La charge mentale des parents : définition et risques
En tant que parents, la charge mentale, c’est penser toujours à tout ce qui concerne le bon fonctionnement de la famille, organiser et exécuter les tâches liées au fait d’avoir des enfants, sans pouvoir faire de pause.
Définition de la charge mentale des parents
Penser à tout, tout le temps, c’est épuisant. Ce n’est pas tant le faire qui est épuisant mais d’y penser, de ne pas oublier et d’avoir l’impression que la liste des choses à faire ne se videra jamais car une nouvelle tâche s’y ajoute toujours. Par ailleurs, les stimulations auditives et visuelles continues contribuent à alourdir la charge mentale (exemples : les notifications des réseaux sociaux, les emails de bons plans avec des stresseurs du type “C’est maintenant ou jamais”, les panneaux lumineux dans la rue, le bruit à la maison car les enfants crient, courent ou se disputent…).
La charge mentale des parents revient à penser en permanence à la gestion du foyer : les moments de détente sont parasités par des pensées autour de la famille, de la maison, des courses, des tâches domestiques ou encore du planning quotidien (activités extrascolaires des enfants, RDV médicaux, réserver le centre de loisirs pendant les vacances scolaires…).
Quand on garde toutes les choses à faire en tête, on finit en état de saturation mentale parce que notre réservoir d’attention est limité. Le cerveau n’est pas multitâche et se fatigue à vouloir traiter plusieurs tâches en même temps. Même quand nous semblons mener plus d’une activité en même temps, nous passons en réalité de l’une à l’autre sans nous en rendre compte (et donc sans nous rendre compte du coût de cette alternance). Nous allons mettre longtemps à remobiliser notre attention et c’est cela qui nous fatigue.
Un problème qui touche particulièrement les mères
Coline Charpentier est mère et autrice du livre T’as pensé à… ? au sujet de la charge mentale des mères. Elle écrit que le problème de la charge mentale est que certains hommes ne se rendent pas compte du travail que cela demande de tenir une maison et d’organiser la vie familiale. Il s’agit plus d’une question de socialisation que de compétence. Pour Coline Charpentier, les valeurs de la masculinité sont d’abord tournées vers l’extérieur du foyer plutôt que vers l’intérieur. Il n’y a rien de naturel à ce que la charge de la tenue du foyer repose (presque) entièrement sur les femmes. Coline Charpentier regrette que les contraintes autour des enfants reposent sur les mères et que ce que les pères font soit vu comme du “bonus” : quand un père s’occupe des enfants et prend en charge les tâches qui y sont liées, c’est un héros (quand la mère assume exactement les mêmes tâches, c’est normal).
Les signes qui alertent sur les risques de dépression et/ou d’épuisement physique
On a tous un degré de charge mentale et il y a des signes qui peuvent alerter sur le trop plein qui peut mener à la dépression et/ou à l’épuisement physique :
- intensité des maux physiques et psychologiques (fatigue, stress, irritabilité, maux de dos ou de tête…);
- fréquence des maux physiques et psychologiques;
- surinvestissement dans la sphère familiale ou professionnelle;
- manque de sens dans la vie, sensation d’écrasement ou de poids existentiel à porter;
- prise en compte des avertissements de l’entourage qui remarque des signes de malaise;
- les personnes anxieuses, pessimistes et perfectionnistes sont plus sujettes à la charge mentale;
- peur exagérée de rater la moindre information.
Des pistes pour alléger la charge mentale des parents
Voici quelques pistes pour alléger sa charge mentale de parent :
Impliquer les enfants dans les tâches ménagères
Nous pouvons développer l’autonomie des enfants pour alléger notre propre charge mentale de parents. Cette autonomie ne se décrète pas et se construit pas à pas, dans le respect des capacités et du rythme de l’enfant. Faire des choses à la place des enfants alors qu’ils en sont capables (pour aller plus vite, pour se sentir utiles en tant que parents…), c’est les infantiliser et les empêcher de développer leur confiance en eux et leur sens de la responsabilité (individuelle et collective).
