Les étiquettes, les rôles attribués aux enfants et leurs dangers
Les comportements (négatifs mais aussi positifs) s’auto-renforcent à l’aide d’étiquettes.
Dans leur livre Parler pour que les enfants écoutent, écouter pour que les enfants parlent, Faber et Mazlish nous mettent en garde contre les prédictions qui se réalisent en matière de relation parents/ enfants. Quand on pose une étiquette sur quelqu’un, et en particulier un enfant, il se met à se percevoir ainsi et, par ricochet, à se comporter réellement de la manière qui lui est pourtant reprochée (par exemple : “Qu’est-ce que tu es lente !”, “Tu fais toujours tomber les choses, tu es maladroit”…). Les étiquettes et les comportements se renforcent les uns les autres dans un cercle vicieux auquel il est difficile de mettre un terme. Par ailleurs, poser une étiquette n’est pas aidant : ce qui est plus aidant est de raisonner en termes de besoins, d’environnement ou encore de développement (ex temple: si je considère que mon enfant est plus lent ou plus maladroit que la moyenne, y aurait-il quelque chose à explorer du côté d’un trouble dys comme la dyspraxie ?).
Marshall Rosenberg, concepteur du processus de la Communication NonViolente, faisait remarquer à propos d’élèves jugés “socialement et émotionnellement inadaptés” : “Si vous êtes classés socialement inadaptés, ça laisse une permission de faire le bazar.”
C’est le sociologue américain Robert King Merton qui a le premier défini le phénomène sous le nom de prophéties auto-réalisatrices : « La prophétie auto-réalisatrice est une définition d’abord fausse d’une situation, mais cette définition erronée suscite un nouveau comportement, qui la rend vraie ». Par exemple, les actionnaires imaginent que le marché va s’écrouler et cela provoque un crack boursier. A l’inverse, la crainte d’un embouteillage peut amener à différer son départ et rendre le trafic plus fluide.
La puissance des prophéties auto-réalisatrices dans l’éducation
La puissance des prophéties auto-réalisatrices s’appliquent aussi en éducation : pour transformer un “mauvais” élève en bon élève, comportez vous comme s’il était bon ! L’effet Pygmalion est le nom donné par Robert Rosenthal à cet effet psychologique. Robert Rosenthal, psychologue américain du milieu du XX° siècle, a mené un expérience avec des enfants dans une école de San Francisco. Le psychologue s’est adjoint les services de Leonore Jacobson, directrice d’école. Ils ont voulu évaluer l’impact des attentes favorables des enseignants sur le niveau de développement intellectuel des élèves.
Rosenthal et Jacobson ont fait passer un test de QI à l’ensemble des élèves d’une école défavorisée composée essentiellement d’enfants d’immigrés. Ils ont attribué un résultat surévalué à 20% des élèves et se sont arrangés pour que les enseignants prennent connaissance de ces résultats. A la fin de l’année scolaire, Rosenthal et Jacobson ont à nouveau soumis les élèves à un test de QI. Il se trouve les performances aux tests de QI des élèves dont les résultats avaient été surévalués ont augmenté ! Pour la seule et unique raison que les enseignants ont porté un regard positif et valorisant sur ces enfants-là du fait d’attentes et de croyances modifiées à leur égard.
Les attentes et croyances sur les compétences et le potentiel d’un enfant modifient son évolution scolaire.
L’inverse est vrai également : un enfant risque d’intérioriser des remarques du type “Ce n’est pas un cerveau que tu as, c’est une passoire !”, “C’est pas compliqué à comprendre pourtant !”, “Je ne sais plus quoi faire de toi !” et de se convaincre qu’il n’est effectivement pas capable d’apprendre. Les psychologues parlent d’impuissance apprise (ou de résignation acquise) car c’est à force d’entendre qu’il n’est pas intelligent, qu’il n ‘arrivera à rien que l’enfant refuse de travailler.
