l’enfant car cela ne ferait qu’exacerber sa résistance et dégrader la qualité de la relation.

Apprivoiser un enfant est une des meilleures façons d’engager ses instincts d’attachement et implique de se mettre gentiment devant lui de façon amicale et d’obtenir un regard ou peut-être un sourire.

Si une réponse de contrevolonté arrive après une période d’attachement satisfaisant avec un enfant (jeu ensemble, journée passée à la maison…), alors c’est probablement juste une réaction normale destinée à l’aider à devenir sa propre personne.

Deborah Macnamara propose quatre pistes pour faire face à l’instinct de contrevolonté des jeunes enfants :

  • Faire le pont avec la contrevolonté de l’enfant

Quand on arrive à dépasser l’impatience et l’irritation soulevées par l’opposition de l’enfant, on peut se mettre en lien avec l’amour ressenti pour lui. Cet amour nous donne les clés pour maintenir une bonne relation avec lui, en nous connectant avec la patience et la tolérance nécessaires pour élever un enfant humain.

Par exemple, si un enfant refuse de mettre ses chaussures et que son parent le menace d’une punition s’il ne s’exécute pas tout de suite, alors parents et enfants vont rester coincés dans leur propre réaction de contrevolonté dans une escalade vers la violence où la dignité de l’enfant, plus faible par nature, sera la grande victime.

Un parent pourrait dire quelque chose comme : « Oui, je sais que tu n’aimes pas ça, parfois, quand je te dis quoi faire. ». Le parent prend l’enfant au sérieux en reconnaissant qu’il a le droit d’avoir son propre avis.

Accompagner les sentiments qu’il ressent en raison du fait d’être contrôlé ou contraint va lui éviter d’être humilié pour quelque chose qui se produit naturellement.

Quand nous avons cédé à la violence (physique, verbale ou émotionnelle), notre premier devoir est de réparer la relation. Cela implique de demander pardon en assumant la responsabilité de nos actions (sans dire à l’enfant qu’il l’avait cherché ou qu’il nous avait poussé bout). Si un enfant se sent toujours blessé même après des excuses, il reste important de lui accorder le droit à la tristesse ou à la colère.

  • Approfondir le lien d’attachement

Selon Deborah Macnamara, si la résistance d’un enfant provient d’une faible relation avec un adulte, cultiver un attachement plus solide est la première tâche à effectuer. Renforcer la relation peut se faire à travers :

  • des émotions agréables partagées (joie à jouer ensemble, bonheur exprimé de passer du temps ensemble, gratitude pour l’existence de l’enfant, proximité physique et émotionnelle à travers des câlins, des rires partagés…)
  • des actes qui nourrissent les besoins d’appartenance et d’utilité de l’enfant (manger tous ensemble à table, participation des enfants sous forme de jeux aux tâches domestiques…).

Deborah Macnamara avertit que la discipline basée sur la séparation, sur l’isolement forcé (le “coin“) ou sur le retrait d’objets ou activité (enfant privé de télé, de jeux, de vélo…) a un pouvoir destructeur sur l’attachement. L’attachement est un besoin fondamental des enfants humains et ce genre de discipline augmente la résistance de l’enfant en dégradant le lien d’attachement et en provoquant une réelle détresse émotionnelle.

  • Réduire la coercition et le contrôle

L’objectif est toujours d’utiliser le moins de force et de pression possible. Les formes de coercition physiques (fessée – interdite par la loi, tirage de bras ou d’oreilles…), comportementales (punition, retrait d’objet, privation…) ou émotionnelles (menace, chantage, humiliation…) augmentent les réactions de contrevolonté.

Deborah Macnamara conseille de laisser du champ aux enfants en proie à l’instinct de contrevolonté : “lorsqu’une réaction de contrevolonté a été provoquée, une des stratégies les plus efficaces est de temporairement se retirer jusqu’à ce que les instincts d’attachement soient activés.”. Ainsi, il est possible de donner quelques minutes supplémentaires pour jouer ou bien d’entrer dans l’imaginaire de l’enfant (orienter son jeu vers ce qu’il a à faire en entrant complètement dedans avec lui). Nous pouvons aussi utiliser le levier de la contrevolonté avec humour en affirmant le contraire de ce que nous voulons (je me souviens avoir dit à ma fille en pleine crise d’opposition de ne surtout pas mettre ses chaussures quand j’avais le dos tourné ou alors qu’il était interdit pour les enfants de mettre leur manteau tout seul… le tout avec humour et clin d’oeil, dans une connivence émotionnelle sans moquerie ni abus de sa naïveté).

Par ailleurs, les rituels et les routines peuvent aider à orienter les comportements des enfants vers ce qu’ils ont à faire sans que le parent joue le rôle du patron. Des images ou pictos peuvent rappeler le déroulé de la matinée par exemple. Quand on y ajoute une touche de bonne humeur, comme le fait de passer la chanson du brossage de dents ou de chanter la chanson des chaussures, les transitions se passent mieux.

  • Faire de l’espace pour la volonté de l’enfant

Nous pouvons nous montrer heureux d’aider notre enfant à découvrir sa propre volonté. Par exemple, si un parent montre à son enfant comment faire quelque chose (plier du linge ou coller des gommettes) mais que l’enfant résiste aux consignes et dit qu’il a sa propre façon de faire, sommes-nous capables de résister à la pensée que notre façon est forcément meilleure et à la tendance à rediriger son action ?

Les parents doivent trouver des endroits, des choses ou des activités sur lesquels les enfants peuvent avoir le contrôle et faire à leur manière, sans être supervisés ou redirigés sans cesse.

 

La contrevolonté protège le jeune enfant de suivre des gens à qui il n’est pas attaché et prépare le terrain pour que le soi distinct émerge. La résistance d’un enfant vient parfois du fait que l’adulte n’a pas activé ses instincts d’attachement avant de le diriger ou peut aussi vouloir dire que l’enfant est simplement en train d’essayer de comprendre les choses par lui-même. – Deborah Macnamara

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Source : Jouer, grandir, s’épanouir de Deborah Macnamara (édition Numérique Au Carré). Disponible sur internet.

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