Pour y parvenir, nous pouvons parler de tâches collectives plutôt que ménagères et afficher un calendrier familial dans la cuisine afin que chaque membre de la famille prenne en charge ses besoins. Ce sera par exemple à un enfant de 8 ans de se souvenir que le lendemain il y a piscine et qu’il doit en conséquence préparer son sac la veille et mettre ses affaires mouillées à sécher après. Il y aura probablement besoin de répéter souvent et il y aura des oublis mais le droit à l’erreur fait partie du cheminement.
Se décharger et déléguer sera plus efficace si cela se fait dans un cadre coopératif, du type Temps d’échange en famille tel que proposé dans la Discipline Positive.
Penser à remercier et faire preuve de gratitude créera une ambiance familiale plus coopérative. La gratitude peut prendre la forme de ce type de phrase : “Je suis content que tu aies ramassé tes livres qui étaient par terre, sans que j’aie à te dire quoi que ce soit à ce propos. J’ai remarqué que tu pensais de plus en plus à remettre les choses à leur place. C’est faire preuve d’autonomie.” ou “Merci d’avoir débarrassé le lave-vaisselle. C’est agréable et ça rend ma journée un peu plus belle.”
Nous pouvons également solliciter des signes de gratification et de reconnaissance aux autres membres de la famille afin de remplir notre réservoir.
Faire preuve de sobriété mentale
Nous pouvons consciemment décider de couper les notifications de nos smartphones, nous désabonner des newsletters et autres emails publicitaires qui consomment une partie de notre disponibilité mentale.
Il existe également des applications pour couper le téléphone sur une plage horaire prédéfinie ou après un temps maximum passé sur écran.
Se ressourcer
Notre énergie n’est pas illimitée : comme les voitures, nous avons besoin de refaire le plein régulièrement. Quand notre réservoir est vide, nous ne pouvons littéralement plus avancé. Se ressourcer peut prendre des formes différentes selon les préférences, possibilités et besoins mais le point clé à conserver en tête est de choisir des activités qui font sens, qui procurent de la joie et qui donnent un regain d’énergie après.
Prendre soin de soi n’est pas une injonction de plus mais une mesure de prévention de la dépression. Nous pouvons trouver contraignant le fait de dégager du temps pour prendre soin de nous-mêmes et il est possible que les mesures prises n’apportent pas de satisfaction au départ. Prendre soin de soi n’a pas forcément besoin d’être chronophage ou d’amener des déplacements, des gardes d’enfants (avec les problèmes d’organisation et de logistique que cela peut entraîner). Cela peut simplement consister à s’asseoir 3 minutes en pleine conscience, en se concentrant sur le souffle régulier et le ventre qui monte et descend selon les inspirations et expirations.
Stop à l’injonction au lâcher-prise concernant la charge mentale des parents
Savoir qu’on ne fera pas tout ce qui est écrit sur la fameuse to-do-list est déjà en soi un soulagement : personne n’est un surhumain et à l’impossible, nul n’est tenu ! Toutefois, il y a des tâches absolument nécessaires et l’injonction au lâcher-prise pour se débarrasser de la charge mentale n’est pas aidante, en particulier pour les mères. Lâcher prise, c’est accepter que les autres voient la mère comme celle qui “démissionne“, qui ne fait plus rien. Une femme qui ne fait plus rien à la maison est rarement vue comme une femme forte, qui réussit ou comme une compagne aimante, comme une mère qui s’affirme. C’est plutôt une femme égoïste, paresseuse, une mère incompétente, laxiste, voire dangereuse. Et le problème reste irrésolu si personne ne prend en charge les tâches lâchées.
