Enseigner aux enfants à prendre en compte les “invisibles” dans les interactions pour développer leurs compétences émotionnelles et relationnelles

Enseigner aux enfants à prendre en compte les _invisibles_ dans les interactions pour développer leurs compétences émotionnelles et relationnelles

Découvrir « les invisibles » dans une relation

Les enfants peuvent développer une compréhension globale des situations et interactions auxquelles ils sont confrontés quand les adultes les encouragent à se mettre dans la peau des autres et à rechercher « les invisibles ». Ce terme d’« invisibles » est utilisé par Marie-Nathalie Beaudoin dans son livre Les mille et une compétences en chaque enfant . Par cette expression, elle désigne les facteurs qui ne se voient pas à l’oeil nu mais qui influent sur les comportements. Les invisibles peuvent être la faim, une mauvaise journée, un contrôle stressant, une maladie, un oubli de matériel, etc. Ils incluent tous les facteurs qui peuvent rendre une personne plus encline à adopter certains comportements et certaines émotions sans qu’elle y fasse attention.

Il est possible d’enseigner aux enfants à découvrir «les invisibles » dans une relation en attirant leur attention sur les facteurs qui poussent les gens à s’engager dans une réaction donnée à un moment donné.

« Les invisibles » sont fondés sur la croyance qu’il y a toujours des raisons complexes sous-jacentes aux comportements des êtres humains, quel que soit leur âge.

Conversations stimulant les compétences : l’importance de la parole entre adultes et enfants

En tant qu’adultes, nous pouvons mener des conversations stimulant les compétences des enfants et adolescents afin de les inviter à réfléchir à ce qui peut contribuer aux comportements d’une autre personne, avec des questions comme :

  • Comment comprends-tu les actes de cette personne ?
  • Comment se sent la personne selon toi ? Quels sont les signes qui te l’indiquent ?
  • Connaîtrais-tu quelque chose au sujet de cette personne qui puisse expliquer ce qu’elle a fait ?
  • Quelle image globale as-tu de sa vie ?
  • Y a-t-il quelque chose qui pourrait t’aider à être patient avec elle ?

Marie-Nathalie Beaudoin  affirme que les jeunes des deux sexes de plus de quatre/ cinq ans peuvent généralement prendre en compte jusqu’à cinq sortes ou plus « d’invisibles », s’ils ont expérimenté un certain nombre de ce type de conversations stimulant les compétences émotionnelles et relationnelles.

Marie-Nathalie Beaudoin insiste sur l’importance de la parole entre adultes et enfants pour permettre aux derniers de développer leurs compétences émotionnelles et relationnelles. Parler des situations problématiques mais aussi des situations résolues représente une occasion de dégager des observations inattendues et d’aider les enfants à les mettre au premier plan de leur conscience à travers l’exploration des émotions et pensées qui ont émergé, des stratégies adoptées, de leurs conséquences et des réactions en chaîne entraînées.

Le type de conversation qui développent les compétences des enfants peut passer par des constatations et questions telles que :

Il/ elle a cassé ton… et tu as réussi à ne pas lui crier dessus. Donc, j’essaie de me faire une image de vous deux : c’était à l’école ? Comment a-t-elle cassé ton…?

Que s’est-il passé pour toi dans ta tête quand tu as vu ça ?

Tu étais furieux et tu voulais lui crier dessus. Qu’est-ce que la colère te donnait envie de crier ?

La colère voulait que tu cries/ que tu tapes/ que tu casses/  que tu restes seul… est-ce bien cela/ y avait-il autre chose qui se passait en toi ?

Alors que c’était très tentant, tu me dis que tu n’as pas crié. Qu’as-tu fait à la place ?

Ta colère était vraiment très fort et tu as réussi à lui trouver une excuse/ imaginer ce qui se passait dans sa tête/ comprendre pourquoi il/elle a fait ça ?  Qu’est-ce qui t’a permis de penser ça ?

Tu as remarqué quelque chose sur lui/elle ? Comment était son visage ?

Tu as remarqué qu’il/elle semblait gêné.e/ honteux.se/ triste ?  A-t-il/elle dit quelque chose ?

Tu l’as entendu dire…/ tu l’as vu faire… Autre chose que tu pourrais me dire à son propos ?

Pourrais-tu imaginer quelque chose d’autre qui se passait en lui/elle, qui était peut-être « invisible » ?

Est-ce possible que certaines de ces choses invisibles que ton cerveau a notées t’aient aidé à ne pas lui crier dessus ?/  De remarquer son visage, « ses invisibles » et de l’entendre, ça t’a aidé à ne pas écouter la colère.