6 pistes pour aider un enfant à se débarrasser d’une étiquette ou d’un rôle qui l’enferme (maladroit, égoïste, lent…)
Adele Faber et Elaine Mazlish formulent des pistes pour lutter contre l’attribution d’étiquettes et pour laisser les enfants être eux-mêmes au maximum, en dehors de jugements (qu’ils soient positifs ou négatifs).
1.Rechercher les occasions de présenter à l’enfant une nouvelle image de lui-même
- Rechercher les points forts et pratiquer le renforcement positif (“j’aime quand tu… [comportement positif]…”, “c’est agréable quand tu…”),
- Faire preuve de gratitude (“merci d’avoir pensé à.. [comportement positif]…“),
- Décrire plutôt que juger (“je vois que tu as.. [comportement positif]…“).
2.Placer l’enfant dans des situations qui lui permettent de se voir d’un oeil différent
- Donner des responsabilités et des signes de confiance (“je te charge de…”, “je te confiance pour…”),
- Exprimer des attentes claires (“je te demande de…”, “je m’attends à ce que…“) et en langage positif (ce qu’on veut que l’enfant fasse plutôt que ce qu’il ne doit pas faire),
- Proposer des choix (“penses-tu que c’est plus sûr de… ou de…“),
- Impliquer dans les actes du quotidien plutôt qu’écarter pour éviter d’éventuels dégâts (“voudrais-tu m’aider en faisant…. ?”, “comment faire pour… ? as-tu une idée ?“)
3.Faire en sorte que l’enfant entende nous dire des choses positives à son égard
- Décrire de manière objective sans jugement ce que l’enfant a fait de bien (comme si une caméra avait filmé ce que l’enfant a fait),
- Exprimer nos émotions face à un comportement attendu de l’enfant (“je suis impressionnée/ je suis content/ je ressens de la gratitude/ j’ai beaucoup de plaisir à…”),
- Résumer le comportement en un mot (“c’est ce que j’appelle du courage/ de l’adresse/ de l’organisation…“)
4.Donner nous-mêmes l’exemple du comportement que nous attendons de lui
- Mettre des mots sur nos émotions (“c’est désagréable de perdre, je suis déçue mais je suis bonne perdante : félicitations, tu as bien joué !“)
- Décrire nos procédures et stratégies (“je dois faire le ménage, c’est décourageant, je vais nettoyer deux pièce aujourd’hui et faire le reste demain“)
- Reconnaître nos erreurs et réparer (“j’ai renversé mon verre, j’ai besoin d’une éponge pour l’eau et de la balayette pour le verre“)
5.Être la boîte à souvenirs de comportements attendus
- Rappeler les succès et bonnes actions des enfants (“il/ elle ne te connaît pas comme moi. Moi, je me souviens bien du jour où…”)
- Valoriser ce que l’enfant sait faire (“on parle bien de cet enfant qui a appris à… à 4 ans/ qui sait faire… ?“)
- Insister sur le “pas encore” (“tu ne sais pas encore faire du vélo/ nager...”) et “bientôt” (“tu vas bientôt apprendre à…“)
6.Exprimer émotions et attentes quand le comportement est inapproprié
- Parle en message Je (“je suis contrarié quand…”, “je n’aime pas quand tu me parles comme ça, je ressens…”)
- Reconnaître l‘émotion de l’enfant en affirmant nos attentes (“tu es déçue d’avoir perdu, tu détestes ça ! Mais je m’attends à ce que tu gardes ton esprit sportif”)
- Insister sur les compétences que l’enfant doit développer et les moyens qu’il a à disposition (“je m’attends à ce que tu puisses t’exprimer sans te mettre dans tous tes états, tu peux aller dans ton espace de retour au calme si tu en as besoin”)
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Source : Parler pour que les enfants écoutent, écouter pour que les enfants parlent de Adele Faber et Elaine Mazlish (éditions du Phare). Disponible en médiathèque, en librairie ou sur internet.
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