Le compte Instagram T’as pensé à propose de nombreux témoignages de femmes qui illustrent ce qu’est précisément la charge mentale. Lire ces témoignages et anecdotes avec le conjoint peut poser des bases pour engager une conversation autour de la charge mentale des mères et ouvrir des perspectives en termes de rééquilibrage et solutions. En voici un exemple à retrouver sur le compte @taspensea :
Repenser les to-do-lists
Il est possible de raisonner autrement face aux listes de choses à faire qui n’en finissent jamais :
- Faire la liste des choses déjà faites (en complément ou à la place des choses à faire)
- Les noter permet de se rendre compte qu’il y a des choses moins importantes qui peuvent être reportées sans culpabilité et peut engendrer de la fierté d’avoir faire tant de choses qui passent inaperçues habituellement.
- Faire tout de suite ce qui peut être fait tout de suite sans remettre à plus tard
- Cela vaut également pour les discussions importantes : avoir les discussions conflictuelles assez rapidement n’est pas confortable mais libère de l’énergie mentale car cela évite les ruminations et l’escalade vers le ressentiment.
- Sectionner les tâches et les regrouper par nature de tâche (par exemple, consulter les email seulement 3 fois par jour plutôt qu’à chaque notification)
- Cela évite d’avoir à remobiliser l’attention dispersée, source de fatigue.
Réestimer le temps passé réellement sur les choses à faire
Dans son livre La charge mentale des femmes, Aurélia Schneider propose une astuce de gestion du temps pour alléger la charge mentale des parents. Il s’agit de réévaluer le temps passé à exécuter certaines actions qu’on a tendance à sous-estimer. Elle propose de créer un tableau pour noter les actions du quotidien qui nous posent problème, d’estimer le temps que nous leur attribuons et de réfléchir au temps réel passé sur ces actions, en prenant en compte tous les petits actes liés (avant, pendant, après).
Une fois le tableau rempli pour une période déterminée (le matin avant d’aller au travail ou le soir, du retour de l’école au coucher des enfants), les temps estimés pourront être réajustés pour organiser plus efficacement le temps.
Par exemple, on pensait avoir besoin de 30 min pour la séance de sport du matin (TE) et, dans la réalité, on en met 45 (TR). Le temps estimé de prime abord est donc à multiplier par 1,5 pour devenir réel, voire par 2 pour s’assurer de ne pas devoir se dépêcher et pouvoir faire face à l’imprévu sans stress.
Ralentir et réduire la quantité des activité des enfants
Les emplois du temps de nos enfants peuvent ajouter de la charge mentale à la charge mentale inhérente à la parentalité. De plus, les enfants peuvent avoir eux-mêmes une charge mentale qui leur cause de la souffrance. Le risque est de vouloir trop en faire et de glisser vers l’hyperstimulation. Les activités non supervisées par les adultes, le jeu libre et les interactions informelles entre enfants risquent alors d’être considérés comme inintéressantes en termes d’apprentissage, voire comme une perte de temps.
L’hyperstimulation des enfants comporte des dangers :
- peur de ne pas réussir à faire face,
- peur de ne pas réussir,
- peur de ne plus être aimé,
- peur de décevoir,
- peur de l’école,
- peur des autre,
- stress intense, sur le qui-vive en permanence,
- perte de confiance en soi progressive et insidieuse,
- épuisement,
- difficultés d’apprentissage car il n’y a “plus de place” dans le cerveau,
- dégradation de la relation parent/ enfant et de l’atmosphère familiale.
Nous pouvons alors décider de réduire le nombre d’activités des enfants et opter pour une “slow life”. Dégager du temps libre a d’immenses bénéfices tant pour les parents qui vont moins courir que pour les enfants :
- l’accès à l’autonomie,
- le plaisir de vivre,
- la connaissance de soi et des autres à travers le jeu,
- le développement de la créativité,
- l’acquisition et la consolidation de certains apprentissages fondamentaux,
- l’espace pour discerner et considérer les problèmes.
En matière d’éducation, moins, c’est souvent mieux. Moins, c’est réduire la charge mentale des parents (et en particulier des mères).