Que se serait-il passé si tu lui avais crié dessus ?

Que s’est-il passé après tout ça ? Avez-vous été capables de réparer/ rejouer/ reparler… ?

Tu aimes te sentir patient ?/ Tu te sens bien de rendre les gens contents ?

 

5 types d’invisibles qui peuvent influencer les interactions humaines

Selon Marie-Nathalie Beaudoin , « les invisibles » tournent autour des expériences personnelles, des relations, des situations, du contexte et du passé que l’on peut déduire dans la vie des autres.

 1.« Les invisibles » personnels

« Les invisibles » personnels concernent la capacité intrinsèque d’une personne à s’engager ou non dans un certain type d’action. Les enfants peuvent réguler leurs impulsions (envie de taper, casser, crier, jeter…) en s’imaginant les invisibles de la personne qui cause leur colère. Par exemple, dans une fratrie, les aînés peuvent se représenter « les invisibles » des plus jeunes afin de réguler leurs propres émotions et tendances à l’action : « il est encore bien petit et n’est pas encore capable de se retenir de… Je vais demander de l’aide/ partir/ lui demander d’arrêter…»

 2.« Les invisibles » des relations

« Les invisibles » des relations concernent le passé commun de gens qui se connaissent depuis un certain temps (des frères et soeurs, des ami.es, des camarades de classe ou de sport…). Cela peut concerner des altercations précédentes qui ont pu susciter du ressentiment, des relations avec les adultes (parents, enseignants…) qui peuvent être la source de jalousie.

Réfléchir en termes de relations permet d’identifier les émotions et besoins qui motivent le comportement d’une autre personne.

 3.« Les invisibles » du contexte

« Les invisibles » du contexte concernent ce qui arrive à une personne dans sa vie courante : les événements récents de la journée, l’état des relations familiales, le bien-être et l’état de santé de la personne, etc.

 4.« Les invisibles » du passé de chacun

« Les invisibles » du passé de chacun concernent les événements d’un passé lointain : les traumatismes, les deuils, les accidents..

 5.« Les invisibles » des situations

« Les invisibles » des situations concernent les particularités de chaque circonstance présente : être confronté à une tâche difficile ou supérieure aux compétences, recevoir des indications confuses ou des injonctions contradictoires, craindre de casser un objet précieux. Par exemple, quand un enfant casse le jouet d’un autre, ce dernier peut éprouver de la colère et de la tristesse (légitimes), accueillir ses émotions comme des vagues qui viennent et qui repartent puis se représenter les « invisibles » qui ont pu avoir eu une influence sur les actes de l’autre : « il ne l’a pas fait exprès, c’est mon meilleur ami et il a juste essayé de m’aider. De toute façon, j’aurais pu la casser moi-même par accident si j’avais continué ce que je faisais, parce que… et que… »

 

Les avantages de savoir prendre en compte les « invisibles »

Prendre en compte « les invisibles » augmente la probabilité de résoudre avec plus de précision les situations difficiles. Faire attention aux « invisibles » accroît la capacité générale des jeunes à éprouver de l’empathie et de la compassion car cela élargit leur compréhension des personnes bien au-delà de l’ici et du maintenant de l’incident. – Marie-Nathalie Beaudoin

Les avantages de savoir prendre en compte les « invisibles » sont nombreux :

  • avoir une vue d’ensemble de la situation réduit les risques d’agressivité et de violence,
  • plus de solution et des solutions plus créatives sont trouvées quand le problème est situé dans son contexte,
  • l’autre est vu comme une personne humaine, comme un pair, et non comme un ennemi ou un obstacle dépersonnalisé,
  • les jeunes prennent des décisions par rapport au type de personne qu’ils préfèrent être en rapport avec leurs valeurs internes.

Ces apprentissages émotionnels et relationnels prennent du temps et le style de conversations stimulant ces compétences n’est pas une technique mais plutôt un ensemble de valeurs qui portent à s’intéresser vraiment à la manière de penser des jeunes. Certains échanges peuvent être brefs, d’autres plus longs. Quand les enfants commencent à parler d’autre chose, c’est le signe que la conversation a suffi.

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Source : Les mille et une compétences en chaque enfant : prévenir et résoudre les difficultés sociales et émotionnelles à l’aide des découvertes en neurosciences de Marie-Nathalie Beaudoin (éditions L’Harmattan). Disponible en médiathèque, en librairie ou sur internet.

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